Epsilon.

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OLYMPE – LES CHEMINS FLEURIS

Quelque chose clochait quelque part. Elle n’arrivait pas à savoir de quoi il pouvait bien s’agir, mais pourtant, c’était au fond d’elle. Est-ce qu’Hermès mentait ? Elle plissa légèrement les yeux pour déceler une trace de mensonge sur le visage du Dieu, en vain. Non, il devait dire la vérité. Ce qui présumait grosso-modo qu’elle était actuellement dans l’Olympe pour reprendre le trône des Enfers après que sa mère soit morte, et que son père se soit lâchement enfui du royaume divin. Génial.

« Je sais ! » lâcha-t-elle, le visage illuminé.

Hermès fronça les sourcils.

« Perséphone est vivante, et vous êtes tous des idiots. »

Il cligna des yeux, certain qu’elle ne pouvait être sérieuse.

« Comment une Déesse immortelle peut-elle mourir ? Ça n’a aucun sens ! »

Un sourire compatissant – qui portait à croire qu’Hermès prenait Aria pour une demeurée – lui étira le visage, alors qu’il pencha légèrement la tête.

« On peut transférer l’immortalité d’un Dieu. » répondit-il.

Aria écarquilla les yeux.

« Transférer ?

— Oui, donner l’immortalité d’un dieu à un mortel.

— A qui ma mère l’a-t-elle donné ?

— Nous l’ignorons encore. »

Elle poussa un long soupir.

« Quoi qu’il en soit, je refuse. Très franchement, bien que j’ignore encore si tout ce cinéma est réel, qui voudrait devenir Reine d’un monde souterrain dans lequel seuls les morts y… vivent ?

— Arès s’est porté volontaire.

— Très bien ! s’exclama-t-elle, les bras écartés. Problème réglé, je peux rentrer chez moi.

— Macaria… soupira Hermès, las. Arès est le Dieu de la destruction. S’il dirige les Enfers, que crois-tu qu’il va se passer à Athènes exactement ? »

Elle prit un instant pour réfléchir, statique. Les monstres mythologiques, sa ville à feu et à sang, sa mère, Adras et Mélissa fuyant dans d’autres pays… Elle inspira profondément.

« N’y a-t-il vraiment aucun autre prétendant au trône ?

— Eris, la Déesse de la discorde a mentionné être intéressée.

— Ce n’est pas mieux, je présume ? »

Il secoua la tête avec désespoir.

Le ventre noué, Aria baissa les yeux.

« Hermès, je ne veux vraiment pas faire ça…

— Je sais. Mais tant que l’on n’a pas d’autre solution, il faudra bien te faire à cette idée. »

Elle se mordit la lèvre. Avait-elle un autre choix ? Quelqu’un de meilleur finirait bien par revendiquer ce trône tôt où tard, et elle pourrait retourner à Athènes. Dire qu’il y a peu, elle était encore en train de se soucier d’avoir raté son cours d’Histoire.

« Je veux qu’on soit d’accord : c’est temporaire, céda-t-elle, sans conviction. Je le fais pour protéger ma famille et ma ville en attendant que quelqu’un de plus qualifié que moi prenne le poste.

— Ça me paraît correcte, acquiesça Hermès.

— Si c’est Zeus qui m’a amené ici, je veux négocier avec lui. Je ne dirigerais pas le monde des morts seule. Il va me falloir quelqu’un pour me former, me suppléer, et me conseiller.

— A qui est-ce que tu penses ?

— Toi bien sûr ! » s’exclama-t-elle, souriante.

Il se gratta la nuque, gêné.

