BLACK OUT

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Le crépuscule du soir créait une atmosphère chaleureuse et romantique.

“Rien de plus optimiste qu’un ciel orangé- rouge violacé pour annoncer une belle soirée en perspective” me chuchota ma meilleure amie Lisa au creux de l’oreille. Nous virevoltions entre les passants comme deux adolescentes un premier jour de vacances.

Zeck, Lisa et moi nous empressons vers le métro qui nous conduira chez moi. C'est là que nous avons décidé de nous préparer pour cette soirée tant attendue du lancement des festivités estivales de la capitale belge: La Moonlight X-Hibition.

J'avais rencontré Zeck trois mois auparavant, veille des vacances de Pâques, par l'intermédiaire d'une copine de Lisa à l'université.

- «Où vas-tu comme ça ?» m'avait-il demandé en lorgnant son pote.

- «Je vais au ciné voir le dernier Joker avec mon copain».

- «Habillée comme ça ? Haha Pas mal tes goûts….en matière cinématographique.

Allez, amuses toi bien; vous viendrez à la petite fête du campus ce weekend j'espère» me lance t-il en tournant les talons.

Après cet échange, une amitié fusionnelle naîtra mais nous l'ignorons encore.

Au premier abord, Zeck avait tout du garçon lambda ; taille moyenne, châtain foncé, style passe partout mais lorsqu'il ouvrait la bouche pour s'adresser à vous, il y avait ce quelque chose dans son regard habituellement éteint qui tout à coup le rendait lancinant. Ce qui changeait du tout au tout son allure nonchalante en celle d'un garçon attrayant. Il ne m'intéressait pas de cette façon mais je dois avouer qu'il m'intriguait.

Deux mois plus tard, mon célibat m’accordant beaucoup plus de temps libre, nous devînment inséparables. En un rien de temps, il est devenu mon indispensable et mon mentor pour faire les 400 coups; j'étais sa confidente et son ange gardien. On nous charriait d'ailleurs souvent en nous appelant Ying & Yang. Lisa en était parfois jalouse mais elle s'appliquait à le dissimuler derrière son sourire ravageur. Je ne comprenais pas pourquoi ces deux-là ne s'étaient jamais mis ensemble alors qu'ils passaient le clair de leur temps à gentiment se chamailler. Lisa est ce qu'on pourrait appeler un papillon qui ne demande qu'à sortir de sa chrysalide. Non, je dirais plutôt que c’est...un missile. Il est aveugle ou quoi? Son humilité la rendait encore plus jolie avec ses grands yeux verts en forme d’amande et je m'étais toujours dit que c'était ce côté inaccessible donné par son charme et son charisme naturel qui faisait peur aux garçons.

Quoiqu'il en soit, ce soir, c'est le bon ! Je dois à tout prix les caser.

Pendant que ma copine sort nos tenues préparées à l'avance, Zeck saute de tout son long sur mon lit et ouvre mon pc. C'était la première fois qu'il rentrait dans mon studio tout riquiqui mais j'étais assez fière de ma décoration intérieure et de la disposition qui le rendait un peu plus lumineux.

- «Siri ?! Lance Moonlight de XXXTentacion».

S'ensuit une course contre la montre au air de before party. Entre les rires sur quelques anecdotes et deux petits déhanchés devant le miroir, Lisa et moi mettons nos robes dentelées et nous coiffons pendant que Zeck se captive par mes playlists. Un dernier verre du mousseux qui est presque aussi bouillant que nous à l'idée de s'être fait inviter à la soirée de l’année à ne pas manquer et go, nous sommes fin prêtes !

Nous passons le trajet à glousser à trois tandis que le taximan jette des petits coups d'œil dans son rétroviseur afin de vérifier que l'un de nous ne vomi pas sur son siège. La course payée, nous voici à l’étape décisive qui ouvrira ses portes sous le clou du spectacle. L'ascenseur nous mène au 10ème étage de l’une des plus belles vues panoramique de Bruxelles.

Je n’avais eu l’occasion d’y aller qu’une seule et unique fois pour assister à un shooting photo sauvage, il y a quelques années de cela.

On se demande encore comment Zeck à fait pour nous dénicher ses entrées alors qu'il n'y avait que vingt-cinq anonymes autorisés parmi tous les Guest de la ville.

