Jeudi 30 mai

6 minutes de lecture

Charlotte

Depuis dimanche plus rien. Pas de culbute sage ou bestiale. Pas de caresses intimes ou de léchages en règle et même si cela ne fait que trois jours, j’en peux plus. Manu a assuré après le pique-nique mais je crois que j’ai un peu abusé. C’est vrai qu’on a plus quinze ans. Il me l’a déjà reproché plusieurs fois, mais c’est plus fort que moi.

Il m’avait promis une nuit de sexe et après seulement deux jouissances, il pensait pouvoir dormir tranquille. Il avait fini par me doigter sous la couette, mais je le sentais plus impatient de retrouver Morphée que de me satisfaire et lorsqu’au réveil je lui avais sauté dessus, il avait grogné que j’étais infernale.

C’est vrai qu’on avait peu dormi, mais c'est lui qui aime prendre son temps... moi j'arrive à me contenter d'un acte rapide. Avec lui, j'aime les jeux, les préliminaires, mais parfois, un coup rapide, ça me va très bien. Et le pire c'est que ses paroles tournaisent en boucle dans mon esprit, jusqu'à me perturber alors que j'essayais de prendre du plaisir toute seule.

Mon ancien psy me disait qu’aucun homme ne pouvait supporter ma pathologie sans s’épuiser. Il nous donnait cinq ans à peine avant que Manu ne se lasse. Il avait seulement oublié, ce psy de pacotille, qu’on s’aimait et qu’on s’aime encore, et sans doute bien plus qu’au début de notre relation. Manu je l’ai dans la peau et il ne veut pas d’une autre femme… Il me le répète souvent.

Mais il n’empêche qu'il m'a repoussé et trois jours c’est ma limite. Plus je ne peux pas attendre.

J’ai bien mes jouets, ça me calme une heure ou deux, mais là, j’ai besoin d’un bon coup de reins.

Le GPS me guide à travers les rues de Lausanne. J’ai toujours de la peine avec cette ville, et même si je connais parfaitement les lieux, le code d’entrée de l’immeuble et le nombre de marches qui me sépare de l’appartement d’Allan, repérer sa fichue rue reste une épreuve que je réserve au GPS. Il n’a pas été inventé pour rien quand même.

Heureusement, je trouve facilement une place dans le quartier, je mets suffisamment d’argent dans l’horodateur, y a des fois où j’oublie et mon escapade se termine avec un cadeau de la police locale dont je me passerais bien. Et Manu aussi. Mais quand j’ai envie, c’est dangereux… J’arrive à me concentrer en roulant, mais dès que je pose un pied sur le trottoir, je ne pense plus qu’à mon amant, sa belle queue et son énergie.

Je vérifie la présence des capotes dans mon sac et si mon téléphone est en mode vibreur. Aucun message, c’est parfait. Les enfants mangent chez des copains à midi, ça me laisse un peu plus de temps.

Le code, le bip de la porte, je pousse la poignée et je mouille…. Oui déjà.

L’imaginaire… les souvenirs… il fut un temps où je venais vraiment très souvent voir mon amant, enfin l’un parmi d’autres, mais Allan reste mon régulier, et ça depuis de longues années. C’était facile quand nous vivions à Nyon : peu de route et l’humeur changeante de Manu après des journées harassantes à son ancien job me donnaient l’occasion de le retrouver au moindre manque.

J’ai l’impression que chaque son me rappelle mes multiples jouissances. Le bruissement de l’ascenseur semblable à une fermeture que l’on descend ou remonte, la porte d’entrée qui claque brusquement comme une fessée, la sonnette qui résonne dans le couloir comme un cri de jouissance… la serrure qui se déverrouille, l'appartement qui s’ouvre, mon corps entouré par deux mains gourmandes, mon dos plaqué contre le mur, une bouche dans mon décolleté. Il ne perd pas une seconde et c’est bien ce que je veux. Une de ses paumes descend entre mes cuisses, fouille déjà ma chatte et je miaule, réclamant l’orgasme venu chercher.

— Ça fait longtemps, t’es en manque, s’exclame-t-il en se défroquant.

Mes doigts poussent fortement le jeans loin de ses attributs, les siens soulèvent ma robe, dégrafent mon soutif, et sa bouche me bouffent les tétons. Je suis pas déshabillée, juste débraillée. Mes vêtements pendouillent, libérant des bouts de moi avides de caresses.

