Á l’ombre d'elle même

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Thème:Rêve/Fantôme

- “ Dis-moi chéri ; crois-tu aux esprits ? “ lui demanda-t-elle songeuse.

- « Les esprits?? Si tu parles de possession, alors ça oui, j’en tiens de belles dans la famille. Tu as oublié ou quoi? ».

Elle savait bien que son mari avait une famille très pieuse…

Mais pas de là à être spirite au point de s'adonner à de quelconques pratiques du spiritisme.

Néanmoins, c'est vrai qu'ils ont déjà eu plusieurs cas de possession inquiétantes paraît-il.

Elle n'avait jamais voulu lui en demander davantage auparavant mais elle sentait bien que ce soir-là quelque chose l’y pousserait naturellement.

Bon; il faut avouer que c’est aussi parce qu’elle n'avait jamais trop pris cela au sérieux. Mais encore une fois,ce soir, elle sentait une atmosphère qui lui faisait se poser des questions ayant besoin de réponses.

- « Ah bah tiens... maintenant que ça me revient; rien que sur ce fauteuil dans lequel nous sommes assis; ma nièce y a été prise par je ne sais quel démon au point que nous avions dû faire appel à un prêtre qui y a passé TOUTE LA NUIT figure toi» lui dit-il d’un air impressionné et satisfait à la fois sans le moindre bouleversement sur le visage.

Ses paroles la sortirent de ses pensées, forcée de constater qu’il n’avait même pas détourné ses yeux une seule seconde de son smartphone.

- “Qu’est-ce que tu entends exactement par possession toute la nuit?”

- « Et bien Fatim-Zohra, tu sais elle est un peu comme toi: rebelle,écorchée vive,mélancolique donc hypersensible mais toujours enjouée, spontanée et très réfléchie . Je ne sais si ce n’est justement à force de réflexions et de ressassement de son passé qu’elle en est arrivé à l’attirer en elle. Une chose est sûre, ce soir-là elle l’avais bien provoqué et cette fois-ci, il avait bien décidé de le lui faire regretter ». « On le percevait clairement se mouvoir d’un côté à l'autre de son corps, la forçant à se contorsionner tantôt de douleur tantôt de gêne ».

Elle eut un mouvement de recul en passant en revu ce petit fauteuil deux places , recouvert d’un vieux plaid à carreaux marron-beige assorti à son cuir brun. “Je dois avouer que je m'attendais pas du tout à une telle révélation” songea t-elle.

Elle imaginait alors la pauvre Zohra les yeux exorbités et larmoyants, muscles du corps entièrement saillants, bouche ouverte laissant échapper des cris silencieux tellement la bête lui était impossible à dompter. Son âme sous emprise et son corps vidé de sa propre essence de vie.

“C’est fou !! Il en parlait presque comme s'ils se connaissaient personnellement ?!” remarqua-t-elle.

D'un regard mi-inquiet et toujours pensive, elle se retourna vers cette série vampirique qui l'avait amenée à se poser une telle question et soudainement elle prit conscience que dans cette pièce si chaleureuse au départ il régnait à présent une toute autre ambiance.

L’atmosphère qui y pesait était devenue lourde et étrangère.

“Etait-ce dans ma tête?” se dit-elle.

Elle ne se sentait plus très à l'aise dans cette conversation.

“Pourquoi me suis-je infligée de telles horreurs, déjà?”. “Décidément la curiosité que je porte au cinéma ainsi que mon amour pour ces satanés vampires finiront par me perdre dans une part sombre de mon imagination” se dit-elle tâchant de chasser ses dernières idées de sa tête. “Je termine cet épisode de “True Blood” et je file me coucher.”

Lorsqu’elle remit en fonction cet épisode bizarre, il n'était plus du tout question de chasse au beau vampire ténébreux, au regard transperçant et envoûtant. Le personnage principal, Sookie, atterrissait dans une espèce de cérémonie douteuse autour d’un feu de camp.

Les invités, bien que sous leur forme humaine, ressemblaient étrangement à toutes sortes de créatures maléfiques à cornes, aux yeux d’un noir si bouleversant qu’elle n’en dissociait même plus les rétines des pupilles. Ils avaient tous l'air drogués.

“Ou alors était-ce moi qui le suis?” esquissa-t-elle dans un petit rire narquois en terminant sa boisson chaude ( en hiver le vin chaud est devenu coutumier).