« Je suis le messager de Zeus, je ne peux pas vraiment doubler mon travail et…

— Détends-toi Hermès, coupa-t-elle, amusée. Je ne vais pas te charger des Enfers. Je veux simplement que tu m’aides à trouver des Dieux ou des Déesses qui sauraient me former à la royauté souterraine. Ensuite, tu ne seras rien d’autre que mon porte-parole auprès de Zeus. »

OLYMPE – TEMPLE D’APHRODITE

De toutes, la demeure d’Aphrodite était la plus décorée. Des plantes tombantes décoraient les murs d’un vert estival, touchant le sol tapissé de motifs pastel. Les fenêtres étaient drapées de soie blanche translucides, et des fleurs avaient été disposées de toutes parts dans des vases antiques colorés.

Dans ce paysage festoyant de vivacité et d’harmonie, Aphrodite, la déesse de l’amour, chatonnait en arrosant ses anémones. D’une grâce sans pareille, elle tournoyait au rythme de sa propre mélodie, faisant virevolter ses longs cheveux d’or dans sa nuque.

Pourtant, la paix qui régnait dans le temple fut de courte durée. La porte s’ouvrit à la volée, dévoilant une Déesse bien moins chatoyante et chaleureuse qu’Aphrodite pouvait l’être. D’un pas déterminé, l’intruse fit claquer ses talons aiguille sur le sol marbré, s’approchant dangereusement de la divinité de l’amour et de la beauté. Cette dernière, qui s’était arrêtée net l’arrosoir en main, regarda l’étrangère déranger la sérénité de sa demeure.

« Eris, lâcha-t-elle d’une voix fluette. Que me vaux le plaisir de ta visite ?

— Je cherche Arès. »

L’air naïf collé au visage, Aphrodite battit des cils.

« Je ne l’ai pas croisé depuis bien longtemps. Qu’est-ce qui te fait croire que nous entretenons des liens ? »

Lassée, Eris croisa les bras sur sa poitrine. Ses cheveux bruns aux reflets violacés faisaient tâche dans le décor vif du temple.

« Tout le monde sait que vous couchez ensemble, ne fait pas la gamine. » cracha-t-elle, venimeuse.

Alors, Aphrodite cessa son manège de Déesse innocente et prit un air hautain.

« J’ignore pourquoi tu le recherches, lâcha-t-elle avec une pointe de jalousie amère. Mais si c’est à propos des Enfers, je doute qu’il soit encore chez lui à attendre que la nouvelle s’empare du trône. J’ai cru comprendre que tu le convoitais aussi ?

— Ça n’est en aucun cas tes affaires.

— Tu as peut-être raison, je devrais informer Zeus de ce qu’il se trame dans ce cas. »

Elle se tourna nonchalamment, recommençant son loisir de jardinage.

« Ne fais pas ça, lâcha Eris, roulant des yeux. Oui, je suis la rivale de ton amant sur ce coup, mais c’est de bonne guerre.

— Ah, vraiment ? »

Elle se tourna vers elle, haussant les sourcils.

« Aucun d’entre vous ne devrait avoir main mise sur les Enfers. Vous prenez cela comme un jeu stupide, sans vous rendre compte ce que cela implique réellement.

— C’est facile pour toi, n’est-ce pas ?! s’exclama-t-elle, acide. Tu as un joli temple tout beau, tout doré. Tu te couches chaque soir dans des draps bien chaud, bien doux, et les mortels t’on fait des offrandes durant des siècles, ne jurant que par ton nom. Ô belle déesse de l’amour ! »

Elle lâcha un rire moqueur.

« Durant ce temps, reprit-elle, qui vénérait la Déesse de la discorde ? Personne. Pourtant, je ne suis pas qu’un monstre semant la guerre, j’ai aussi aidé les chefs grecs à retrouver leur ardeur au combat, mais aucun mortel et aucun Dieu ne m’a remercié pour cela.

— Alors c’est par pure jalousie que tu souhaites diriger un monde qui ne t’appartient pas ?

