Se détendre, tout un art...

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L’air frais du vent d’automne fouetta mon visage tout en faisant flotter les cheveux naturels de ma perruque. Cela me rappelait à quel point je pouvais détester cette saison, elle me faisait penser trop souvent à mon état, le fait que j’étais morte.

Mon regard se posa sur la glace de mon petit miroir. J’aimais le bleu que donnaient ces lentilles à mes iris et finalement, le brun ne m’allait pas si mal que cela. J’eus un faible soupir, presque ennuyée par mes propres pensées. Les filles de nature, voulaient toujours être le contraire de ce qu’elles étaient, des cheveux lissent, elles les voulaient frisés et des yeux verts, elles les voulaient bleus. Avoir les yeux verts, c’était magnifique et rare. Non, je n’étais pas magnifique et rare. Rare peut-être, mais pas magnifique.

Je fermai rapidement l’objet puis le remis dans la boîte à gant de ma voiture. Je pris une dernière fois la photo de ma cible entre mes mains pour me remémorer son visage. Un garçon blond, des yeux bleus et un joli petit minois presque angélique. Il aurait presque pu faire partie des personnes peu communes, s’il ne faisait pas déjà partie de la grosse masse d’ordures qui peuplaient notre planète. Mon soupir d’ennui se transforma en sourire de constatation. N’étais-je pas moi-même membre de ce tas de merde ?

Je fourrai l’image dans ma poche avant de sortir de la voiture. « Une grande villa et du bruit », c’est ce que m’avait dit Matt, je n’avais besoin que de repérer cela pour savoir où se trouvait Dylan Prescott. Je n’eus pas de mal à trouver la maison en question, le bruit de la musique emplissait toute la rue, les cris aussi.

Je m’arrêtai un instant devant l’habitation, je ressentais pour la première fois quelque chose de nouveau. De l’angoisse. De quoi avais-je peur, j’avais fait ça des dizaines de fois et dans plusieurs endroits différents, de la rue glauque jusqu’à la voiture de luxe. Ce devait être tous ces gens que j’allais rencontrer à l’intérieur, toutes ces personnes que je ne connaissais pas et qui allaient peut-être me ralentir dans mon travail. Il fallait que je me détende. Je fouillai dans la poche de ma veste pour trouver mon paquet de cigarettes, en vain. J’avais dû les oublier dans ma voiture, je n’avais pas le temps d’aller les chercher. Mon boulot m’agaçait déjà, comme la plupart des choses dans ce monde d’ailleurs, à commencer par ma propre personne. Non, ce que j’avais contre moi était plus que de l’agacement, c’était de la haine, une haine inconsidérée.

Je pris une légère inspiration avant de passer la porte. Je quittai directement ma veste et l’attachai autour de ma taille, la chaleur était presque aussi intense que celle dans les boîtes de nuit. C’était donc à cela que ressemblaient les fêtes de nos jours ? J’avais l’impression de me trouver dans un autre monde, les adolescents avaient bien changé, en tout cas, leur façon de s’amuser. A vrai dire, je n’en savais en réalité trop rien, j’avais passé trois dans un centre de « repos » et ces deux dernières années je n’avais pas trouvé le temps de sortir, j’avais autre chose plus important à faire.

Je regardai attentivement autour de moi, pour voir si je n’arrivais pas à trouver Dylan parmi ces filles aux tenues aguicheuses et ces garçons en chaleur. Ne voyant rien, je décidai de continuer mon chemin en me frayant un passage entre les personnes qui dansaient n’importe comment. Mon tempérament passif et indifférent se transforma rapidement en profond et total agacement. Je n’arrivais à rien avec tout ce monde, je ne parvenais même pas à voir les murs ou encore les meubles. Je pris finalement la décision de m’arrêter au bar, oui ce gamin était assez « gosse de riches » pour avoir un bar et un barman y compris à sa fête. J’avais besoin de me détendre juste assez, pour simplement -quand je le retrouverai- lui coller une balle dans la tête et pas le massacrer à coup de couteau.