"Allez, ça suffit Ava, c’est le signe que tu ne dois plus regarder ce genre de chose et qu’il est temps d’aller dormir”.

Elle qui se pensait de nature courageuse, voilà qu’une simple anecdote familiale du passé et une série l’a faisaient presque faire sur elle. (rire) Ce genre cinématographique n’était peut-être plus pour elle après tout ! Rien de bien grave, ça arrive. Du haut de ses trente ans, sa sensibilité devait avoir été assez mise à l'épreuve.

Elle prit le soin d’inspecter la pièce d’un dernier coup d'œil avant d’éteindre la lumière et sortir de là afin de se diriger vers le couloir. 20 minutes plus tôt, Didier était déjà monté à l’avant dernier étage, là où se trouve leur chambre. Elle se rendit compte que cette sensation de malaise n’était pas encore partie car pour la première fois, se retrouver seule dans la pénombre de la cage d'escalier l'angoissait un peu.

Elle avait la sensation qu’à tout moment quelqu’un ou quelque chose pouvait surgir et lui sauter dessus.

Elle ne croit pourtant pas aux fantômes mais après l’histoire de Zohra, comment être sûr qu’il soit parti sans vouloir trouver refuge chez eux s' il existe véritablement? Après tout, elle ne connaissait absolument pas le rituel de ce genre “chose” quoique ce soit: fantôme, esprit, démon ou que sais-je...

Elle monta l'escalier deux à deux pour atteindre le palier le plus rapidement possible.

Refermant la porte de l’étage derrière elle, elle avait envie de rire tellement qu’elle se sentait ridicule. Fortheureusement, à l’heure actuelle son mari dormait à poing fermé se dit-elle avant de constater que la pièce dans laquelle elle se retrouvait était elle aussi entièrement plongée dans le noir. Le craquement d’un plancher qu’elle venait sans doute de faire bouger l’a surpris de de l’autre côté de la porte, pour laisser place au cliquetis d’une gouttelette d'eau tombant sans doute de l’évier récemment utilisé.

Ce soir-là, elle ne prit même pas la peine de passer par la salle de bain comme à son habitude avant de se faufiler dans leur lit.

Les enfants ne se seraient pas gêné de le lui faire remarquer s' ils étaient là.

La veille, Abby-Gaelle 9 ans et Ryan 14 ans avaient une soirée pyjama chez les voisins.

Ils vivaient dans ce quartier depuis si longtemps que leurs voisins en étaient presque des membres à part entière de leur famille. Leur bâtisse était un héritage de la famille de Didier.

Du haut de ses 5 étages de briques, elle était modeste mais impressionnante au coin de leur petite rue avoisinant la campagne la plus proche.

Ils s’y étaient rencontrés par l’intermédiaire de leurs parents et y avaient même échangé leur premier baiser à l’époque. Cherchant sa position sous la couverture, elle se remémore de vieux et agréables souvenirs gardant une part d’elle empli de culpabilité. Elle faisait un bisous sur le front de son mari et remontait la couverture sous son menton lorsqu’elle aperçut soudainement une silhouette qui l’a fit palpiter. Prise de panique et n’ayant le temps de réagir autrement, la seule idée qui lui vint à l’esprit fut de fermer les yeux aussi fortement et longtemps que possible en comptant (1,2,3…), comme lorsqu’elle était petite, avant de se rendre compte d’un éclair de lucidité que…

Ce n'était en réalité que l’allure de la vieille veste printanière de son mari avec son béret par dessus.

Sans mot dire et encore secouée, elle se contenta de fermer les yeux, bien motivée à s’endormir d’une traite.

[3:33 affiche le cadran-le silence est d’Or]

Les filles prennent le rond-point et s'enfoncent dans une des plus jolies rues fleuries de la région.

Chargées de provisions, sous un brin de soleil éclatant, les trois copines rient aux éclats programmant leur après-midi. A la hauteur de la maison 44, l’une d’elle cherche la clé dans la pochette de son veston en jean.

La demeure s’ouvre sur une large cage d’escalier de longueur moyenne à leur gauche, tandis qu’à droite le hall d’entrée mène un peu plus loin à ce qui semble être une cuisine.

