Mardi 7 mai /5

3 minutes de lecture

Julie

C’était quoi ça ?

Je prends appui contre le meuble, perdue dans mes pensées, déglutissant avec peine, puis je fixe l’horloge et m’aperçois que la boutique devait être fermée depuis sept minutes. Je m’empresse de verrouiller la porte et tourne le panneau « Fermé » vers l’extérieur. J’observe mes mains qui tremblent, les secoue, les frotte l’une contre l’autre avant de baisser le rideau de fer. J’éteins les lumières, prends la caisse dans l’arrière-boutique et entreprends de la vérifier.

Des flashs envahissent mon esprit. Je revois tantôt son regard brûlant, ou son sourire. J’ai parfois l’impression que ses lèvres sont encore sur les miennes que sa langue danse encore dans ma… et je l’imagine descendre le long de mon cou. Je secoue la tête et me gronde. Qu’est-ce qui m’avait pris ?

Je me concentre et recommence à compter les billets. Je dois refaire cette opération trois fois, avant d’enfermer la recette dans le coffre et de quitter la librairie par la porte arrière.

Qu’avais-je fait ? Rolala… j’avais embrassé un autre homme que mon mari !

Cela ne m’était plus arrivé depuis… Jamais en fait ! Depuis que j’avais rencontré Tim, il y a vingt ans, jamais plus je n’avais levé les yeux sur un autre homme. Sans parler évidemment de ma bouche. Que ce soit en pensée, en rêve ou en réalité. Alors que là… J’avais même été plus audacieuse que lui. Il n’avait fait que poser ses lèvres contre les miennes, et même si ses intentions étaient claires, il aurait pu s’excuser… dire qu’il avait glissé, qu’il visait mes joues… alors que moi je l’avais… Enfin, j’étais entrée… j’avais laissé ma langue…

Pff ! J’ai un vertige.

Je ne sais pas trop comment je suis rentrée à la maison, encore fortement perturbée par cette rencontre, mais heureusement le trajet n’est pas long. Les enfants, les uns après les autres arrivent et m’embrassent sans s’apercevoir de mon trouble. Je vérifie plusieurs fois dans le miroir si mes lèvres ne sont pas gonflées ou rouges, du moins pas plus qu’habituellement. Mais si j’ai l’impression que mon infidélité transparait, ceux qui m’entourent ne remarquent rien. Tim arrive presque à l’heure pour le repas et les enfants profitent de sa présence pour raconter leur journée. Je ne suis pas très attentive, cherchant à éloigner de moi le souvenir de cette rencontre. Mais plus les minutes passent et plus je culpabilise. Tim m’aide même à débarrasser la table et me propose de prendre le café sur la terrasse. Les beaux jours arrivent et les soirées se font plus douces.

Pendant que Tim me parle de sa dernière réunion et des compliments reçus par ces futurs clients, je ne peux m’empêcher de m’en vouloir. Je tourne en boucle dans mon esprit les quelques minutes passées en présence de Monsieur Roucal… Son arrivée, sa démarche chaloupée, sa demande, son regard, le mien sur lui, sur ses doigts qui caressent les miens, sa main qui me fait prisonnière, sa bouche qui semble m’appeler, ses lèvres qui s’écartent… sa langue qui me cherche…

Je ferme les yeux fortement et m’apprête à annoncer à Tim ma folie de l’après-midi, mais je n’ose l’interrompre. Même si j’ai du mal à le suivre dans ses explications, je souris et incline la tête par moment pour lui montrer mon intérêt.

Mais plus les minutes passent et moins je réussis à comprendre ce qui m’avait pris. En effet, Monsieur Roucal est un bel homme, mais Tim n’a rien à lui envier. De manière très différente, ils ont tous les deux beaucoup de charisme. Les yeux bleus, les cheveux châtains et le visage sans barbe pour mon mari, le charme plus ténébreux pour… l’autre. Deux grandes silhouettes sportives…

Comment avais-je pu lui faire ça ? Comment avais-je pu me laisser aller…

Je sens les larmes me monter aux yeux et je suis sur le point d’avouer mon incartade, lorsque Tim me parle des prochaines vacances. Soudain l’image des enfants, les voisins, les collègues… que diraient-ils s’ils savaient que j’avais…

Non, cela doit rester un secret. Mon secret. Et un peu celui de Monsieur Roucal, mais il est sans doute un homme à femmes, pour agir de la sorte et sans scrupules. Pour lui, je dois déjà être tombée dans l’oubli alors que je vais en perdre le sommeil.

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