— Par mérite ! s’écria-t-elle. J’ai passé trop de temps dans votre ombre, il est temps que l’on me reconnaisse pour ce que je suis vraiment. Une Déesse, une véritable Déesse. »

OLYMPE – TEMPLE DE ZEUS

Assit sur son trône, le Maître des Dieux patientait. Mal. Zeus n’était pas quelqu’un de patient du tout, à vrai dire. Alors lorsqu’il était forcé d’attendre, il peinait à se tenir. Héra, sa femme, se tenait debout à ses côtés, priant mentalement que Macaria finisse par passer cette porte et accepte de reprendre ce que ses parents lui avaient laissés.

Elle était bien consciente de ce que cela représentait. Elle avait souhaité qu’Arès se détourne de ces ambitions à propos des Enfers, et ce n’était pas pour protéger les mortels, mais pour le protéger lui. S’il était son enfant, il était aussi le Dieu de la destruction, et rien ne le préservait de se détruire lui-même. Alors imaginer quelqu’un qui ne connaissait le monde divin que depuis quelques heures monter sur le trône d’Hadès avec une naïveté humaine ? Héra peinait à croire cela possible. Pourtant il le fallait, pour son fils, son précieux fils.

De son côté, Zeus était partagé. Ce que les Moires lui avaient annoncé il y a plus d’une vingtaine d’années était sûrement encore d’actualité. Si Macaria refusait les Enfers et retournait à Athènes, les mortels seraient voués à l’extinction. Mais si elle acceptait, son séjour éternel parmi les Dieux finirait par détruire l’Olympe. Qu’est-ce qui était le pire ? Il hésitait. Peut-être avait-il fait une erreur en chargeant Hermès de l’amener ici. Peut-être qu’il aurait dû faire son travail de Roi, et ordonner à l’un des Dieux de monter sur le trône infernal et d’exécuter ses désirs. Perséphone avait juré qu’il était un monstre, mais il avait l’intime conviction qu’il était un bon Dieu, et qu’il mettait la paix des siens avant le reste.

Enfin, après l’insoutenable attente, la porte s’ouvrit. Retenant sa respiration, le couple royal regarda la personne entrer dans leur temple, espérant qu’il s’agissait bien de Macaria. Pourtant, la silhouette avait davantage l’air masculine que féminine. Lorsque la porte se referma, éloignant la lumière éblouissante de l’extérieur, Héra lâcha un long soupir. Ce n’était personne d’autre qu’Hélios, le dieu du Soleil.

S’il n’était pas un roi, il portait une couronne rayonnante qui laissait peu de place au doute quant à sa place dans l’Olympe. Lorsque l’humanité fut créée, il était celui qui insufflait la vie en les mortels, leur offrant le Soleil. Puis, lorsqu’il leur eut donné la chaleur de l’astre et sa lumière, il prit la place de juge dans les affaires divines. Mais vivre dans l’Olympe n’était pas compatible avec ses envies, alors il avait quitté le ciel supérieur pour rejoindre l’île de Rhodes, ne réapparaissant parmi les Dieux que les hivers, lorsque le Soleil était moins présent sur terre.

« Il pleut, là-dessous. » lâcha-t-il pour seul bonjour.

Zeus leva les yeux au plafond.

« Il est bien trop tôt pour que tu te pointes ici, Hélios. Tu as deux saisons d’avance.

— Comme je l’ai dit précédemment, il pleut. J’ai donc un jour de congé.

— Et tu n’as rien trouvé de mieux à faire que venir ici ? pesta Héra.

— A vrai dire, non. J’ai ouïe dire que les Enfers avaient une place vacante ? »

Elle lâcha un rire.

« Je doute que tu souhaites poser ta candidature.

— Pas le moins du monde ! Je suis simplement curieux. Macaria, c’est son nom, n’est-ce pas ? La fille d’Hadès. »

Il fit mine de réfléchir.

« Ordonner de rejoindre l’Olympe à quelqu’un que l’on a banni dès sa naissance est une action bien étrange, Zeus. »

Ce dernier serra les poings sur ses accoudoirs dorés.

