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Laisse-moi un moment. C’est dur. Je dois tout te dire.

J’ai commencé le lundi avec une boule dans le ventre, sans cause. J’avais hâte de le revoir, qu’on s’explique. La cloche sonna : il n’était pas là ! Je refusais de m’inquiéter : ce n’était pas la première fois qu’il était absent. Le cours venait juste de commencer quand un administratif entra dans la salle, les yeux sur les pieds. Il leva le regard et lança rapidement.

— J’ai la triste mission de vous annoncer le décès de votre camarade, Hugo Chominot. Nous n’en savons pas plus pour l’instant.

Il sortit. Un cri me transperça. Quand je revins à moi, Camille était là, avec deux ou trois de nos camarades. C’était moi qui avais poussé ce râle d’agonie. Nous avons couru vers l’administration, comme si nous précipiter allait changer le fil de la tragédie.

Camille insistait, ne lâchait rien. Elle avait besoin de la vérité, pour elle, pour moi, pour nous. Un terrible accident, il a basculé sous un train samedi soir. Elle arracha l’adresse et le téléphone de ses parents.

Elle appela, se faisant passer pour une amie d’Émilie.

— Je suis Camille, je suis avec Joachim…

Émilie nous donna son numéro. Je l’appelais. Le drame était écrit d’avance : l’arrivée de Hugo et la convocation immédiate dans le bureau paternel ; le questionnement brutal, qui porte déjà le jugement. La détresse qui ne retient plus la vérité, hurlée à la tête de l’accusateur. La scène qui tourne à l’horreur, avec les cris du père, les pleurs de la mère, coupable de la déviation et de la perdition du fils. La haine pour prononcer le bannissement, le rejet absolu. Les coups qui tombent, pour faire expier la destruction de l’inévitable. Émilie qui se bat avec son père, tandis que Hugo s’enfuit devant les sœurs impuissantes dans leur incompréhension.

Quand Émilie est revenue dans la chambre, Hugo avait disparu. Elle est partie à se recherche, errant toute la nuit, appelant tous les refuges possibles auxquels elle pensait. Elle est retournée fouiller les affaires de Hugo, espérant trouver mon numéro, dernier espoir. Elle reprit sa quête inutile. Ses pas furent attirés par les sirènes et lumières vives, les gyrophares, la gare. L’angoisse qui montait, car forcément… La bagarre pour franchir le cordon de sécurité et recevoir l’abominable nouvelle.

Émilie, ma sœur de souffrance infinie, je suis avec toi ! Nous passons des heures à parler de notre amour, de ce garçon devenu indispensable qui ne pouvait vivre sa destinée.

Hugo, j’étais là ! Je t’aurais accueilli, consolé, extirpé de ce drame. Nous aurions vécu ensemble. Pourquoi n’es-tu pas venu ? Je refusais de penser au baiser de condamnation que je lui avais donné. Mon affection l’avait tué.

Voilà, Clément. À nouveau, je perds ce que j’aime. Pour les mêmes raisons. Je n’en peux plus. La tristesse n’existe pas, la colère me submerge trop.

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