Delta.

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OLYMPE – TEMPLE DE ZEUS

Le silence était revenu, dans le temple. Macaria avait été emmenée un peu plus loin par Hermès, afin de laisser au Roi le temps de se calmer. Zeus était quelqu’un d’impatient et de colérique, car être un Dieu n’était pas nécessairement synonyme de perfection. Héra le savait bien. Si Zeus avait partagé des nuits avec nombres d’amantes, elle était la seule à qui il se confiait.

« Qu’est-ce qui t’as pris ? s’énerva-t-elle, debout face à lui. C’est ta nièce, bon sang !

— Elle est bien chanceuse que ce soit le cas, vociféra-t-il, revenant s’asseoir sur son trône. Si ça avait été une autre, elle serait morte sur le champ.

— Je sais que tu ne la portes pas dans ton cœur, mais tu devrais faire un effort, c’est toi qui l’as amenée jusqu’ici.

— Avais-je d’autre choix ? s’emporta Zeus. Aurais-je dû ignorer les dires des Moires ?

— Oh s’il te plaît, chéri ! soupira-t-elle, excédée. Elles n’ont rien fait d’autre que de révéler une série d’énigmes il y a plus de vingt ans. Tu n’en as même pas résolu une seule.

— J’ai pris assez de risques comme cela. Si Déméter n’avait pas insisté corps et âme pour que sa petite-fille rejoigne l’Olympe, je l’aurais laissé aux mains des mortels.

— Ils se seraient rendu compte qu’elle n’est pas des leurs. Rends-toi à l’évidence ! Elle ne vieilli pas comme eux.

— Ça n’a plus d’importance, dorénavant. Que vais-je faire de cette gamine ? Elle n’est certainement pas prête de monter sur un quelconque trône, alors celui des Enfers ?

— Laisse-lui le temps d’apprendre, Zeus. Elle est la fille d’Hadès et de Perséphone après tout, quels sont les risques qu’elle échoue ?

OLYMPE – SUR LES CHEMINS FLEURIS

Assise sur un rocher, Les jambes repliées et le visage entre ses mains moites, Aria ruminait. Si Hermès avait tenté de la réconforter après la colère de son Roi, ça n’avait eu d’autre effet que de lui mettre davantage de pression. Plus le temps s’écoulait, plus elle prenait conscience de la situation. Tout ça n’était ni un coup monté, ni un rêve délirant, mais bel et bien la divine réalité.

« Princesse… Déesse… » bafouillait-elle en boucle.

Tout ça ne signifiait pas grand-chose à ses yeux. Si elle était réellement dans l’Olympe, qu’elle avait réellement rencontré Zeus et Héra, et qu’elle était réellement la fille du Dieu de la mort et de la Reine des Enfers, pourquoi avait-elle donc été envoyée parmi les mortels ? Hermès n’avait pas plus d’information, et pour son bien, il lui avait épargné le passage où Perséphone avait été forcée de la laisser aux mains des humains.

« Pourquoi mon père s’est enfui, après tout ? » demanda-t-elle, relevant la tête pour regarder celui qui se rapprochait le plus d’un ami, ici.

Ce dernier haussa les épaules.

« Le deuil, j’imagine, répondit-il, mal assuré.

— Il vit entouré de morts toute la journée, je doute que celle de ma mère ait été une véritable épreuve. Il ne l’aimait même pas ! C’était sa nièce ! »

Hermès fronça les sourcils, contrarié.

« Sa... Nièce ? répéta-t-il, sans comprendre.

— Déméter n’est pas la sœur d’Hadès ? »

Soudain, alors qu’Aria était persuadée de l’avoir blessé, il éclata de rire.

« La sœur de… »

Il n’arriva pas à terminer sa phrase, tant il riait aux éclats.

« Ne te moque pas ! » s’exclama-t-elle, sans pour autant arriver à rester sérieuse plus longtemps.