— Quelque chose de pas trop fort, s’il vous plait, demandai-je sans arriver à dissimuler mon agacement.

— Tiens, un jeune qui veut rester raisonnable…

Je pris place sur un des sièges pour attendre mon verre. Rester raisonnable ? Si seulement il savait… Je mis mon sac sur mes genoux et vérifiai discrètement si mon arme était bien en place. Il était toujours là, assez normal pour un objet.

Le barman me tendit un grand verre assorti d’une paille rose. Je retirai le bout de plastique puis approchai le liquide coloré de mes lèvres. Je ne sentais quasiment rien, ce n’était pas ça qui allait me calmer. J’avais demandé quelque chose de pas trop fort, pas du jus de fruit… Je laissai encore échapper de ma bouche un soupire d’agacement. Cette soirée était censée me relaxer. J’avais parfois un besoin maladif -c’est le cas de le dire- de frapper quelque chose, j’avais besoin de violence pour me sentir mieux. Ma situation était trop agaçante, trop calme pour satisfaire mes envies. Demain je demanderai à Matt d’aller à la boxe avec moi…

Quelqu’un vint se poser à côté de moi. Un garçon. Je tournai ma tête vers lui pour voir à quoi il ressemblait. Il y avait au moins une belle chose à contempler dans cette soirée. Assit, il avait l’air beaucoup plus grand que moi, à vrai dire, tout le monde avait l’air plus grand que moi. Ses cheveux… Je ne savais pas vraiment comment les décrire, ils n’avaient pas de forme, ils étaient complètement en bataille. Je pouvais juste dire qu’ils étaient châtains. Je ne parvenais pas à voir la couleur de ses yeux. Faisait-il lui aussi partie des rares chanceux à avoir les yeux verts, bleus ou même gris d’ailleurs…

J’eus rapidement ma réponse quand ce dernier tourna aussi sa tête vers moi. Il avait dû avoir la sensation étrange de se sentir observé. Ses iris étaient d’un marron très clair, noisette, peut-être avec un mélange de miel. Un sourire se dessina malgré moi sur mes lèvres, mon verre était peut-être plus alcoolisé que je ne le pensais, je commençais à dire des conneries.

— Lequel de nous deux détournera les yeux en premier ? Finis-je par dire en posant mon menton sur ma paume de main.

— Tu as une drôle de manière de commencer des discussions toi. Répondit-il sobrement en buvant une gorgée de sa bière. Il l’aura finalement fait en premier, étrange pour un garçon.

Je haussai les épaules, il fallait un début à tout. Je fis le tour du bord de mon verre avec mon doigt pour ramasser le sucre.

— Hum… Je fais souvent des trucs étranges, c’est dans ma nature. Non, en fait c’est ma nature. Déclarais-je en mangeant ce que j’avais sur l’index d’une manière peu décente.

— Quel est le numéro de ce verre ? Ou alors c’est que tu es fatiguée…

— Je n’ai bu qu’un seul verre, mais je n’ai jamais bien supporté l’alcool. Je dois avoir une sale gueule naturellement.

— Pas vraiment.

Mes sourcils se haussèrent d’un mouvement vif et je bus le reste de mon verre d’une traite venant soudainement de me rappeler du but de ma venue dans un tel endroit. Je me levais lentement de mon siège, décidée à mettre un terme à cette discussion qui me mettait en retard.

— Je suis désolée je dois y aller, je dois rencontrer… Dylan Prescott, tu ne saurais pas où il se trouve ? Annonçai-je.

— Oui. Tu veux que je t’accompagne vers lui ?

Il fallait réellement que j’arrête mes haussements d’épaules, cela devenait un tic puis ça me donnait un air indifférent. En fait, je n’avais pas besoin de cela pour avoir l’air indifférente, il suffisait de regarder mes yeux presque démunis d’émotions.

