Dimanche 26 mai /3

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Julie

En entendant Tim m’appeler, je quitte le bord du lac après avoir récupéré le ballon des garçons qui avait fini sa course dans l'eau. Heureusement, il n’était pas trop loin et je n’ai pas dû me mouiller entièrement. Par contre, l’eau est froide et le vent me fait frissonner. Mais ce n’est rien en comparaison de mon état lorsque j’observe mon mari et les personnes qui l’accompagnent. Mes pas ralentissent au fur et à mesure que je comprends que son nouveau collègue n’est autre que mon inconnu de la librairie. Manu pour Tim… Emmanuel Roucal pour moi. L’entretien d’embauche, Tim m’en avait parlé… le même jour que l’accident. Tout me revient et me saute aux yeux comme une évidence.

La rencontre dans la cour de l’école… la librairie… le baiser…

Je rougis.

Le monde est trop petit… beaucoup trop petit !

Pourquoi est-ce que cela doit m’arriver à moi ?

J’entends encore Tim me parler de son collègue récemment engagé, qui lui permet de travailler dans de bonnes conditions, sans que jamais je ne fasse le rapprochement ! Manu… Emmanuel ! Après que mes joues aient pris la couleur des coquelicots, j’ai le sentiment qu’elles deviennent transparentes.

Combien y avait-il de chance ? Aucune… Enfin si une !

Il tient sa compagne près de lui, alors qu’il me scrute de la tête au pied. Il semble aussi surpris que moi. Au moins, il y a une justice.

— Manu, je te présente Lili, ma femme. Lili, voici notre nouveau talentueux graphiste et son épouse Charlotte.

Cette dernière me fixe avec attention et son sourire me parait sincère. Ses cheveux roux dansent autour de son visage rieur. Sa peau claire et parsemée de taches de son laisse penser qu’elle est aussi fragile qu’une statue de porcelaine Ce teint lui apporte une beauté semblable à une poupée de cire. Ses grands yeux noisette, ses pommettes très hautes et son sourire terminent le tableau agréablement. Quant à sa silhouette, si j’étais un homme je ne rechignerais pas à poser mon regard sur ses courbes toutes en rondeur.

Pourquoi diable s’était-il approché de moi ? Pourquoi m’avait-il embrassé ? Sa femme était de toute beauté et manifestement, ils étaient heureux ensemble. Très tactiles, très amoureux.

Après la surprise et l’inquiétude, je sens la colère s’emparer de mes tripes.

J’entoure mon corps d’une serviette de plage, le temps de me réchauffer, puis leur tends une main tremblante.

— Vous êtes gelée, s’exclame Charlotte.

— Théo a envoyé le ballon dans le lac. Je vous déconseille la baignade aujourd’hui, l’eau est vraiment froide.

— Et toi tu as plongé, s’étonne Tim.

— Je n’ai mis que les pieds. Je n’en suis pas morte. Le soleil me réchauffera, le rassuré-je en souriant.

Je réussis à rester à distance de la famille Roucal le temps de l’apéritif. Et au moment de s’asseoir, je choisis de m’installer du même côté qu’Emmanuel. Ainsi j’éviterai plus facilement son regard. Mais les personnes ne cessent de se déplacer lors de ces festivités et c’est assez naturellement que je me retrouve à côté de lui au moment du café.

Il semble content de m’approcher et son sourire malicieux ne m’inspire qu’une colère grandissante. À chaque fois que son genou se colle à ma cuisse, je ne sais si c’est intentionnel ou non et cela m’exaspère. Je finis par me lever, répondant à une question venue du bout de la table. Heureusement, Charlotte me remplace, ainsi je n’aurai pas à trouver une excuse pour m’asseoir ailleurs.

Du coin de l’œil, je les observe. Ils semblent très amoureux, ils n’arrêtent pas de se toucher, de s’embrasser. On dirait un jeune couple alors que d’après Tim, ils se sont mariés la même année que nous. Ils ont d’ailleurs deux enfants du même âge que Tiphaine et Théo. Emmanuel a tendance à repousser gentiment les câlins de sa femme, mais je comprends qu’il ne soit pas très à l’aise. Il est entouré de ses collègues et surtout de ses patrons. Elle est peut-être jalouse. Mais moi je n’aimerais pas que Tim me bécote comme ça devant tout le monde.

Je m’avance près de Tiphaine et Tristan pour vérifier que tout se passe bien et m’aperçois que ma fille devient très proche de la fille Roucal. Ben voyons ! Ça va être facile ! Entre Tim qui bosse avec Emmanuel et ma fille qui va sans doute inviter la sienne à tout bout de champ… Il faut que j’arrive à oublier qu’il m’a prise dans ses bras et qu’il… que nous nous sommes embrassés… Flute, rien que d’y penser, je rougis.

— Ça va m’man ? me demande Tiphaine. Tu es toute rouge !

— Oui… oui, un coup de chaud ! Ça va passer.

— Je peux reprendre du dessert ? réclame Tristan.

J’acquiesce en l’envoyant en chercher vers son père puis je m’approche du terrain de sport pour vérifier que mon cadet va bien également lorsqu’une parole de Tim me revient comme un éclair :

« Ce pique-nique est l’occasion de faire connaissance avec Manu et sa famille avant qu’ils ne viennent à la maison la semaine prochaine ! »

Ce n’est pas possible… il ne peut pas venir chez moi, chez nous… Pas lui ! Je recommence à paniquer ! Il faut que je trouve une excuse… peut-être tomber malade.

Et si je retournais dans l’eau ?

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