Dès que je sens sa matraque dans ma main, je le branle. Il me laisse faire un peu, puis me retourne. La joue posée contre la paroi, les cuisses écartées, le cul tendu, j’entends le déchirement de l’emballage d’une capote et le temps qu’il la déroule sur sa queue, je me trémousse descendant mon buste, offrant mes fesses.

— Arrête de m’exciter.

— T’aimes plus que je te montre ma souplesse ?

Je termine à peine ma phrase que je le sens au fond de ma chatte. Il grogne que c’est bon, je gémis des « encore ». Et il ressort. Me pénètre à nouveau. Il le fait quelques fois, toujours plus fort, plus brusque, plus vite, jusqu’à rester en moi. Immobile. Il soulève mes cheveux, m’embrasse le cou et murmure :

— Faut que je me calme, je me branle depuis que tu m’as appelé.

L’imaginer assis sur son fauteuil derrière son bureau, le sexe entre ses doigts en pensant à moi me rend folle.

— Défonce-moi ! Viiiiiiiiiiiite.

Il passe une main sur mon ventre, descend sur mon pubis et me pince le clito, je crie. Il s’anime dans mon dos, me bouscule, puis me dirige à travers l’appartement, sa queue toujours en moi. Parfois, elle quitte mon antre, mais il se replace immédiatement dans un grognement bestial que j’adore. Dès qu’on s’approche d’un cadre de porte, il me pilonne contre puis continue son chemin pour m’emmener où il a choisi de me baiser. Ce rituel m’est coutumier.

Après avoir retrouvé mes esprits, une bonne jouissance bien puissante, je regarde autour de moi et commente :

— Tu as fait des changements ?

— Ouais… je m’emmerdais et quand je m’ennuie, je modifie des trucs.

— J’aime bien, c’est sympa. Surtout ce paysage, dis-je en montrant une photographie d’une ville en contre-jour.

— Merci. Tu veux boire quelque chose ?

Je retire mon soutien-gorge et ma culotte qui pend autour d’une cheville, replace ma robe et le suis à la cuisine en acceptant un verre d’eau.

— Ton mari n’assure plus ?

— Il a une semaine compliquée et… tu me manquais.

C’est pas tout à fait un mensonge. Même si je ressens moins le besoin de satisfaire mes pulsions avec d’autres hommes, je sais que c’est en partie parce que j’étais très occupée. Maintenant que le quotidien redevient monotone… j’aurai de plus en plus envie de sexe et de préférence avec une queue plutôt que d’utiliser le jet de la douche ou mon vibro.

— Et donc… tu te plais de l’autre côté du canton ?

— Oui, beaucoup. Tu veux pas t’y installer ?

— Pis quoi encore ? Une baise avec moi se mérite.

Je lui souris. C’est pas sa conversation que je cherche quand je viens ici, mais faut bien recharger les batteries, les miennes comme les siennes et le second round est toujours le meilleur. Il reste impatient, pas comme Manu qui aime prendre son temps en préliminaires. Allan va droit au but et change de position que lorsqu’il a des crampes. Autant dire après de longues minutes. Et moi pendant ce temps… je jouis, je me calme et je jouis encore. Un vrai festival. C’est le seul qui arrive – je sais pas trop comment d’ailleurs – à me calmer rapidement et à me faire mouiller à nouveau comme une folle. Manu aime les pauses, on se câline beaucoup, il perd parfois l’envie, alors que pour Allan… il n’y a que l’acte qui compte. Les jouissances, les plaisirs de me posséder. Il est dingue de mon corps, il le dit à chaque rencontre et j’adore qu’il m’adule de cette manière.

Mais il n’est pas amoureux, pas plus que moi d’ailleurs. On baise ensemble comme des amis font un tennis. Enfin pas tout à fait quand même, mais cela n’impacte pas sur nos vies privées. Il est en couple, depuis longtemps, elle ignore pour moi et d’un côté ça m’arrange. Ça m’évite qu’Allan me colle trop. J’aime décider de la fréquence de nos rencontres, même si je deviens son pantin dès mon arrivée, le premier pas, c’est toujours moi qui le fais.

Les règles sont claires entre nous, comme entre mon mari et moi. Manu connait les prénoms de mes amants, il sait quand je les ai vus, de préférence après le rendez-vous, mais jamais je ne les ai présentés l’un à l’autre. Allan et Manu ont failli se rencontrer lors d’un anniversaire d’un ami commun. Heureusement, Maxime était tombé malade et mon mari avait proposé de le veiller. Encore aujourd’hui, je ne sais pas comment j’aurais fait.

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