Chapitre 1 Une rencontre inattendue

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C’était lors de mon passage à Kinshasa pour une mission de plusieurs mois, j’étais logé dans un hôtel international de qualité mais dès le premier soir je m’ennuyais ferme. La journée avait été longue car arrivé le matin à l’aéroport j’avais été pris en charge par mon correspondant et après des réunions interminables toute la journée, je décidais de m’évader de l’hôtel et de me rendre dans une boîte de nuit réputée de la ville. Connaissant la ville je savais que je ne risquerais pas grand-chose en y allant.

L’ambiance était déjà chaude lorsque le portier me laissa entrer moyennant le matabiche traditionnel et j’étais surpris de la foule présente alors qu’on était en semaine ! Une foule bigarrée était agglutinée sur la piste de danse au son de cette musique mi-africaine mi-moderne à la mode. Mon idée de départ était de boire un peu et profiter du plaisir de me retrouver en Afrique dans cette ambiance indescriptible mais tellement joyeuse.

Déjà lors de mes séjours précédents j’avais gardé cette opinion que le peuple africain même avec peu de moyens parvenait à s’amuser dès qu’il y avait une bonne musique. Mon idée première ce soir était de me relaxer et de retourner à l’hôtel après quelques heures pour y passer une bonne nuit car le lendemain, c’était reparti pour des réunions (ce n’est pas pour rien qu’à la blague entre collègues qu’on appelait cela des palabres…).

La foule rassemblée ici me semblait à première vue assez aisée ; les hommes en costar ou abacost les femmes belles habillées à l’européenne ou en boubou souvent très décolletés. Je m’étais approché du bar et plutôt que de boire un alcool fort je décidais de prendre une Primus (bière locale) bien fraîche. Me mettant dos au comptoir du bar, je me rinçais l’œil en regardant les femmes danser. Je n’étais pas le seul européen présent mais j’étais vite remarqué par la gent féminine en quête d’aventures éphémères et il ne fallait pas longtemps pour sentir des regards intéressés autour de moi.

Bon, je n’étais pas spécialement remarquable, dans la quarantaine, le corps bien entretenu par du fitness régulier mais sans excès, habillé d’une chemise achetée sur le marché lors d’une mission précédente et pour laquelle j’avais flashé et d’un jeans classique. Mais j’étais quand même un « mundelé » (= blanc) ! J’avais décidé d’être sage ce premier soir et quoique c’était tentant je ne voulais pas m’embarquer (ou me faire embarquer…) alors que ma mission ne faisait que commencer.

Au bout de quelques minutes trois belles qui dansaient ensemble sur la piste pas loin de moi, rompent leur danse et se dirigent vers moi arborant un magnifique sourire. Je n’ai jamais su résister à ces sourires spontanés des Africaines ! L’une porte un splendide boubou moderne blanc avec des motifs en forme de croix qui ressemblent fort aux célèbres croisettes du Katanga laissant ses épaules dénudées et soulignant sa poitrine. La deuxième également en boubou rouge avec un décolleté vertigineux dont les bretelles glissent à mi-parcours de ses épaules et révélant une poitrine généreuse. La troisième par contre plus fluette est habillée à l’occidentale avec une blouse jaune clair dont les quatre premiers boutons sont ouverts sur une petite poitrine et une minijupe noire. Pour l’instant je crois percevoir qu’aucune ne porte de soutien-gorge et mon regard ne sait plus où regarder.

Les trois me saluent et se présentent avec leur prénom : Amina (le boubou blanc), Thérèse (la robe rouge à la poitrine quasi exposée) et Marguerite (la fluette et plutôt timide). Thérèse se presse sur mon flanc gauche et me fait comprendre que la danse lui avait donné soif. Je propose donc assez galamment aux trois déesses une boisson désaltérante. Thérèse regarde mon verre avec dédain :

- Je prendrai bien un whisky

- Je veux bien un Coca répond Amina

- Moi aussi réplique Marguerite

Je passe la commande au barman derrière moi qui s’empresse de servir les jeunes femmes. Comme il est souvent d’usage de ces boîtes de nuit, la commande est payée immédiatement. Je me félicite intérieurement d’avoir toujours du cash en quantité raisonnable dans une poche à tirette à l’avant de mon jeans sans devoir sortir mon portefeuille. Les quelques billets que je pêche discrètement et remets au barman sont scrutés avec envie par Thérèse, mais je ne fais aucune réflexion.

Nous trinquons et les filles me proposent de prendre une petite table dans le fond de la salle un peu éloignée des puissants haut-parleurs qui diffusent sans arrêt une musique très entraînante. Une fois assis, je me retrouve entre Thérèse et Amina tandis que Marguerite s’assied en face. Thérèse semble intéressée et glisse doucement sa main sur ma cuisse sous la table sans que ses copines le remarquent. Je fais semblant de rien mais je crains d’être « embarqué » dans une situation qui ne présage rien de bon.

