Le retour de la crème solaire

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[Bruit de la sonnette d'entrée]

Mais qui est-ce ? On est dimanche et il est à peine 10h... Ce n'est pas un moment pour embêter les gens quand même. La nuit a été difficile : j'ai eu du mal à m'endormir et je me suis réveillée plusieurs fois à cause de rêves étranges dont je n'ai que des bribes de souvenirs. Il était question d'échapper à quelqu'un qui me poursuivait en me disant que mes élastiques étaient mal positionnés sur ma tête, puis Maxime qui s'interposait entre nous brandissant un énorme tube d'Hirudoid ! Du grand n'importe quoi.

Je crois que je me sens mal de ne pas avoir respecté les règles de distanciation sociale hier et que mon subconscient essaie de réparer les dégats. Bref, ceci explique que je me suis péniblement levée à 9h30 et que je comate toujours devant mon café et Facebook. Il est trop tôt, je n'irai pas ouvrir. Et puis, c'est sûrement un Témoin de Jéhovah !

[Bruit de la sonnette d'entrée]

Il va m'entendre ce démarcheur de Dieu ! Je me lève avec la ferme intention de lui dire le fond de ma pensée. Je suis plutôt tolérante, chacun vit la religion comme il l'entend... Mais qu'on ne vienne pas m'emmerder un dimanche matin avec "la bonne parole". J'ouvre la porte à la volée.

- Non, mais c'est quoi votre prob...

Je me fige. Maxime est Témoin de Jéhovah ? Peut-être que je pourrais écouter comment il compte établir le Royaume de Dieu sur Terre finalement ?

- Bonjour Gaby. Je t'apporte la pommade d'hier. Maman me disait toujours qu'il valait mieux en mettre plusieurs jours d'affilée, dit un Maxime à un mètre cinquante de ma porte. Ça va mieux ta jambe ?

Ha ben non, je n'entendrais pas parler d'Armageddon ce matin. Tiens... Ça me donne envie de revoir le film. Il faudra que je vérifie s'il n'est pas disponible sur Netflix.

- Merci, dis-je en tendant la main vers la boîte, mais ce n'était pas nécessaire. Ça va beaucoup mieux.

- Vu le bleu qui s'est formé sur ta cuisse, on ne dirait pas, dit-il en repartant chez lui.

Je resserre les pans de mon peignoir sur ma peau nue. Je savais bien que je devais m'abstenir de répondre. J'ai l'impression que je n'ai jamais le dernier mot avec lui. Il arrive, me dit quelque chose qui me fait perdre tout vocabulaire ou presque et repart aussi sec. Mon esprit pervers a tout de même noté, avec une pointe de déception, qu'il portait un t-shirt ce matin. Pour me sortir ces idées de la tête, je décide d'aller me défouler sur mon vélo elliptique. Ça me réveillera, sinon je vais me traîner comme une larve toute la journée. J'enfile mes affaires de sport, met la musique à fond et c'est parti pour une heure intensive.

Ce n'est qu'après être sortie de la douche que je m'aperçois que j'avais reçu un sms, au début de ma session de marche, me disant "Défoule toi bien !" venant d'un numéro inconnu. J'y réponds par un très poli "Qui est-ce ?". Sans réponse après 35 secondes, je m'impatiente. Je n'aime pas les mystères. Enfin... J'aime bien les mystères pour les autres, mais pas dans ma vie. Je téléphone et tombe sur la messagerie vocale où une voix de robot me répond. Je raccroche. Mais qui pouvait bien savoir que j'allais faire du sport ? Gérard, le voisin d'en face ?! Ha ben non, j'ai son numéro dans mes contacts.

Je remet mes recherches à plus tard parce qu'il est temps d'aller nettoyer le toit de la veranda avant que le soleil ne tape dessus. C'est toute une épopée d'aller là-haut. Mais le plus simple est de passer par la fenêtre du bureau (alias la chambre de Marion actuellement en kot) qui me donne accès au toit plat de la cuisine, juste avant celui de la veranda. Me voilà donc perchée, en équilibre sur un des linteaux, avec mon seau d'eau quand je m'aperçois que j'ai oublié de prendre la raclette. En faisant demi-tour, mon attention est attirée par un reflet dans la chambre mitoyenne à mon bureau. Même si la curiosité est un vilain défaut, il ne fait pas partie des sept... Je jette donc un coup d'oeil dans la chambre, tout en restant discrètement derrière le muret qui nous sépare.

La pièce est assez sombre. Je distingue quand même un lit, dans le coin gauche de la fenêtre, avec un homme en position semi-allongée, semi-assise. Je reconnais Maxime à ses boucles brunes. Mon cerveau met quelques secondes supplémentaires à comprendre ce que je vois. Un ordinateur sur les genoux et une main entre ses cuisses : ho le coquin ! Il est tellement concentré qu'il ne m'a pas vu. Je tente de retourner à mon ouvrage le plus discrètement possible. Mais mon esprit m'envoie des flashs d'un jeune homme se caressant la verge en murmurant mon prénom. Pas bien, Gaby !

Le toit ne sera pas aussi propre cette année ! Tant pis, je ne peux pas faire mieux dans ces conditions. Il faut parfois reconnaitre ses limites. Je m'avoue vaincue et pars à la recherche d'une activité qui m'empêchera de penser. Je décide donc d'aller lire dehors, un Musso ça passe toujours bien et c'est soft. Je me plonge dans la lecture pendant une bonne demi-heure avant d'entendre un ramdam sur la terrasse d'à côté. Je ne vois rien à cause de la haie, qui permet justement d'avoir un peu d'intimité chez soi. Je fait mine d'aller admirer les plantes qui poussent au milieu du jardin pour voir ce qu'il s'y passe.

- Haaa Gaby ! Tu tombes bien. J'avais justement besoin de quelqu'un pour m'en mettre dans le dos.

Je vois Maxime, en slip de bain sur un transat, finissant de s'enduire les épaules de crème solaire. S'en est trop pour mon cerveau. Mon imagination a déjà commencé à travailler.

- Peux pas, dis-je en faisant demi-tour et en rentrant m'enfermer dans ma chambre.

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