L'un des videurs ressemble à Mister T. un jour de l'an; ce qui ne pouvait que nous faire sourire en aidant à nous détendre avant l’instant fatidique. Détends toi Abby, après tout, ce n’est que l'événement rassemblant toute l'Élite du pays...tu y croiseras sans doute même ton futur entrepreneur sans le savoir.

Ma copine et moi faisons notre entrée sur Walking To The Jungle de Kid Noize, Zeck nous emboitant le pas tout en serrant des mains. J’imagine que ce n’est pas un hasard si le rooftop aménagé habituellement en simple jardin est actuellement recouvert d’une Jungle tapissée de vrais feuillages verts-bruns et de fausses lucioles. Des canapés trendy ont été accolés aux murs du toit rectangulaire formant comme un immense salon oriental et plusieurs cocons ont été formés ci et là pour pouvoir s'asseoir à même le sol ou sur des chaises hautes si on le souhaite.

L'agitation est déjà à son maximum. Poignées de mains, rires, rencontres fortuites, chaque visage a l’air dans son élément, sauf nous. La belle créature qui me sert d’amie et moi nous arrêtons dans un endroit stratégique histoire de déjouer les regards qui commencent à se jeter sur nous. “Lisa, faisons comme si nous étions sur notre terrain de jeu. J’en étais sûre, on aurait jamais dû mettre des dos nus, ces gens ont l’air si distingués habillés d’un rien”.

Comme si ça ne suffisait pas, Zeck prétexte aller nous chercher à boire alors qu’il salue sur son passage pas moins d'une vingtaine de personnes. Je ne savais pas qu'il était si connu dans ce milieu. Son cousin travaille comme bookeur mais il ne m'avait jamais dit qu'il connaissait tous ses clients ni tout le gratin de la région, le cachotier.

Voilà que toute la tablée à laquelle il est se retourne vers nous. La grosse gêne, saluuuut. Lisa et moi faisons mine de s'ambiancer depuis un moment alors que nous n'avons même pas de verre à la main. Pourquoi est-ce que je me sens mal à l'aise tout d'un coup ? Moi qui suis pourtant habituée au clubbing...Un serveur passe, ouf.

- «Garçon ? Deux coupes, je vous prie».

Hop ! D'un geste assuré je les lui prends en songeant que ca en dit long de la valeur de ce champagne pailleté d’or. Je le gratifie de mon plus élégant sourire et nous nous remettons à bouger sur le rythme de la deep house en échangeant quelques banalités.

Les heures passent, l'ambiance est à son comble et nous vivons sûrement notre meilleure soirée enfin détendues. Lisa et moi nous réjouissons et nous félicitons sur du Kid Cudi, d'avoir pu tenir des conversations sur le droit, les sciences humaines et même de la philosophie dans cet état. Sait-on jamais, je ressortirai peut-être avec des cartes de visites pouvant impacter notre avenir après nos études.

- «Aaaah enfin !» Zeck revient s'amuser avec nous en nous tendant un verre avant de nous présenter à toute sa clique. Ma mission a échoué mais la soirée est une réussite.

Sourires, légèreté, discussions, euphorie; chaque parcelle de mon corps enivrée par l'ambiance musicale et les corps qui se meuvent autour de nous, me dit que je suis peut-être en train d'atteindre l'apogée de ma soirée. Décadence ? L’esprit badin régnant parmi les invités démontre également qu'à l'heure actuelle, plus aucune différence n'est faite entre anonymes, guest ou employés.

Lisa danse avec notre coiffeuse et son mari que nous avons croisé là sans en croire nos yeux. Lorsque je sens une main agripper la mienne. Apercevant une silhouette familière, je me laisse délicatement entraîner et guider vers un coin un peu plus calme du jardin suspendu. On atterrit sur le côté du rooftop qui donne un aperçu panoramique de la capitale ainsi que ses rues commerçantes et je ne me rends même pas compte que je ne suis plus dans le champ de vision de mon amie. Admirative, je presse maladroitement ma tête contre la vitre de sécurité pour contempler la vue d'en haut, comme une gosse de quatre ans assistant à son premier spectacle de marionnettes.

Il fait sombre et dans ce cul de sac, seuls la lune, l'éclairage de la fête au loin et les lampadaires en bas de l'immeuble font office de lumière. J'entends le rire de Zeck derrière moi et ça me rassure brièvement. Je sens son regard se poser sur moi avec insistance et à cet instant précis, je me rends compte que je suis complètement saoul alors que je n'ai pas bu tant que ça.