Lorsqu’il reprit ses esprits, et quelque peu sa raison, il expliqua :

« Non, Déméter n’est pas de la famille royale. Elle l’est indirectement, par sa fille, mais elle n’a aucun lien de parenté avec ton père.

— Attends, ce qui veux dire qu’il n’y a aucun inceste dans votre famille ?

— Oh, il y en eu autrefois ! Mais ce n’est pas monnaie courante par ici.

— Il va falloir que tu m’expliques davantage votre arbre généalogique. »

Un sourire étira le visage d’Hermès, ravi de lui changer les idées. Il fit mine de réfléchir, puis prit place sur le rocher adjacent à celui d’Aria, se lançant dans le récit des Dieux. Curieuse, elle l’écouta attentivement.

« Cronos et Rhéa eurent quatre enfants. Hestia, l’aînée, puis Hadès, Poséidon, et enfin Zeus, le plus jeune. Alors qu’Hestia n’était encore qu’une enfant, elle a fait la connaissance d’Héra et de Déméter, deux jeunes orphelines, qui passaient le plus clair de leur temps ensemble. Dès lors, elles sont devenues comme des sœurs.

« Héra était le premier amour de Zeus. Lorsqu’ils n’étaient qu’adolescents, ils se cachaient d’Hestia pour échanger leurs baisers passionnés et leur…

— Tu romance beaucoup trop, coupa Aria.

— Tu as peut-être raison, gloussa Hermès. Bon, tu as compris, ils étaient amoureux. Mais Zeus était un coureur de jupon, et Héra, influencée par Hestia, souhaitait devenir une Déesse Vierge. Déméter, quant à elle, commençait à prendre conscience de ses pouvoirs divins, et lorsque la Terre fut peuplée de mortels, elle y descendit pour rependre le printemps, entourées de ses nymphes.

« Devenus adultes, Héra, qui ne s’était jamais détournée de son amour pour Zeus, commença à devenir jalouse de son union avec Métis, d’autant plus lorsque celle-ci enfanta Athéna, la Déesse de la stratégie et de la sagesse. Comme tout le monde le sait, si Zeus est quelqu’un de très porté sur les femmes, il n’a tout de même jamais oublié Héra non plus. C’est l’une des raisons pour lesquelles il a quitté Métis, afin de se marier avec elle, bien que cette union n’ait jamais plu à Hestia.

— Ce n’est donc pas un mythe, que votre Roi soit un infidèle ?

— Loin de là ! se moqua Hermès. Mais gardons cela secret, c’est un sujet qu’il ne vaut mieux pas rappeler à Héra. Quoi qu’il en soit, ils ont eu deux enfants : Arès et Héphaïstos, bien que beaucoup remettent en doute la paternité du Roi sur ce dernier. Zeus a eu beaucoup d’aventure extra-conjugales, desquelles sont nés Artémis et Apollon, les jumeaux, ainsi que Dionysos, le dernier en date.

— Ainsi que toi, non ? » supposa Aria.

Etonné, il esquissa un mouvement de recul.

« Moi ? répéta-t-il. Le fils de Zeus ?

— Et bien, c’est ce qui se dit chez les mortels. » se défendit-elle.

Il sourit avec bienveillance.

« Non, je suis le fils de Maïa, une pléiade, et d’un Dieu fou. Zeus m’a simplement donné du travail au sein de l’Olympe, après mes nombreuses tentatives de vol.

— Oh, un voleur, toi ? se moqua-t-elle.

— On a tous un passé difficile ! »

Elle se mit à rire.

« Non, pas moi !

— Quelle privilégiée ! gloussa-t-il.

— Qui d’autres as-tu oublié de me mentionner ?

— Certainement bien trop, répondit-il vaguement. Hélios, le Dieu du soleil, que tu rencontreras bien trop vite à mon goût, Ploutos, ton oncle, le demi-frère de ta mère et occasionnellement le pire trésorier que Zeus ait pu trouver. Hécate, la Déesse de la lune et de tout un tas d’autres trucs plutôt sombre… Tu auras le temps de les rencontrer, tu sais. Tu te feras autant d’ennemis que d’amis au sein des divinités.

