En soi
Écrire, c’est couper. Trancher dans l’esprit, faire des choix radicaux. Couper les distractions pour mieux puiser et se replier en soi. Se pencher au bord de la bouche, plonger le seau dans la gorge et tout droit jusqu’au coeur pour voir de quoi il est fait. Écrire, c’est tâter l’intérieur, vérifier l’état. C’est solitaire, égoïste : c’est éteindre les écrans, faire taire les amis. Rester seul face à ses démons et les embrasser sans retenue, tuer les artifices.
Écrire, c’est se livrer. C’est s’allonger, s’écarteler l’âme pour en offrir les coutures au monde. C’est briser les barrières pour se faire vrai. Par amour des mots, même si c’est dur de s’exposer. C’est montrer la facette la plus sincère, livrer le coeur en pâture. C’est dompter les émotions, les canaliser pour faire surgir quelque chose du néant. C’est vivre tout plus intensément, transmettre au mieux les sentiments.
Écrire, c’est entendre. Jouer, composer avec les sons. Se faire voix haute, conter. Que la lecture soit comme un chant, que rien ne soit haché. C’est se faire orfèvre, minutieux et pénible, c’est hésiter deux heures pour enlever une virgule...
... et deux heures encore pour la rajouter.
Écrire, c’est saigner. C’est hurler, contrôler l’orage pour le diriger. En faire une flèche à deux têtes, une arme qui détruit et respire. C’est viser le lecteur, communiquer. C’est tendre son orage intérieur et le lâcher, droit dans l’esprit et droit au coeur. C’est toucher, changer en profondeur. Se guérir ou se blesser pour que jamais un mot ne soit au hasard, que tout serve à étendre l’archée. C’est brutal et précieux, salvateur et meurtrier. C’est dehors et dedans, c’est tout et rien. C’est sortir de soi et c’est y rester. S’offrir et se garder. Que chaque mot serve au but de changer ceux qui s’attardent.
Ne plus faire Beau mais aussi faire Vrai. C’est simple et compliqué. Et surtout, surtout...
Écrire, c’est vivre.
Juste un peu plus fort.
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