A l’arrière de celle-ci se trouve une baie vitrée finissant sur une terrasse et un jardin. On peut déjà y apercevoir un début de pelouse à moitié tondue et le chien qui y court derrière un papillon.

Sans attendre, Iris, Fatim-Zohra et Ava se rendent dans la chambre de Fatim-Zohra en laissant traîner leurs chaussures par-ci par- là.

- “Aaaah.. ! La fête peut enfin commencer les filles; mettez-vous à l’aise; nous avons la maison pour nous jusqu’au soir”.

Elles passent des heures à siroter des cocktails en se racontant des anecdotes et les potins habituels sur leurs camarades de classe respectifs. La pièce paraît immense; on peut y voir dans le coin gauche face à la porte un clic-clac , une table basse en verre et un grand lit à baldaquin à moitié fait; tous alignés de gauche à droite. Un grand espace vide laisse place à une piste qui leur servira à danser si l’envie leur prend et dans le prolongement du mur, côté porte, se situe la commode.

[16:37]

Ava se déhanche sur de la Deep, lorsque son cardio lui impose de se poser un peu.

Elle choisit de faire face à ses deux amies confortablement installées sur le canapé-lit. L’ambiance est à son apogée et elle se cale sur le baldaquin pendant que les rires de ses copines se font de plus en plus lointains. Un sourire de plénitude marque son visage, elle veut fermer les yeux deux minutes, juste deux minutes histoire de savourer ce moment si rare où elles se retrouvent seules entre elles. Mais c’est aussi un temps propice aux glaces. L’atmosphère est à présent pesante sous ces 34° et seule une glace stracciatella peut lui donner la force et le courage de dévaler les escaliers à toute vitesse comme elle entend le faire de sitôt.. Ça la réveillera, se dit-elle.

-”Prends nous des cornets Ava” résonne la voix d’Iris à travers la cloison qui les sépare.

Arrivée à mis chemin de la dernière marche elle stoppe net sa descente croyant apercevoir une ombre passer à toute vitesse; son reflet à moitié sur le carrelage et sur le mur d’en face.

Un étourdissement sans doute. Elle pose son pied sur la marche suivante lorsqu’à nouveau cette même ombre repasse mais plus proche et formant un tourbillon jusqu’au plafond cette fois. Les sourcils en accent circonflexe, elle passe doucement sa tête au-dessus de la rambarde tachant de ne faire aucun bruit.

On dirait que quelqu’un est à la maison alors qu’elles sont censées être seules. “J’espère que les parents ne sont pas rentrés se dit-elle” en se concentrant pour mieux distinguer qui pourrait bien se trouver dans la cuisine de Fatim-Zohra….

Lorsque inopinément, jailli de nul part, une IMMENSE forme noire ressemblant à un corps humain mal dessiné fait de fumée flottante. Elle n’a ni pieds ni bras et pour le visage, seuls deux grands trous à la place des yeux et un difforme croissant de lune en guise de bouche. Elle s’avance à toute vitesse vers elle...les yeux écarquillés, le souffle court, une vision d’horreur s’offre à elle tandis qu’une sensation de mort imminente lui indique que la seule chose pouvant la sauver est de fuir le plus loin possible. Loin de ce fantôme, peut-être aussi loin que la vie ne pourrait la guider.

Sans savoir comment, elle remonte deux à deux, ces marches qui lui semblent tout à coup interminables. Trébuche, se faisant mal mais se relève tant bien que mal prise de sueurs froides. Le temps de vérifier par-dessus son épaule; il n’est plus qu’à un mètre d’elle ! C’est en croisant ce qui se dit être son regard, qu’elle se rendit compte qu’il ne se contentait pas que de la suivre, mais qu’il semblait carrément vouloir aspirer son âme. La sensation qui lui parcourt le corps de bas en haut est indescriptible. Ses palpitations qui ne lui permettent même plus de crier à l’aide et l’intuition qu’elle est littéralement en train de vivre ses derniers instants lui donnèrent un regain d’énergie lui permettant d'attraper la poignée de la porte.

Des larmes chaudes coulent sur ses joues glacées de frayeur mais rougies par la chaleur de ce samedi de vacances d’été. Acharnée, Ava tambourine à la porte avec une impression que l’éternité n’est rien comparé au temps que mettent ses amies à lui ouvrir cette satané porte.