— Je n’ai pas trop le temps de le chercher, alors pourquoi pas, souris-je pour me rattraper.

Il but sa bouteille aussi rapidement que moi et se leva pour se mettre à mes côtés. Une grimace se dessina discrètement sur mon visage, j’étais ridicule à côté de lui, vraiment ridicule.

En le regardant encore une fois, je remarquais qu’il avait le contour d’un œil bleuâtre ainsi que la lèvre inférieure rouge et enflée. Il n’était peut-être pas aussi calme qu’il ne le laissait paraître. Il était normal qu’il connaisse mon cher Prescott alors… Un léger instinct de méfiance naquit en moi. Encore une fois je m’étonnais de mes pensées, dans ma « jeunesse » je n’avais jamais vraiment été méfiante, mais cet instinct c’était grandement développer ces dernières années. Mes activités me demandaient d’être toujours sur mes gardes, de ne faire quasiment jamais confiance à personne et de ne pas faire d’erreurs.

Ce soir je n’en ferais aucunes. J’assassinerai Dylan Prescott discrètement et sans hésitations. Pas de sentiment. Je ne pensais rien de ce genre de personne. Les gens qui usent de la force pour en obliger d’autres à faire ce qu’ils veulent, c’était pitoyable. J’avais un côté comme ça, j’usais parfois de la force. J’avais pourtant quand même des principes, peu, mais j’en avais. Qui étais-je réellement pour juger ce tas de déchets ? J’en faisais partie, je nageais en plein dans ces détritus. Je trafiquais pour l’argent et je tuais pour m’apaiser.

— Sans vouloir être indiscret, pourquoi tu veux lui parler ? M’interrogea soudainement le garçon dont je ne connaissais toujours pas le prénom.

— Tu es indiscret, mais je vais te répondre quand même, j’ai besoin de parler affaires.

Il fronça les sourcils à ma réponse, mais ne posa pas plus de questions.

On traversa la jungle d’adolescents avant d’arriver devant des escaliers qui n’étaient plus si blancs que cela.

— Tu devrais le trouver en haut, dans une des chambres.

— Merci…

— River, finit-il.

— J’espère qu’on se reverra bientôt…

Je lui souris une dernière fois avant d’enjamber rapidement les marches de l’escalier. J’arrivais d’un pas lent dans le couloir à la décoration plus moderne que mon appartement. Je n’avais pas très envie de perdre mon temps, mais je n’avais pas le choix, il fallait que j’ouvre toutes les portes pour le trouver. Salle de bain, chambre, salle de bain, dressing… Combien y avait-il de pièce dans cette foutue maison ?

Après avoir failli perdre mon sang-froid, j’ouvris enfin la bonne porte. Ce que je vis me dégouta au plus haut point, pourtant j’en avais vu des choses dégoutantes. Moi en premier. Deux personnes sur le point de copuler. Magnifique…

— Dylan Prescott ? Demandai-je, la main dans mon sac.

Ce dernier se leva du lit sans se méfier. Je sortis alors mon arme et tirai sans problème dans sa poitrine. Le garçon tomba lourdement en avant tandis que sa belle dulcinée hurla à plein poumon. Je pointai mon pistolet en sa direction. Elle recula et ses yeux s’emplir de larmes.

— Je suis désolée, pas de témoin. Fais-je en appuyant sur la gâchette.

Son jeune corps mince tomba à son tour, me faisant deux victimes au lieu d’une… Je soupirai encore une fois avant de prendre le corps du garçon en photo pour assurer le fait que j’avais bien fait mon travail.

Je me tournais tranquillement en rangeant mon portable dans mon sac à main. À ce moment-là, je pus me dire que j’aurais dû fermer la porte, même cela aurait été impossible.

— Quand je disais « j’espère bientôt te revoir » ce n’était pas dans l’immédiat mais plutôt dans trois ou quatre ans si tu vois ce que je veux dire.


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