Trou noir.

Il m'attire contre lui un sourire aux lèvres:

- «Tu es si belle Abby».

Sa phrase à peine finie, je sens ses lèvres chaudes et sucrées se plaquer contre les miennes, son haleine musquée à l'odeur des cocktails m'envahit ...

Trou noir.

Je le sens attirer mon corps alourdi contre le sien et m'embrasser. Sa langue entremêle langoureusement la mienne mais j'ai comme un soudain goût de médicament qui vient essayer de m’extirper de cet état d'inertie dans lequel je me retrouve sans comprendre...

Trou noir.

- J'articule comme je peux «Zeck...qu'est-ce que ?»

Black out.

- « Ar-rête tu me chatouilles. Laisse... LAISSE moi un peu res..pirer...at-teeends...j’ai froid.»

Black out

Black-out

BLACKOUT !

J'ouvre brusquement les yeux et de ma vie entière, je n'ai jamais vu un plafond tourner aussi vite que celui que j'ai sous les yeux.

Je les bouge dans leurs orbites...car sans mentir, c'est le seul mouvement qu'il m'est possible de faire sur le moment.

«oh p*tain MAIS je suis où là ?!»

Je me saisis de ma pensée qui m'a semblé être plus un cri de détresse; tant bien que mal je me tâte pour vérifier que j'ai tous mes membres et surtout mes habits. Ça y est, je me rappelle ....Zeck, Lisa, La Moonlight X-hibition. Voyant qu'autour de moi il n’y avait plus que deux personnes au regard hagard de compassion et d'ivresse, je compris qu'il s’était passé quelque chose. Je leur pose des questions sans succès au vu de leur état et me contente de leur demander la direction de la porte de sortie. Quelques minutes plus tard, me revoici sur le rooftop, vide. Complètement rangé comme si rien ne s'y était passé. Il semblerait que j'étais dans un espèce de débarras ayant été aménagé comme pièce de repos sur le toit.

C'est fou ce que peut cacher ce bâtiment décidément...cette pensée me traverse l'esprit mais je suis à nouveau saisie d'une sensation assez étrange et inconfortable outre le fait que je tiens à peine debout.

Cinq minutes plus tard, me voilà déambulant seule et zombifiée dans les rues.

“Bruxelles ma belle, Bruxelles attends moi j'arrive, bientôt je prends la dérive”pieds nus, coupette à la main”.

- «PIEDS NUS !!!??!!!»

Une impression d'austérité ou de dépouillement ressurgit soudainement. Je finis par penser que c’est parce que j’ai perdu ma veste.

- «Où ai-je mis mon sac ? Je ne peux pas croire que mes soi-disant amis m'aient laissés là» baragouiné-je à moitié en colère.

Finissant par me rappeler que je mets toujours mon smartphone et un billet dans une cachette bien féminine qui est le soutien, réflexe de clubbeuse...j’essaye de reprendre mes esprits.

Mon téléphone affiche 9% de batterie et 14 appels en absence dont 9 de Lisa et 3 messages:

«Abby, dis moi que tu vas bien, je t'en supplie !»

«Réponds moi ou appelle la police au moins, si tu vois ce message!!!!!!»

Je ne comprends pas...Pourquoi devrais-je appeler la police, c’est eux qui m’ont ...

Et là, submergée d’une vague d’émotions encore méconnues et d’un soubresaut qui me donne la nausée, un seul flashback suffit à me faire soupçonner l’impensable : Zeck fourrant sa langue dans ma bouche, une sensation froide et ce goût médicamenteux.

CLAP ! "COUPÉÉÉÉÉÉ !!!"

"C'EST DANS LA BOÎTE".

- «Jérôme, tu prendras les deux dernières scènes en fin de court-métrage avec un gros plan sur ses jambes pour la campagne de prévention. Ok ?!»

- «Ça marche, avec quel slogan ?»

- «Peu importe, tant qu’il y a le prénom de la gamine et que ça dissuade un minimum».

Abby A BU

Mais l’habit n’incite pas à l’ABUS

!!! STOP la DROGUE et l’excès d’ALCOOL même entre personne de confiance !!!

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