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Mon sommeil était agité par un mélange de mauvais rêves et de cauchemars. J’entendais au loin sa voix appeler mon nom. Il revenait me torturer ! L’appel se transformait en implorations. J’émergeais péniblement pour découvrir Hugo à côté de moi, susurrant mon nom. Quand il a vu que j’étais enfin réveillé, il m’a lancé en partant :

— S’il te plait, viens !

J’ai enfilé mon jean pour le suivre. Nous sommes descendus dans la cour. La nuit était fraiche. Il m’entraina sur un banc, à côté de la porte.

— Joachim, je suis désolé ! Je ne voulais pas t’injurier ! En plus, je sais que tu n’en es pas un…

— Tu ne sais rien ! Ces mots, je les ai entendus dans la bouche de ceux qui étaient en train de tuer un ami…

C’était sorti trop vite. Je ne voulais pas lui dire. Mon ton l'a surpris. À son silence et sa tête baissée, j’ai vu qu’il avait percuté.

— Je … Je suis désolé. Je n’aurais jamais dû te dire cela !

J’étais encore à moitié endormi. Je ne savais pas quoi lui répondre. Je ne voulais pas ça, ces secrets, ces complications. Partir, oublier.

— Tu me consolais, je t’ai traité comme de la merde. C’est moi qui suis une merde. Je ne te mérite pas, je suis nul.

Il se leva. Il était venu me chercher pour me dire qu’il me lâchait ! Ce mec était dingue ! Je le regardais s’éloigner, ne sachant pas si j’avais vraiment envie de le retenir.

— Hugo, reviens !

J’ai eu un moment de panique. Pour la deuxième fois, j’agissais hors de tout contrôle de mon esprit. Je l’avais frappé et maintenant je le rappelais sans vraiment l’avoir décidé.

Il se rassit. C’était trop con, trop embrouillé. J’avais simplement envie de tout effacer, de reprendre où nous en étions. J’avais besoin de simplicité. J’ouvris mon bras en murmurant : « Viens ! ». Cette fois, il se laissa faire. Quand ma main monta dans ses cheveux, il s’appuya plus fortement sur moi.

— Hugo, je t’ai frappé ! Je n’aurais pas dû, mais je recommencerai si ça se reproduit. Ce n’est pas qu’une injure ! C’est un rejet, un jet de haine. Elle a tué mon ami. Pourquoi as-tu dit de telles choses ?

Un silence. Il restait dans mes bras.

— C’était qui, cet ami ? Il était qui pour toi ?

— Hugo ! Je t’ai posé une question !

— Mais j’y réponds ! J’ai besoin de savoir qui tu es, Joachim.

Clément, je n’en pouvais plus. J’avais besoin de lui dire, quitte à le perdre.

— C’était plus qu’un ami ! Tu as Émilie, depuis toujours. Sans elle, tu n’es rien. Pour moi, c’est Clément ! Longtemps, j’ai été seul, au fond de mon trou. Il est venu me chercher et il m’a mis dans la lumière. Sans lui, je n’existerai toujours pas !

— Tu l’aimes ?

— Je ne sais pas ce que ça veut dire. Ce n’est pas de l’amour, c’est la substance de ma vie, c’est l’indispensable, c’est…

— Mais je ne comprends pas ! Tu en parles au présent et au passé ! C’est lui qui a été tué ?

— Il a été massacré sous mes yeux… mais il est toujours vivant pour moi. Je lui raconte tout, comme tu le fais avec Émilie !

— Comment sais-tu ? me demande-t-il dans un rougissement.

— Vu comment tu m’as parlé d’elle ! Ce n’est pas important ! Tu m’as donné l’envie de la connaitre, qu’elle devienne ma sœur, comme tu es… mon frère !

— Oh ! Que c’est gentil que tu dises ça ! C’est vrai que tu m’aimes un peu ?

— Aimer, aimer, mais je ne sais pas ce que ça veut dire ! Oui, je tiens à toi, à notre relation. Sauf quand tu fais n’importe quoi !

— Oui ! Je suis désolé ! Il y a des choses que je ne contrôle pas… Avec Clément, vous avez…

— C’est quoi ces questions ? C’est quoi ton problème ? Cela ne te regarde pas !

— Excuse-moi ! C’est indécent ! Mais je voudrais savoir… Non ! Laisse tomber !

— Vas-y ! Sinon, tu vas encore déconner !

— Tu me réponds que si tu veux… Tu es gay, homo je veux dire ?

— J’avais compris ! Mais je ne comprends pas cette question ! Tu veux savoir si nous avons eu des rapports sexuels ?

— Non ! Je ne veux pas…

— Écoute, Hugo ! Nous n’avons pas baisé. Nous avons partagé l’extase, le bonheur, la jouissance de l’autre. Ce n’était pas faire l’amour, c’était donner, s’offrir, fusionner, être ensemble.

— Excuse-moi, je n’y connais rien, je ne voulais pas te blesser…

— Tu sais, tu es la première personne avec qui je parle de ce que j’ai partagé avec Clément. Cela me fait du bien, cela me fait plaisir que ce soit toi qui entendes. Ce furent des moments extraordinaires. C’était la première fois pour moi ! Comment retrouver, revivre ces instants ? Ne me demande pas de détail, cela deviendrait sordide, porno, alors que c’était lumineux, transcendant !

— Pour lui aussi, c’était la première fois ?

— Oui ! Avec un garçon. Avec les filles, il avait un palmarès bien rempli !

— Raconte… enfin, si tu veux bien…

— Il tombait n’importe quelle fille avec son charme ! Il avait le choix. Et puis un jour, il est venu chercher le gnome du fond de la classe qui le fascinait. Il est tombé à genoux devant lui, l’a fait venir dans la lumière et a dit devant tous les autres : « Maintenant, c’est lui, uniquement lui ! »

— Et c’était toi ! Quelle belle histoire !

— Moi, j’en étais fou depuis deux ans, rongeant ma frustration de cette adoration impossible. Si tu savais comme il était beau ! Parfait, prévenant…

— Je le vois dans tes yeux ! Il devait être magnifique pour toi ! Pas comme moi !

— Tu ne lui ressembles pas, mais tu as beaucoup de charme aussi !

C’est comme ça que tout a commencé ! Tu sais, j’étais vraiment heureux de lui parler de nous. Tu redevenais vivant. C’était la première fois que je parlais de toi avec quelqu’un. Je veux dire dans la vraie vie. Parce qu’avec Viviane, c’était différent.

C’était doux et il buvait mes paroles avec admiration. Il voulait tout entendre. Je lui ai montré ta photo. Il n’a rien dit, mais ses yeux étaient pleins d’admiration, alors que les miens se mouillaient devant votre rencontre. Tu es encore plus vivant. J’ai accroché la photo au pied de mon lit. Avant, je n’osais pas.

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