Approche

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- Hein ? fit Tipek, pour le moins exaspéré.

- On n’a qu’à déclencher la procédure de crash contrôlé.

- Vous êtes devenu fou, Brossard ? hurla Tipek.

Mais tout le monde avait compris. Sans ordinateur de bord, et sans moteurs, il était illusoire de tenter une rentrée atmosphérique classique. Voyant le regard entendu de ses hommes, passant sur celui de Klebz qui n’y comprenait rien, Tipek dut se résoudre à l’évidence. La gravitation allait inévitablement précipiter l’Amérion sur cette fichue planète. Et pas moyen de se poser. Alors, autant utiliser la procédure de crash contrôlée. Ça n’avait jamais été tenté, par aucun vaisseau de la flotte de la coalition. Jamais. Et les experts étaient peu d’accord sur la validité des calculs effectués pour cette manœuvre hautement risquée, mais avaient-ils le choix ? Probablement pas. L’air grave, Tipek demanda :

 - Quand ?

- Maintenant, fit Brossard. Il reste juste assez de jus dans les batteries de Wall-ID pour enclencher la procédure. Ça va être rude, mais ça va marcher, je le sais. On pourra recharger Wall-ID sur place, avec ses panneaux-solaires à effet de nuit. Ou pas. C’est vous qui voyez.

- Faites-le, conclut Tipek.

La procédure de crash contrôlée était éminemment osée. Basée sur une rentrée atmosphérique de type « à fond à fond à fond » avec ouverture d’un gigantesque parachute façon chapiteau, la manœuvre reposait en fait principalement sur le déclenchement d’un airbag monumental quelques picosecondes avant l’impact. S’il s’ouvrait trop tôt, il grillerait contre la coque portée au rouge du vaisseau. S’il s’ouvrait trop tard, ben… Voilà, quoi.

Klebz se chargea du câblage de Wall-ID, puis Lumi vint vérifier le montage. Le mécanicien avait fait du bon boulot. Il avait mis les coupe-circuits en dérivation de l’alimentation, puis il avait monté le contacteur de l’airbag en étoile avec les processeurs de Wall-ID, évitant ainsi de couper totalement le dernier élément de l’Amérion encore capable de calculer le temps d’impact. Wall-ID avait ainsi la lourde tâche de déterminer l’instant précis où il devrait faire commuter le contacteur de l’airbag, se débranchant lui-même de son alimentation, en un ultime sacrifice qui ne lui plaisait pas du tout. Mais bon. C’était ça, ou finir compacté au sol. Avec un grésillement électronique nasillard, Wall-ID indiqua qu’il était ok. Brossard vint à son tour checker le système. La gueule du montage, à base de diodes de commutation et de thyristors à retard réglable soudés à l’arrache, ne lui plaisait guère. Mais ils n’avaient plus le temps.

Tout l’équipage se rassit, dans un silence de mort. Klebz tenta de mettre son harnais en mode manuel, mais la chose n’était pas aisée. Brossard était en train de préparer l’équipement de survie au sol, nécessaire à la future sortie extravéhiculaire. Tipek le regarda s’affairer avec les combinaisons à Baukval, les réserves d’oxygraugène sous pression et les armes à contacteurs de proximité. Quand il eut fini, et que tout le monde était sanglé, il vint filer à tout le monde une espèce de combinaison rose fluo. Klebz le regarda d’un air vague, partagé entre l’exaspération et la plus profonde désespérance. Il flaira un instant la combinaison, puis déclara d’un air peu amène :

 - C’est quoi encore, ce bordel ?

- Equipement NBC. L’airbag de crash est rempli avec dix mille mètres cubes de fréon méthané, en moins d’une picoseconde.

- Pas possible. Ne me dis pas que…

- Si.

- Nan. Ce n’est quand même pas…

- Si. Une bombe nucléaire, conclut Brossard avec un air grave.

Ainsi donc, Klebz découvrit en quoi la procédure n’était pas sûre. L’airbag était gonflé à l’aide d’une déflagration nucléaire de type C. Ça n’était pas le modèle le plus puissant, mais ça allait quand même bien secouer. ‘chec, souffla t-il avec sa truffe.

- Et t’aurais pas pu nous le dire avant qu’on se sangle ? aboya Klebz d’un air mauvais, en découvrant ses canines grandes comme des couteaux de plongée.

Brossard ne répondit pas et enfila sa combinaison ridicule. Il fallut à Klebz et aux autres membres d’équipage dix bonnes minutes pour s’extraire de leur fauteuil. Découvrant sa combinaison, Klebz poussa un « kouï » terrorifié. Non seulement elle n’était pas du tout à sa taille, mais en plus elle ne comportait pas d’extension caudale. Rhâââ, grommela t-il en pliant sa queue en douze le long de sa jambe, avant de tenter de s’enfiler dans la combarde qui, heureusement, était extensible. La combinaison le moulait, c’était horrible. Il lui fallut encore dix bonnes minutes pour se ressangler, la poitrine comprimée et le souffle court, avec la désagréable impression de ressembler à un télétubbies émasculé. Vint enfin, ultime humiliation, l’épisode du Baukval. Plongé dans le brouillard de son casque, Klebz se sentit soudain seul, très seul, et se mit à espérer que cet enfoiré de Brossard n’avait pas fileumé toute la séquence à l’aide de son microtransducteur portable.

Attendant la suite des opérations, Lumi entendit soudain son oreillette grésiller.

­- Caporal Lumi ? demanda Yababoua via le communicateur privé.

- Oui ?

- Le scan, lorsqu’il s’est arrêté…

- Eh bien ?

Nous savons tous les deux pourquoi il s’est arrêté.

Ne comprenant pas où Yababoua voulait en venir, elle ne répondit pas. Puis elle se souvint qu’il était sensible aux ondes psioniques et autres conneries de ce genre.

- Je vois, Yababoua. Qu’est-ce que c’était ? demanda-t-elle sans laisser percer son inquiétude.

- Une onde surpuissante. De type pulsar. J’en ai encore mal au crâne.

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