— Mais tu seras là pour me guider, pas vrai ?

— Je ne suis qu’un humble messager ! s’exclama-t-il, grand sourire.

— Et mon seul ami… »

Il lui tendit la main pour qu’elle se relève.

« Que dirais-tu d’un petit infernal ? »

Petit tour infernal voulait dire tout un tas de choses, mais bizarrement, rien qui n’ait le ton d’une bonne idée. Soudainement, Aria se sentait comme une enfant désobéissante, qui s’apprêtait à faire quelque chose d’interdit. L’était-ce ? Elle n’en avait pas idée, mais si sa mère savait où elle était à l’instant et ce qu’elle s’apprêtait à faire, elle mourrait sous la nervosité.

Mère… pensa-t-elle subitement, frappée par la réalité.

Perséphone était peut-être sa mère biologique, selon les dires des Dieux de l’Olympe, mais celle qui l’avait élevée n’était autre qu’Helena. Cette femme, pleine de bonté, qui l’avait recueillie et aimée sans jamais rien attendre en retour. Un pincement au cœur, triste, la saisit violemment. Quelle heure était-il, chez les mortels ?

« Tout vas bien ? » s’inquiéta Hermès, par peur d’avoir dit quelque chose de mal.

Aria secoua la tête, le visage voilé par la peine. Perdue dans ses pensées, elle imaginait l’effroi que sa mère pouvait ressentir à l’idée que sa fille ne soit pas revenue à la maison. Avait-elle ne serait-ce que le droit de lui expliquer la situation ?

« Je ne veux pas rester ici, lâcha-t-elle après un instant, les yeux humides. Il faut que je rentre chez moi. »

Hermès, afficha un air ahuri.

« Rentrer chez toi ? répéta-t-il, peu sûr de comprendre ce que cela signifiait. Chez les mortels ? Je me doute que Zeus n’a pas été un hôte très accueillant, mais de là à préférer ta vie d’avant plutôt que celle des divinités…

— Tu ne comprends pas, je dois prévenir ma mère de mon absence. Je dois trouver une excuse, quelque chose à dire à ma mère, Mélissa et Adras. »

De nouveau, à l’évocation de ses amis, elle retint un sanglot. Elle aimait Adras, plus que n’importe quel autre homme. Il était son premier amour, son premier baiser, sa première fois. Il deviendrait fou à l’idée qu’elle soit portée disparue si longtemps.

« Si c’est nécessaire, reprit Hermès, j’en toucherais un mot à Zeus.

— Quand pourrais-je rentrer chez moi ? »

Face à la question, il esquissa un mouvement de recul, désemparé.

« Rentrer ? Macaria… Il n’est plus question de rentrer ou que ce soit, dorénavant.

— Je vais rester là pour l’éternité ?! » s’écria-t-elle, en proie à la panique.

Effrayée, elle se leva du rocher, et commença à marcher vers l’endroit qui semblait être la fin du chemin fleuri. Bien décidée à retourner dans son monde, elle ignora les cris d’Hermès qui pressait le pas derrière elle. Mais plus il se rapprochait, plus elle avait envie de fuir.

L’Olympe n’était pas chez elle. Athènes l’était.

CIEL DIVIN – TEMPLE D’ARES

Allongé sur son lit, couvert d’une soie blanche assez longue pour couvrir le bas de son corps, Arès croqua un raisin blanc, le regard fixé au mur. Dans ses bras, la jeune Aphrodite dessinait des vagues sur ses abdominaux, la joue collée à son torse.

« Pourquoi n’es-tu pas venu à la réunion de mon père ? » demanda-t-il après un instant de silence.

Elle leva la tête vers lui, ses cheveux dorés glissant sur le matelas.