Il est là, il est là, à quelques centimètres d’elle maintenant et elle se sent déjà partir dans les abysses d’un monde qui lui est inconnu.

Est-ce la peur qui lui fait ça? Elle n’en sait rien, mais elle s’entend crier de toutes ses forces alors qu’aucun son ne sort. La jeune adolescente s’égosille mais rien à faire il est là….

-“ca y est c’est ....”

[4:40]

Le souffle coupé, le cœur palpitant, Ava se démène dans son lit comme si sa vie en dépendait aux côtés de son mari, Didier, qui dort comme un bébé. Les couvertures valsent de côté, elle lui agrippe le bras comme un appel à l’aide se sentant s'étouffer, s'étouffer de cette emprise qu’elle ignore. Son cœur bat si fort et si vite dans sa poitrine qu’elle croit qu’il en est déjà sorti. Ce poid sur sa poitrine qui la piétine pendant qu’une forme d’une noirceur sans nom l’aspire à elle, lui fait définitivement perdre contrôle …. elle est en train de s’abandonner à ce qui lui semble être le malaise qu’elle a fuit toute la soirée... un fantôme, LE fantôme ! Cette bête qu’elle s’obstinait tant à chasser de ses croyances lui fait désormais face et elle sait pertinemment que seul le destin pourra le lui faire échapper...À bout d’elle-même, elle décide de se laisser succomber lorsque…..

-“....c’est fini ,JE SUIS FINIIIIIIIIII !!!!” murmure t-elle dans un dernier souffle.

La porte s’ouvre et elle rentre en trombe renversant Iris au passage.

Les deux copines, hébétés, regardent Ava: claquant la porte derrière elle, comme, en guise de bouclier bien que consciente qu’il n’aurait aucun mal à la traverser de tout son long…. C’est alors que d’un époustouflant plongeon sous le lit à baldaquin, la demoiselle se retrouve recroquevillée sur elle-même, se cachant les yeux telle une enfant apeuré et murmurant des paroles inaudibles ...

[4:44][17:44]

CRacK !!!

Un bruit sourd l’a fit sursauter et elle releva son buste d’une telle violence qu’elle en eut le tourni et dû se maintenir d’une main pendant que l’autre cachait un regard hagard face à cette lumière qui l’aveuglait.

Elle balaya la pièce d’un regard sans comprendre ….

-“MAIS?!!? Où suis-je” se demanda-t-elle sans prendre conscience du volume et du ton qu’elle avait employé.

-“Ah ben en voilà une qui refait surface, ha ha ha”

-“Ca va Ava? Bien dormi? Tu tire une de ces tronche”

-“Mais qu’est-ce que je fais là? Où est Didier? On dormait au 4ème...et les enfants..oh m*rde il faut aller chercher les enfants !”

-“hahahahahaha je rêve où elle se prend pour une mère de famille; elle a craqué votre copine” dit un garçon dont la voix était étrangère à Ava.

-”Oh non, pas ca !!” “ Ne me dites pas que..? ….”

“Je dois absolument me réveiller” se murmure-t-elle à elle-même se rendant à peine compte de la situation.

Ava Madison n'arrivait pas encore à dissocier son rêve de la réalité qui lui faisait face. C’était bien trop confus. Il lui fallut plusieurs minutes pour prendre conscience qu’elle avait bel et bien 30 ans , qu’elle était mariée à Didier, qui pour l’instant n’avait comme seule préoccupation que son propre sommeil et que ses amis qui s'esclaffent actuellement devant elle n’étaient autre que le fruit de son imaginaire dans son rêve duquel elle n’était visiblement pas encore complètement sorti. Elle se souvenait être partie se coucher pleine de pensées dérangeantes et c’est sans doute le détail qui l'aidera à se sortir de cette situation.

“Un sommeil apparemment plus destructeur que réparateur visiblement” se dit-elle.

Mais même dans son rêve, elle seule n’avait conscience que ce garçon dans la chambre de Fatim-Zohra n’était pas présent lorsqu’elle s’était endormie, évanouie? Et que la seule autre présence à ce moment-là précis n'était qu’un fantôme lui courant après et prêt à lui voler son âme si elle ne se réveillait pas.

D'illusion en illusion;

Jusqu’à la perdition.

Là où le simple rêve;

En devient une chanson;

Ou une danse macabre.

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