L'extraterrestre

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J’étais en train de somnoler au soleil quand elle est tombée dans la piscine. Je ne sais pas d’où elle sort, cette fille. Elle est nue et elle s’agite dans l’eau comme un chaton en poussant d’étranges cris. Je mets plusieurs secondes à comprendre qu’elle ne sait pas nager et qu’elle est en train de se noyer. Sans réfléchir, je plonge pour la récupérer. Elle pèse pas bien lourd mais elle se débat et me colle un coup de coude dans le nez avant que j’arrive à la contenir. Je grimace et la hisse sur le rebord de la piscine où elle s’échappe de mes bras en hurlant.

– Pawa tgala ni om om om triklaza pkas om om !

Elle agite ses poings vers moi, qui sors de l’eau en dégoulinant. Je la regarde, elle est repliée en position de défense. Merde, comment elle est arrivée là ? Pourquoi elle est à poil ? Son dialecte, qu’elle continue à utiliser pour me crier dessus ne me dit rien du tout.

– You speak english ?

– Tawaka tgala, nom karakala palom !

Evidemment… Je la regarde. Elle est assez grande, fine, blonde, cheveux courts plaqués sur son crâne par l’eau. Merde, c’est quoi ce langage, du finnois ?

– Barkava palom ! Prikuna shama tralom !

– Hey, du calme, d’accord, je te veux pas de mal.

Elle recule en poussant ses cris incompréhensibles. Je m’approche du transat où je tentais de faire une sieste et attrape mon téléphone.

– OK, Google. Dis moi que tu connais cette langue.

– Pravat tagalom kri blodgalanevaritumaol prat om om !

Google trad m’envoie chier. J’hésite à composer le 17. Comment elle est arrivée dans mon jardin, non, dans ma piscine, cette nana ? Je la regarde, elle semble se calmer un peu. Elle tend la main pour me toucher l’épaule, comme un animal farouche.

– Pagalom ni dakalom ?

– Moi c’est Clément, et toi tu es ?

– Korolu shamalom karat nab kri ?

– Moi, Clément, articulés-je en me tapotant le torse, Clé-ment ! Et toi ?

Je la pointe du doigt et elle recule en montrant les dents.

– Pri takata nalom trika manatkil !

Elle serre les bras autour de son torse en tremblant. J’essaye de ne pas trop laisser traîner mon regard sur ses seins ou son ventre. La nudité n’a pas l’air de la gêner en tout cas. Peut-être qu’elle a froid. Je vais lui passer un peignoir de Claire, en attendant de savoir d’où elle vient, puis je dois me changer, moi aussi. Je lui fais signe tant bien que mal de me suivre, je me mets même à taper sur mes genoux comme pour appeler un chien, j’ai un peu honte mais elle finit par comprendre et trottine derrière moi en maintenant une distance de sécurité. Je l’observe du coin de l’œil, elle jette des regards ahuris partout autour d’elle et se cogne dans les meubles. Merde, elle est défoncée ou quoi ? Elle se met à crier en me voyant grimper l’escalier et piétine en bas sans me suivre. Je redescends en me grattant la tête et lui montre comment lever le genou et monter marche après marche. Elle rigole toute seule maintenant, enfin je suppose que c’est un rire.

Je rentre dans notre chambre et elle me suit en marmonnant des suites de mots incompréhensibles. J’ouvre l’armoire et lui tends un peignoir. Elle recule de trois pas en montrant les dents et en agitant les poings. Mais quelle sauvage ! Je mime un essuyage pour lui montrer qu’elle ne risque rien mais sans grand résultat, je soupire et dépose le peignoir sur le lit. J’attrape un short et un t-shirt de rechange et me dirige vers la salle de bain en l’observant renifler le peignoir. Merde, elle est vraiment bizarre. Je laisse entrouvert pour la surveiller, si jamais elle s’échappe ou décide de tout casser, et me dépêche de me déshabiller et d’enfiler le nouveau short. J’ai bien fait car elle rentre et me regarde, les yeux ronds, en poussant des petits cris étonnés devant mon torse nu.

– Kalom ? Tawa plom tri kala ? Ti polo kalam tkitom ?

Elle s’approche et enfonce ses doigts dans mon pec avant de reculer.

– Pala kitilim, om oooom malom !

Elle est toujours à poil. Damnée scandinave exhibitionniste. Elle est bien roulée en plus. Je secoue la tête et attrape mon t-shirt. Mais j’ai à peine le temps d’y passer un bras qu’elle le saisit en criant et tire dessus comme une brute.

– Hey, calme toi ! T’es vraiment une furie.

Elle jette le t-shirt par terre et m’enfonce ses doigts dans le pec à nouveau.

– Malom Clamon ! Kiliri Clamon om om !