« Héphaïstos ne devrait pas savoir que nous nous voyons. Il deviendrait fou.

— Je crois qu’il le sait. » lâcha-t-il, un brin de malice traversant ses iris.

Se redressant légèrement, elle donna une tape sur son biceps, furieuse.

« Tu le lui as dit ?!

— Non, je n’ai fait qu’éveiller ses doutes.

— Oh ! s’exclama-t-elle, ironique. Alors tout vas bien !

— Tu es bien trop préoccupée par ce boiteux, Afrodíti. »

Elle déglutit avec rage, et posa ses pieds sur le sol, cherchant sa robe qui gisait sur le sol un peu loin. Avec grâce, elle se leva, sous le regard désireux de son partenaire secret, qui détaillait avec envie chaque particule de son corps nu.

Aphrodite, la Déesse de l’amour, de la beauté et de la sexualité, portait bien son titre. Aussi belle qu’Héra, elle était enviée par les nymphes et désirée par les Dieux. Pourtant, si elle n’était présentée que comme l’amante parfaite, elle était aussi une jeune femme douce, bienveillante et à l’écoute.

« La fille d’Hadès est en Olympe. » lança Arès.

La robe dans la main, elle se retourna vivement, les yeux écarquillés.

« Macaria ? Celle qui a été envoyée chez les mortels à sa naissance ?

— Celle-ci même.

— L’as-tu déjà rencontré ?

— Pas encore, mais je pense que nous devrions l’accueillir comme il se doit. » répondit-il avec malice.

Elle lui lança un regard réprobateur.

« N’y penses même pas, Arès ! Je te connais mieux que tu ne le penses, tu n’es pas le Dieu de la destruction pour un rien.

— Ce que tu es barbante ! soupira-t-il, roulant des yeux. Je voulais juste lui souhaiter la bienvenue.

— Et l’effrayer ? Elle n’aura plus envie de rester parmi nous si tu détruis sa vie.

— Ce qui me permettra de récupérer le trône des Enfers, et mes parents seront bien obligés de me l’accorder.

— J’ignore pourquoi tu veux tant ce titre. Tu es déjà un prince, il te faut maintenant être roi ?

— Père est lassé de ma discorde, et Mère est sans cesse pleine de réprimande. Si elle s’efforce à redorer mon image auprès des Olympiens, elle ne peut lutter contre mes désirs de guerre. Je n’ai pas ma place auprès de ces divinités parfaite, qui répandent amour et bienveillance chez les mortels ! Je me dois de régner sur un royaume qui me conviens, tel que les Enfers.

— Si c’est le cas, tu libéreras le Tartare sur les mortels.

— Et je jouirais enfin de leur terreur. »

OLYMPE – SUR LES CHEMINS FLEURIS

Le chemin était infini. Plus elle avançait là où elle pensait être la sortie, le chemin s’allongeait, et les nuages reculaient. Essoufflée, et toujours coursée par Hermès, elle s’arrêta, haletante. Elle posa ses mains sur ses genoux, le dos courbé, tentant de reprendre sa respiration. Puis, une fois qu’Hermès l’eut rejoint, elle croisa les bras sur sa poitrine.

« Je veux rentrer chez moi ! s’énerva-t-elle. Laisse-moi partir !

— Macaria, tu ne le peux pas.

— Alors je suis une prisonnière de l’Olympe ? J’ai été kidnappé par un foutu Dieu messager ?! »

Il recula, blessé.

« Eh ! Je n’ai fait qu’exécuter les ordres. Tu es là pour quelque chose qui te dépasse encore.

— Je mérite de savoir ce qu’il se trame, Hermès ! »

Il se mordit la lèvre.

« Tu es ici pour reprendre le trône des Enfers, afin de succéder à ton père. »

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Note d’auteur : Merci infiniment à CharlyElLove pour la merveilleuse couverture qu’elle m’a faite. ❤

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