Prologue 

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Février 2008, Corbeil Essonne

16H30. La sonnerie retentit. Depuis un moment déjà j’avais terminé le travail demandé. J’attendais patiemment sur ma chaise trop haute au fond de la classe, les yeux fixés sur l’horloge murale. Mes pieds effleuraient à peine le sol. J’étais assez petite pour mon âge.

Ma patience dissimulait en réalité une profonde excitation. Aujourd’hui était un jour tout particulier; je fêtais mon 5ème anniversaire. Dehors le vent glacial du Nord de la France faisait valser les feuilles mortes. Les branches nues du grand chêne de la cour de récréation attendait impatiemment d’être vêtue du feuillage que lui offrirait bientôt le doux printemps.

C’était le premier hiver à Corbeil, où toute notre famille était réunie. Habituellement, papa habitait seul un bel appartement de fonction à Genève tandis que maman, mon frère et moi vivions proche de tata aux Tarterêt. C’était une cité triste, la misère courait les rues mais je m’étais attachée à ce petit coin qui m’avait vu grandir. Papa avait perdu son travail et nous avait donc rejoints dans le sud de l’Essonne, à « Bebeil ». C’était le surnom que l’on donnait affectueusement à notre commune. Personne ne me l’avait dit clairement mais j’avais trouvé une lettre pleine de « sentiments distingués » qui attestait de son licenciement. Les adultes ne disent jamais tout aux enfants, pensant que c’est la meilleure chose à faire pour les tenir à l’écart des malheurs de la vie mais je pense qu’il vaut parfois mieux être au courant que constamment rassuré. Même lorsque l’on est enfant.

Il y avait d’autres signes qui ne trompaient pas; papa ne portait plus ses beaux costumes, ne rentrait plus les bras chargés de cadeaux. Il passait ses journées devant la télévision, en survêtement à boire une bouteille qui portait le nom d’une maladie. Il n’éclatait plus de rire comme avant et sentait un mélange de fumée et d’anis.

Je regardais sans cesse vers le couloir espérant apercevoir la silhouette de maman. Le temps semblait très long. Les parents défilaient, emmitouflés dans leurs longs manteaux sombres et autres écharpes en laine. Heureux de retrouver leurs progénitures, les retrouvailles étaient chaleureuses. Toute la journée j’avais attendu ce moment, embrasser maman, me jeter dans les bras de papa, ouvrir mes jolies cadeaux. J’en rêvais depuis mon réveil, au lever du soleil.

J’avais le regard perdu vers le ciel sombre quand une voix m’a tiré de mes réflexions. C’était Nûh. Le garçon imprévisible, qui poussait de grands cris sans que personne ne sache réellement pourquoi. Personne ne s’approchait de lui et j’étais la seule élève à lui adresser la parole. Je le trouvais attachant. Sa mère disait que j’étais la seule qui réussissait à le comprendre. A ce moment là, elle lui ordonnait de ranger ses affaires.Il s’obstinait à balancer son corps d’avant en arrière, les mains collées aux oreilles comme souvent, poussant des gémissements lorsqu’elle tentait de lui prendre la main. Je me suis approché d’eux. J’ai retourné le sablier qui était posé devant lui. ça l’apaisait. Je l’ai aidé à ranger ses affaires et je suis retournée à ma place. Peu après il est parti avec sa mère, me laissant seule avec Françoise.

Je me suis dit que maman devait surement être très occupée à préparer ma fête surprise parce qu’elle n’était toujours pas là…

Françoise c’était la maitresse. Elle m'appréciait je crois. A mon entrée à l'école, elle avait découvert, non sans surprise que j'étais capable de lire et écrire. C'est grâce à elle que j'avais un an d'avance et il était prévu qu'a la fin de l'année je passerai en CE1 plutôt qu'en CP.

Ce soir là elle était préoccupée. Elle faisait les 100 pas, le téléphone collé à l'oreille, poussant de grands soupirs.

"Pourquoi ils ne répondent pas" a t-elle fini par lâcher plus pour elle même que pour recevoir une véritable réponse. Je lui ai dit que je pouvais attendre ici sagement ou rentrer seule parce que je connaissais très bien le chemin du retour. Elle m’a souri et m’a répondu que non ça ne se passait pas comme sa. Son regard trahissaient son inquiétude.

À18h30 elle devait passer prendre son fils au foot alors je suis restée seule avec la directrice qui nous avait rejointes entre temps. On est montée dans son bureau qui était froid et pas très accueillant, comme celle qui l’occupait. Elle m’a demandé si je voulais manger quelque chose et avant même que j’eus le temps de répondre, m’a tendu un Tupperware qui contenait un brownie au chocolat en précisant qu’elle l’avait cuisiné le matin même. « Tu m’en diras des nouvelles » à t-elle ajoutée. Des nouvelles je ne lui en ai pas donné puisque après sa plus personne d’entre nous n’a prononcé un mot. Ça ne me dérangeait pas je n’avais pas vraiment envie de parler. Elle pianotait sur son clavier quand le téléphone a finit par sonner. Il était presque 19 heures.

« C’était ton frère, il est sur la route » elle avait l’air tout à coup plus détendue. Moi je ne l’étais pas parce que mon frère il passait ses journées sur la route devant notre bâtiment avec ses amis. Il était très connu, même la police connaissait son nom. Elle a commencé à ranger ses affaires et enfiler sa veste alors j’ai engloutit ce qu’il me restait du brownie parce que je n’aime pas manger en marchant. Je lui ai tendu la boîte en la remerciant et je me suis dit que maman était quand même une sacré bonne cuisinière.

On est descendu rapidement une fois qu’elle a éteint tout les lumières et fermée les portes à clef. Devant les portails, les phares d’une moto éclairait l’allée sombre. Il était vraiment incroyable mon frère, je ne savais même pas qu’il avait un scooter j’ai pensé. J’ai sûrement pensé un peu trop fort puisque la directrice a froncée les sourcils et m’a serrée la main. Une fois arrivé devant lui, je m’apprêtais à monter sur ce beau scooter mais la directrice ne voulait pas me lâcher la main. On s’est tous regardé pendant un moment et elle a finit par lâcher.

« Retirez votre casque s’il vous plaît » c’est vrai que sous ce casque sombre, ça pouvait être n’importe qui. Il a sembler hésité. Le froid me congelait les doigts et mes yeux se remplissaient de larmes à chaque rafales de vents

« Sans quoi je ne vous laisserai pas la petite »à t-elle ajoutée. Lentement ses mains se sont rapprochés de la visière. Lorsqu’il l’a souleva, je ne pus m’empêcher de pousser un hurlement terrible.

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