Apéro-Whatsapp

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Aujourd'hui, c'est samedi. Et comme tous les samedis depuis le début du confinement, j'ai rendez-vous avec mes bébés pour un apéro-Whatsapp à 11h30. Avant l'arrivée du coronavirus, Mathis nous avait déjà créé un groupe pour discuter ensemble, sa soeur, lui et moi. Cela leur évitait de devoir téléphoner à leur pauvre mère : un petit message et les esprits étaient tranquilles pour plusieurs jours. Comme si cela me suffisait ! Mais bon... Comme le dit si bien un aimant sur mon frigo : "il y a deux choses à donner à nos enfants, l'une ce sont des racines, l'autre ce sont des ailes."(*) J'ai accepté depuis longtemps l'idée de passer au deuxième, voire troisième, plan parce que "Non, mais tu vois... Je suis overbooké en ce moment. Je suis grave à la bourre avec mes cours et tout ça."

Marion vit en kot à Liège depuis le début de ses études de psychologie, qu'elle réussit brillamment jusqu'à présent. Pendant cette période de confinement, elle a préféré vivre chez son père qui habite plus près de l'université. En cas de reprise des cours, elle aurait un trajet plus court. Elle ne se voyait pas continuer la vie en colocation actuellement. Je comprends que ce soit plus pratique pour elle, mais j'avoue avoir ressenti un "léger" pincement au coeur quand elle me l'a annoncé. Après une semaine d'intense réflexion où j'ai cherché le bon côté des choses, je me suis rassurée en pensant que cela allait resserer les liens père-fille... Ou, au moins, que cela nous éviterait de nous entretuer en étant enfermées tous les jours ensemble.

En ce qui concerne Mathis, mon petit dernier, le motif est encore plus simple à comprendre et se résume en un seul mot : Amélie ! Choisir entre sa copine et sa mère ?! Il a fait le choix extrêmement vite. La première ministre n'avait pas fini son discours, qu'il avait déjà fini son sac. C'est à peine si j'ai eu droit à un "Bisous M'man. Je t'appellerai." J'ai imaginé un "Je t'aime" lancé en même temps que le moteur de sa voiture, raison pour laquelle je n'avais rien entendu. Très probablement. Je doute fortement qu'il ait une envie folle de réviser intensément durant cette période. Et le fait qu'ils soient tous les deux dans la même classe ne me fera pas changer d'idée.

Depuis la semaine passée, un nouvel encart est venu s'ajouter à nos conversations : ma mère. Elle a retrouvé, au fond d'un tiroir, la tablette qu'elle avait achetée à mon père pour son anniversaire, en juillet l'année passée, et qu'il n'a jamais voulu utiliser. Pour quoi faire d'ailleurs puisqu'ils ne connaissent personne avec cette technologie, mis à part les enfants et moi-même ?! Mystère. Comme quoi, la surconsommation ne touche pas que les jeunes. Cela dit, finalement, cette tablette est bien utile vu qu'elle nous permet de rester en contact. Je leur ai bien proposé d'aller faire les courses ou d'aller à la pharmacie à leur place. Mais non, ils considèrent qu'il en va de leur liberté de continuer à sortir. Tant pis si c'est pour aller chercher des frites à emporter ou faire leurs courses, en prenant deux caddies pour faire comme s'ils n'étaient pas ensemble dans le magasin. Parfois, je suis plus désespérée par cette génération que celle que j'ai engendrée !

Après avoir mangé virtuellement en famille, je me motive pour une heure de sport intensif. Je commence toujours mes séances de la même manière : en mettant la chanson "Breaking the habit" de Linkin park à fond dans la chambre. Aujourd'hui, personne ne lave de voiture dans la rue - ce qui est très bien. Après m'être défoulée sur ma machine et avoir fait quelques séries d'abdos, j'estime en avoir assez fait pour la journée. Le ménage pourra attendre demain. J'ai bien le droit d'aller me faire bronzer. Il fait un temps de juin alors que nous ne sommes que mi-avril. La planète est déréglée, mais je vais en profiter.

Je ne lui dirai jamais... Mais je remercie intérieurement mon ex-mari pour l'aménagement du jardin. La majorité des terres sont exposées à la vue de tous mais une petite partie, ma préférée, permet plus d'intimité. Au milieu du terrain trône un cabanon derrière lequel mon ex-mari avait fait planter une haie, parce qu'il voulait absolument une arche. Entre ces deux éléments, il y a assez de place pour installer mon transat et tout le confort nécessaire à la bronzette. A moins de venir à ma hauteur via l'un des deux jardins mitoyens, il est impossible de me voir. Avant de pouvoir m'y délasser, je dois ressortir et dépoussiérer les meubles de jardin. Alors que je sors de la maison avec un seau d'eau et une éponge, je fais un bond en arrière en voyant une silhouette inspecter ma table de jardin, maintenant les quatres fers en l'air.

- Haaa... Bonjour Gaby, me dit un Maxime accroupi devant ma table.

- Bonjour ?! Qu'est-ce que tu fais là ?

- Elle me semblait bancale ! Je voulais la resserrer.

- C'est bien gentil mais je pense qu'il n'y a pas moyen de serrer quoi que ce soit dans ce modèle, dis-je dubitative.

- Oui, c'est ce que je viens de remarquer. Donc voilà... Désolé pour le dérangement, dit-il tout penaud. Bon ben... A une prochaine fois alors.

Bizarre ce jeune homme, aux jolies bouclettes brunes. Bam ! Une claque mentale ! Non, on ne pense pas à ce genre de choses. Je finis donc de nettoyer le tout et d'apporter ma chaise longue derrière le cabanon. Après un rapide coup d'oeil aux alentours pour m'assurer qu'il n'y a plus personne, je retire tous mes vêtements et m'allonge sur mon transat. Rien de mieux que le soleil sur ma peau nue pour me détendre complètement.

***

(*) Inspiré d'un proverbe juif : "On ne peut donner que deux choses à un enfant : des racines et des ailes."

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