« Ce ne sont pas tes affaires, lâcha-t-il.

— Tu as raison. Pourtant, il me tarde de découvrir à quoi ressemble la descendante de Perséphone. Je l’aimais bien, cette femme.

— Tu ne l’as rencontré que quelques fois, soupira Héra.

— C’est assez pour que je comprenne qu’elle vouait bien plus d’amour à Hadès qu’au printemps chez les mortels.

— Qu’est-ce que cela peut bien te faire, après tout ?

— Je suis du côté de la justice, ma chère Héra. Si elle a des revendications, je suis dans l’obligation de les écouter. »

Il esquissa un léger sourire, presque moqueur, et s’écarta sur le côté du Naos. Une autre fois alors, la grande porte du temple s’ouvrit, cette fois-ci sur la tant attendue Macaria.

Hermès, qui la suivait de près comme guide et messager du roi, resta en retrait, sans cacher pour autant sa surprise de voir Hélios dans la même pièce que lui. Il lui fit un signe discret, le saluant amicalement.

Aria s’avança avec appréhension au centre du Naos, tentant malgré elle de paraître sûre. Elle jeta un œil à l’inconnu sur sa gauche, sans se garder de reluquer. Lèvres serrées, elle prit le temps de détailler cet homme, qui au-delà d’être un Dieu relativement séduisant, était aussi très bien habillé. Vêtu de marques coûteuses chez les mortels, il paraissait de ces hommes riches en costard qui dirigeaient un empire Athénien au vingt-et-unième siècle. Pour autant, elle ne se laissa pas avoir de nouveau par la prestance d’un autre Dieu.

Inspirant profondément, elle reporta son attention sur Héra et Zeus. Bien que ce dernier lui ai bien fait comprendre qu’elle ne pouvait manquer de respect à la royauté, elle ne se laissa pas démonter.

« J’ai des conditions. » lâcha-t-elle après l’insoutenable attente.

Sous-entendant son acceptation, Héra poussa un soupir de soulagement. Hélios, de son côté, esquissa un sourire en coin. Conditions se voulaient proche de négociations.

« Je t’écoute, répondit Zeus, crispé.

— Je souhaites que cela soit temporaire, pour commencer. »

Yeux écarquillés, le Maître des Dieux ne garda pas sa surprise.

« Temporaire ? On parle d’éternité, Macaria, pas d’un contrat d’intérim dans la boîte Olympe Jobs ! »

Une référence mortelle ? pensa Aria, étonnée. Il est plein de surprise.

« Comme je suis consciente que la situation presse, j’accepte de monter sur ce trône et de trouver quelqu’un pour me remplacer.

— Il en est hors de…

— C’est une bonne idée. » intervint Hélios en s’avançant vers Aria de nouveau.

Zeus pesta intérieurement. Il était, certes Roi, mais que pouvait-il faire face à la loi divine ?

« Après tout, Héra et toi êtes content : il y a quelqu’un pour se charger des Enfers et du recrutement infernal.

— Bien, grogna-t-il. Autres revendications à ajouter ?

— Oui ! s’exclama-t-elle un peu trop précipitamment. Je souhaite avoir quelqu’un pour me suppléer dans mes tâches royales.

— Quelqu’un… s’enquit Zeus, sans comprendre. Comme qui ?

— Peu m’importe, mais je ne souhaite pas m’occuper de mondes souterrains immenses, seule.

— Hadès le faisait, lui ! s’énerva-t-il.

— Mais je ne suis qu’une gamine élevée parmi les mortels, n’est-ce pas ? »

Zeus leva les yeux au plafond, sidéré.

« Bien ! Autre chose ?

— Athènes doit être protégée.

— Evidemment. » soupira-t-il.

Les dents serrées, il siffla, acide :

« Ce sera tout ?

— Quand est-ce que je commence ? »

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