Soirée tranquille

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Depuis notre conversation, Mathis est vautré dans le divan. J'en profite pour faire un peu de sport. Ça m'éclaircit toujours les idées. Je ne sais pas comment nous allons gérer la cohabitation de ma "salle de sport". Je pourrais peut-être déplacer le vélo dans le bureau ? En poussant un peu les meubles, est-ce que ça passe ? Il faudrait que je mesure.

Je suis un peu lâche quand même. Je n'ai pas osé demander à Mathis ce qu'il comptait faire au sujet d'Amélie. Ils ne peuvent pas se séparer comme ça, d'un coup de tête. Mais je pense que le confinement a été dur pour eux. Ils n'avaient jamais vraiment vécu ensemble, seulement quelques week-ends. Là, ils ont dû apprendre très rapidement à gérer les espaces communs et garder des moments d'intimité. Pas évident à dix-neuf ans à peine.

Etonnamment, ces pensées me ramènent à Maxime. Je ne sais pas trop sur quel pied danser... D'un côté, il a une copine - même si elle habite à l'autre bout du monde. Et de l'autre, il ment pour passer la nuit à la maison. Moi qui me voyais comme une "perverse dévergondant un pauvre jeune homme"... Il est bien plus machiavélique ! Je repense encore à la rondeur de ses fesses, la douceur de ses mains, la chaleur de sa langue. Ce beau visage peint d'innocence. Enfin... Un semblant d'innocence, au final.

Cette séance sportive m'a fait du bien ! Je me douche et profite du fait que Mathis est toujours dans le divan, pour tester quelque chose... Je passe une nuisette un peu transparente et un string, et c'est parti pour une séance de photo coquine. D'abord : trouver un tuto sur Youtube, ça doit bien exister. Ha oui, quand même tout ça. Je tente des poses. Plein de poses... Après un temps considérable, je finis par trouver une photo qui me satisfait. Je la mets en noir et blanc, comme expliqué dans un des tutos. Le résultat est vraiment bien. Je l'enverrai ce soir à Maxime avec un commentaire "l'instant présent, rien que pour toi". Enfin... Quelque chose dans ce goût-là. Pas question qu'il comprenne que j'ai mis une heure à la prendre et que je me suis probablement fêlé une côte en me tournant dans tous les sens !

Je me rhabille en "maman classique" et vais voir où en est Mathis. Il n'a pas bougé !

- Ça va mon coeur ?

- Bof... J'ai vu que tu avais regardé Armageddon.

- Oui, j'ai eu la visite de Témoin de Jéhova dimanche et ça m'a donné envie de revoir ce film, dis-je en prenant conscience de son air interrogateur. Mouais, laisse tomber.

- Hum. J'ai la dalle.

- Il y a des fruits dans le frigo.

- T'as pas de chips ou quoi ?

- Il est cinq heures, on va bientôt manger.

Allez... Retour en arrière de cinq ans. Ce n'est pas un homme que j'ai devant moi mais un ado amorphe. Je comprends amplement la réaction d'Amélie. Mais jamais je ne lui dirait. Jamais !

- Pfff. Et on mange quoi ?

- Du poisson.

- Coooool. Des fish sticks !

- Non, du vrai poisson. Mais il n'y en aura pas assez pour deux, dis-je en voyant sa mine déconfite. Je sors la bolo.

- Ok. Dis... Tu veux qu'on regarde "Les gardiens de la galaxie" ensemble ce soir ?

- J'avais l'intention de lire un peu et de me coucher tôt, dis-je en mentant comme un arracheur de dent.

Je vois la tristesse dans son regard. Hooo mon bébé...

- Mais ouiiii, regardons ce film avec la madame verte et le lapin, dis-je d'un air faussement enjoué.

- Raton laveur. Pas lapin, M'man.

- Ouais pareil ! Dis-je en allant préparer le souper.

Si on mange tôt, le film finira moins tard et je pourrai passer la soirée à "lire". Je déteste manger devant la télé, mais c'est un cas de force majeure. Je me demande pourquoi il a tenu à ce qu'on passe la soirée ensemble. Il ne semble même pas se rendre compte que j'existe. J'avoue quand même que les musiques sont pas mal. Je n'ose pas envoyer de message à Maxime de la soirée. J'ai trop peur que Mathis s'interroge. Quoique, en mode zombie comme ça, je ne suis pas sûr qu'il capterait quelque chose. Je patiente et prends congé à la fin du film, prétextant que je travaille demain. Une fois dans ma chambre, j'envoi la photo à Maxime.

"Ça pousse au crime ce petit string"

"Effraction ?"

"Viol !"

"C'est pas du viol si je suis consentante"

"C'est pas une effraction si tu laisses la fenêtre ouverte"

Est-ce une proposition ? Non, c'est mal ! Mathis nous entendrait. Impossible de rester silencieuse. Je lui réponds qu'il faut encore un peu attendre. Il me traite d'allumeuse. Je me marre toute seule. Bonne nuit mon bel Apollon.

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