Dimanche 2 juin / 6

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Julie

Manu reprend peu à peu ses distances envers moi. Juste des sourires amicaux, des paroles pleines d’humour et des compliments. C’est tellement plus simple ainsi. Je me détends au fil du repas et lorsque le moment de servir les cafés arrive, je me sens vraiment bien avec eux. Je débarrasse les assiettes sales que j’emmène à la cuisine, enclenche la machine à expresso, sors le sucrier et quelques biscuits, lorsque je devine un frôlement contre mon avant-bras. Je retiens un frisson et me tends. Je bloque ma respiration en fermant les yeux. Manu s’approche davantage, il prend le paquet de friandises en murmurant :

— Et nous deux... ?

— Quoi nous deux ? tiqué-je encore surprise de sa proximité.

De quoi parle-t-il ? Il n’y a pas de nous deux ! Il n’y en a pas eu et il n’y en aura pas !

— Tu ne te souviens plus ? Tu as besoin que je te montre encore une fois ?

— Manu… s’il te plaît.

— Tu m’attires… J’y peux rien.

— Contrôle-toi. Et recule ! dis-je froidement.

— Donne-moi un moment rien qu’à nous, Julie.

— Non ! Tu n’auras rien, il n’y a rien entre nous !

— Tu oublies notre baiser ?

— Je n’aurais jamais dû te laisser faire.

— Eh oh ! Il n’y avait pas que moi. Je te rappelle que toi aussi tu m’as embrassé ! grogne-t-il à mi-voix dans mon dos, tout en reprenant une certaine distance.

— Je n’aurai pas dû… Je suis désolée, j’ai répondu à un élan. Excuse-moi !

— Ne t’excuse pas en plus ! Merde !

— Maman ? Tu peux m’apporter une autre serviette, nous interrompt Tiphaine depuis la porte-fenêtre, la mienne est tombée dans l’eau.

Je sursaute, rougis d’avoir été surprise en pareille situation et toise froidement Manu. Jamais je ne le laisserai faire de mal à ma famille. Mes enfants, j’y tiens plus que tout, qu’il ne s’avise pas de ficher le bordel dans ma vie ! Ça, je ne le permettrai pas.

Je monte chercher une serviette et lorsque je reviens sur mes pas, la cuisine est déserte, heureusement. Je termine les cafés toute seule, apporte le plateau sur la petite table près du chêne, retire ma robe et m’allonge sur le transat au soleil. Manu joue au foot avec les garçons pendant que Tim se repose à l’ombre et que Charlotte nage.

En m’installant sur le ventre, j’évite ainsi de croiser le regard de Manu. Je lui en veux d’avoir été si proche de moi, alors qu’à tout moment nos enfants, Tim ou encore Charlotte auraient pu nous surprendre. Je ferme les yeux et écoute à demi-consciente les conversations environnantes.

Cet après-midi ressemble à n’importe quel autre dimanche que nous partageons souvent avec nos amis, sauf que l’homme me dévisage plus que de coutume et que je me sens frémir à son contact. Pour le reste cela reste identique. Il faut absolument que Manu comprenne que jamais rien ne se passera et surtout que… je ne suis pas intéressée. Vu la complicité des uns et des autres, nous allons nous voir souvent et je ne supporterai pas qu’il continue ce petit jeu.

— Julie… tu es toute rouge dans le dos, s’exclame Manu. Tu n’as pas mis de crème ?

— Non… j’ai oublié, dis-je en regardant par-dessus l’épaule. Tim, s’il te plaît !

— J’ai un peu la flemme, là… demande à Tiff, dit-il sans lever le nez de son journal.

Je tourne la tête, mais Tiphaine, Marion et Charlotte nagent dans la piscine. Tristan est remonté dans sa chambre, et les plus jeunes jouent au ballon. Le seul disponible et prêt à se dévouer n'est autre que Manu. Et sans attendre, il demande la permission à Tim qui s'empresse d'accepter. Du moment qu'il peut rester dans son fauteuil... il ne remarque pas le petit sourire de notre invité. Mais moi oui et je me crispe.

Je tente de me redresser, mais il se tient déjà près de mes jambes. Je devine sa proximité, sa chaleur et bientôt ses mains sur mon dos. Je reste appuyée sur les coudes, alors qu’il dépose une noisette de lotion solaire dans sa paume. Habituellement quand Tim consent à m’en mettre, il vide le tube sur ma peau, et à chaque fois la sensation de fraîcheur me déplait. Manu prend le temps qu’elle se réchauffe dans sa main.

— Allonge-toi, je ne vais rien pouvoir faire ainsi, dit-il.

D’un regard, je l'avertis de se tenir tranquille et de ne pas abuser de la situation, puis je pose une joue sur le coussin du transat mes bras croisés par-dessus ma tête et le laisse placer une main au milieu de mon dos et masser délicatement mes épaules rougies avant de descendre dans le creux de mes reins. En remontant, ses doigts me frôlent les flancs ainsi que les prémisses de ma poitrine. Je sursaute, mais le geste n’est pas suffisamment intense pour me permettre de mal le prendre.

— Tu devrais en mettre aussi sur les cuisses, dit Manu en se levant et en rejoignant mon mari.

— Merci, dis-je en me redressant.

Je sens encore le contact de ses mains parcourir mon dos, mes épaules, me frôler la nuque, j’en aurais frissonné, si je n’étais pas aussi tendue. Je me crème entièrement les jambes, le ventre, le haut du torse et mes bras. Je remets mes lunettes de soleil, relève le dossier du transat et m’installe cette fois sur le dos.

— Au fait, Lili… mardi je dois amener la voiture au garage. On fait l’échange ?

— Je remplace Christine à la librairie, je ne pourrai…

Je m’interromps devant le sourire satisfait de Manu. Il n’est pas difficile de comprendre que mardi j’aurai de la visite.

— Parfait. Je la déposerai en passant le matin, tu me suivras et m’emmèneras ensuite au bureau.

— Oui, si tu veux. Et le soir ?

— Je peux te ramener, propose Manu. Le mardi, Charlotte va à la piscine avec les enfants. Je ne suis jamais pressé.

— Super, s’exclame Tim.

Ouais… super, grimacé-je. Avec ma chance, Tim l’invitera boire l’apéritif pour le remercier. Le seul point positif c’est que pour une fois, mon mari rentrera tôt.

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