Considération

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Apparemment je serais un relou. C'est ce qu'elles me disent toute quand je les aborde. J'ai juste le temps de leur souhaiter la bonne journée et de placer une phrase d'accroche flatteuse pour qu'elle me rembarrent vite fait comme un mal propre. C'est quoi cette idée de merde que j'ai d'aller parler à des filles juste parce que je les trouve belles ? L'espoir fait vivre alors je continue et avec ma gueule, faut avoir vraiment beaucoup d'espoir. J'ai pas du tout le physique à la hauteur de mes prétentions, j'ai une acné assez balaise, les chicos de traviole, des lunettes plus confortables que stylées et les cheveux ébouriffés qui tendent vers le rouge alors que je ne suis pas roux. Rien d'inconvénients la dedans à part le fait qu'on me classe dans la catégorie des pas beaux. C'est là que j'ai compris que quand elles disent que tu es un relou, c'est pour ne pas dire moche. Relou ça passe mieux, ça te rend fautif de ta connerie, pas de ta mocheté. Je ne suis pas collant, juste entreprenant et quand on me dit « non », je dégage. Ce n'est pas ma faute si je suis autant superficiel que celles qui jouent les hypocrites avec moi. Je suis attiré par les belles filles et jamais je me taperais une mocheté parce que je n'ai pas grandi dans un monde qui ne fasse pas l'inverse de ce qu'il dit de faire. C'est comme ça.

LUNDI

Anastasia, c'est la seule fille potable qui me parle régulièrement. Elle doit apprécier ma personnalité, mais c'est surtout parce qu'on se connaît depuis assez longtemps. Ce matin, quand elle me voit, elle devine tout de suite que je me suis fait encore victimiser par une bande de cassos' comme il y en a partout au lycée. Et ce matin encore, je lui confirme qu'elle a raison. Je n'allais quand même pas lui dire que mon connard de beau père m'a foutu une droite parce que j'avais mal récuré les jantes de sa BM. Elle n'en revient toujours pas de la soirée spéciale qui s'organise ce week-end. Beaucoup de gens ont reçu une invitation personnalisée, un genre de carte à présenter le soir venu pour entrer. Ce qui l'a choque là dedans, c'est que la soirée n'est réservée qu'à un seul type de personnes, il faut être à la marge. Pour être plus clair, il faut faire parti de la case des moches, ou des relous, loser, blaireaux et toute la clique. « Thon seul Bal ». Anastasia n'en finit plus de cracher sur ce concept alors que moi je suis plutôt jouasse car c'est bien la seule fois où je suis content de ne pas être invité. On dirait que je ne suis pas assez moche finalement.

La rumeur avait dit que c'est le club des beaux-gosses qui organise cette fête pour se foutre de la gueule des autres mais on sait tous qu'ils n'auraient jamais eu autant de considérations. Le vrai responsable de tout ça, c'est Kévin. Le gars qui se prend pour le dissident du bahut, il veut prouver à tout le monde que lui il est éveillé et que nous on reste des consommateurs esclaves du monde. Le gars est aussi blindé, ses parents font de la politique, sa mère bosse à la Mairie et son père fricote avec les sociétés locales pour le compte de la Région. À cause de ce paradoxe, il se fait chambrer tout le temps et n'est jamais pris au sérieux. Mais bon, on dira que le clairvoyant est souvent considéré comme fou.

Au début, son histoire de bal, ça faisait marrer, puis ça a choqué, ensuite ça a fait réfléchir et ça a finalement pris. Il y a eu comme un mouvement de contestation qui s'est réveillé pour dénoncer cette façon de juger sur le physique et des habitudes pas très normales. Ils sont idiots, en y participant, ils avouent eux-même être en accord avec leur conditions, plutôt qu'être en accord avec leur différence. De toute façon, ce ne sont pas mes oignons, je suis loin de tout ça. La soirée va se passer le samedi à la salle des fêtes de la ville autant dire que j'ai autre chose à faire de mes week-end.

J'ai vraiment envie d'empoisonner la bouffe de mon beau-père ce soir, ainsi que de mes demis-frères. Je ne dis pas que je suis un bon élève, mais j'aurais préféré faire mes devoirs en rentrant au lieu de faire le ménage, la lessive, du rangement et le dîner. Tout ça parce que j'ai nettoyé des jantes avec de la paille de fer. Je l'ai peut-être fait exprès, je ne m'en souviens plus. Je sers à la famille un dîner qui devait être parfait avant de manger les restes et de me coltiner la vaisselle. J'ai beau être habitué, ça me surprendra toujours autant d'être traité comme une merde. On ne s'y habitue jamais vraiment. Je sais que je vais quitter cette famille de merde dès que je serai majeur. Je quitterais cette maison maudite, cette ville et sûrement le pays entier. On habite une grande et jolie maison. Mon vrai père l'avait construite durement dans l'idée d'y placer sa famille pour une longue et paisible vie. Juste après l'avoir finie, il a succombé d'une crise cardiaque et laissé mon idiote de mère veuve avec un orphelin de cinq ans. À peine un an après, l'autre enfoiré est venu s'installer avec sa progéniture de débiles. Une maison gratuite, une femme soumise et un fils esclave, il avait tout gagné. Je sors les poubelles en même temps que ma nouvelle voisine, c'est à dire vers minuit. C'est la petite fille des vieux d'à côté, je ne l'avais jamais vu avant. On fait connaissance, elle a dans la vingtaine et c'est journaliste de mode pour des grands magasines. Elle passe ses vacances au calme en territoire reculé. On a pas vu le temps passé. La discutions était très passionnante, il y avait de quoi avec mon physique ingrat et mon look démodé. Elle m'a promit un relooking la prochaine fois pour mieux me mettre en valeur. Comme si je n'avais jamais essayer.

MARDI

Comme je n'ai pas beaucoup dormi vu qu'on a discuté jusque très tard dans la nuit avec ma voisine, j'ai du mal à me réveiller ce matin. Ma mère tente de me sortir du lit avant que mon beau-père ne s'en rendent compte. Je lui dit de se casser de ma chambre et que je n'ai pas peur de l'autre connard qui me jalouse en approchant la cinquantaine. Oui, quand je ne dors pas beaucoup, je suis assez énervé. Du coup, je suis arrivé en retard au lycée. Voilà comment bien commencer la journée la tête dans le cul surtout que mon demi frère à chié à côté des chiottes ce matin et qu'il fallait que je nettoie tout avant d'aller en cours. Après on se plaint que j'ai des tendances suicidaires.

Dans la coure du lycée, pendant la récré, Kévin vient me voir, on parle quelques minutes parce qu'il veut savoir pourquoi je suis hostile à son idée de réunir tout les naz du bahut. Il m'apprend d'ailleurs que ça ne concerne pas que notre lycée, mais quasiment tout les autres de la ville. C'est définitivement pas fait pour moi. Soudain, quand la sonnerie retenti, il me donne une enveloppe en et me dit en partant.

- Ce n'est pas une obligation, c'est juste si tu veux y aller, tu peux. Vois ça comme un privilège.

Quand je vois ce qu'il y a dedans ça me fait froids dans le dos. Il faut vraiment que je m'active avec ma voisine pour qu'elle me change en beau-gosse, histoire de leur prouver à cette bande d'idiots que je peux être un canon si je le veux vraiment. La putain d'invitation à venir à cette soirée de merde pour les losers. La honte.

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