- Tu viens souvent ici ? me demande-t-elle,

- Non pas vraiment, je réponds restant dans le vague, n’ayant pas trop envie de parler des raisons de ma présence dans la ville.

- Viens danser ! me lance Thérèse en prenant ma main avec autorité et m’entraînant vers la piste.

Et me voilà parti dans un « collé-serré » avec Thérèse qui de taille légèrement plus petite fait des manœuvres pour « coller » son corps contre le mien un peu plus que le demande la bienséance. La vue plongeante sur sa poitrine et sa pression sur mon bas-ventre font que très rapidement je commence à bander au plus grand plaisir de ma partenaire de danse. La musique enchaîne les chansons sans interruption et ma partenaire devient de plus en plus entreprenante en me décochant un regard qui en dit long sur ces intentions.

Fort heureusement Amina et Marguerite nous rejoignent sur la piste et exécutent une danse assez suggestive en nous regardant. Cela me donne un dérivatif à mon attention et je parviens de me décoller un peu de ma partenaire en me tournant légèrement vers les deux filles. Cela n’est pas totalement au goût de Thérèse qui fait de gros efforts pour reprendre mon attention et mon regard. Je commence à me demander comment sortir de cette embuscade lorsque soudain on m’agrippe aux épaules et me fait tourner pour me trouver dans les bras d’Amina !

Du coup il s’ensuit un dialogue agressif entre Thérèse et ma nouvelle partenaire en lingala dont je ne saisis pas tout mais seulement quelques mots appris au cours de mes nombreux séjours comme « Ndumba » (putain), « Niangalakata » (imbécile, ce mot qui malgré sa complexité m’a permis de le mémoriser car souvent utilisé comme insulte) et finalement « ntufi » (merde).

Je trouve que cela commence à dégénérer et je crie à voix basse :

- Ça suffit ! Dégage Thérèse et je prends Amina délicatement par le bras pour sortir du dancing.

Du coup l’ambiance est tombée et je veux m’excuser auprès d’Amina mais elle me devance :

- Je suis désolée Monsieur, mais Thérèse cherche à capter un « Mundelé » alors qu’on se connaît à peine.

Je lui propose alors d’aller un peu plus loin à pied vers un café bien connu ou on sert à toute heure de la bonne bière. Amina me fait un franc sourire et acquiesce de la tête. On trouve heureusement une table et très rapidement nous sommes servis d’un Coca et d’une bière. Je me sens un peu con de me retrouver dans ce face-à-face imprévu. Amina ne fait aucun geste et me regarde un peu gênée, mais je ne veux pas créer de l’ambiguïté et j’essaie d’amener un sujet anodin en la félicitant sur sa belle robe.

- Ce sont bien des croisettes du Katanga sur votre boubou ?

- Oh, oui ! Vous connaissez ce symbole ? me dit-elle avec des yeux pétillants.

Je lui raconte alors que j’ai été il y a de nombreuses années dans la province katangaise où j’avais vainement tenté d’acquérir une croisette. Mais même après un long marchandage, le prix restait trop élevé (le vendeur connaissait bien la valeur de l’objet). J’ai longtemps regretté mais je lui confirme que maintenant cet objet est totalement hors de prix lorsque j’en avais vu une chez un antiquaire en Europe.

Amina me semblait très cultivée et je pensais qu’elle avait dû faire des études supérieures ce qu’elle me confirmât.

- J’ai fait deux ans de droit à Paris mais je n’ai pas pu continuer pour des raisons familiales me dit-elle avec des yeux embués.

Je sentais une douleur dans ses yeux et je n’insistai pas. Puis je me rendais compte qu’il se faisait tard et qu’il serait opportun que je retourne (seul) à l’hôtel. Comme on se retrouvait dehors j’appelais un taxi en maraude pour rentrer à l’hôtel et lui demandais si elle habitait en ville.

- Non j’habite à Limeté (faubourg de Kin).

- Dans ce cas je te propose qu’on prenne ce taxi et je donnerai le prix de la course au chauffeur pour qu’il vous ramène chez vous.

Après une brève discussion avec le chauffeur elle marquait son accord et me communiquait le prix pour la course. Elle me fit un sourire timide et je lui demandais sans trop y croire si on aurait l’occasion de se revoir et pour faire simple elle me donna son numéro de portable sans demander le mien que je n’avais pas sur moi.

Devant l’hôtel elle donna une bise sur la joue et un papier avec son numéro. Je montais dans ma chambre en regrettant de la quitter mais connaissant mon agenda du lendemain, je pensais que j’avais pris la bonne décision.

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