Elle a dit mon nom là ? Merde ! Elle recule et se tripote le nichon.

– Mawala nigetakalom Nowa.

– Nowa ? Tu t’appelles Nowa ?

– Nowa, Nowa, makali Clamon, piri lom ooom.

Nouveau tripotage de nichon, ça doit être ça. Merveilleux. Plus qu’à savoir d’où elle vient. Je désigne avec de grands gestes la salle de bain.

– Ici, mai-son de Clé-ment. Mai-son !

– Mai ssom Clamon ? Kiritom tri akaw ?

– Où mai-son Nowa, maison de Nowa, où ?

– Nowa, kaliki foulouna palom.

Décidément, elle aime se tripoter les nichons, mais ça ne m’avance pas. Je retourne dans la chambre et désigne le lit. Je fais mine de m’y allonger et ferme les yeux en ronflant.

– ROn-pchit ! Rooon-pchiiit ! Dodo, lit de Clément, maison de Clément, je montre à nouveau la pièce avant de la regarder. Nowa maison ?

– Clamon, tagalom Nowa, pri taka tarawala palom.

Elle s’approche de moi et me touche l’oreille.

– Clamon tagalom Nowa.

– Tu veux que je t’écoutes ?

– Tagalom !

Elle m’appuie sur les épaules pour me faire m’asseoir sur le tapis. J’obéis sans trop réfléchir et elle se place face à moi. Elle prend ma tête dans ses mains et colle son front au mien.

– Tagalom ! Tagalom ini Clamon ni taka Nowa, pri palawa nom. Clamon tagalom ?

– Tu veux communiquer ? Tagalom ?

Je ne comprends rien, je devine à peine. Quelle histoire de fou. Elle me fixe droit dans les yeux, l’air désespéré, et commence à agiter les bras comme pour mimer quelque chose.

– Clamon tagalom ! Nowa flatabarba nalom nika bradaboum kram krip, na la Nowa kipa pala priiiiiiiiii tcha tcha tcha, haaaaaaaaa, nal paloum na lom plous plous nalom.

– J’ai rien compris.

Elle soupire en levant les yeux au ciel. Elle prend ma main et la pose sur un de ses seins. Je déglutis. C’est quelque peu gênant. Elle fait avancer la sienne devant mes yeux.

– Nowa flata mochobarba lom. Pilikam bradaboum kramtolom.

Elle secoue la main et l’ouvre en grand en criant “bradaboum” “bradaboum”.

– Il y a eu une explosion ? Boum ?

Je tente de mimer une explosion moi aussi. Elle hoche la tête en souriant, les yeux brillants. Je ne peux que répondre à un tel sourire.

– Tagalom, Clamon tagalom Nowa ?

Elle montre mon front puis le sien. J’hoche la tête et nous collons nos peaux. J’attends, je ne sais pas ce que j’imagine. Qu’elle est une extraterrestre dont le vaisseau a explosé en vol et qui est tombée dans ma piscine ? Est-ce qu’elle va lire dans mon cerveau et apprendre notre langue en quelques minutes ? Est-ce que je suis censé voir des choses, l’entendre parler dans ma tête ? J’entends rien, je ne vois que son visage à quelques centimètres du mien. Elle a fermé les yeux et ses lèvres bougent sans lâcher le moindre son. Je ferme les yeux à mon tour, j’essaie de me concentrer sur la chaleur de son front. Je repense à monsieur Morin, mon professeur de français de quatrième, je ne sais pas trop pourquoi. Je l’aimais bien, il avait une voix chaude, avec un fort accent du sud-ouest. J’essaye de me rappeler ses leçons. Les souvenirs m’emportent quelques instants et j’oublie le présent.

C’est le bruit de la porte d’entrée qui me ramène. J’ouvre les yeux. Nowa est toujours comme en transe. Merde ! Elle est surtout toujours à poil.

– Chéri ? Tu es là ? Je repasse juste chercher une veste pour ce soir, je sors avec Myriam et Sophie.

Nowa ouvre les yeux et semble perdue, elle montre un peu les dents. J’avoue que pour le moment, alors que je me précipite vers la porte de la chambre, ne pas brusquer son petit cœur d’extraterrestre est le dernier de mes soucis. Je claque derrière moi et tombe nez à nez avec Claire, en haut de l’escalier.

– Bah tu es là, doudou, je t’ai réveillé ?

Elle m’embrasse et avance vers la chambre, je la retiens.

– Attends, non, je vais te chercher ta veste moi-même.

– Mais enfin c’est ridicule, tu ne sais même pas laquelle je veux.

– La violette, c’est celle qui te va le mieux.

– Clément ? Qu’est ce qu’il y a dans cette chambre ?

Merde, trouve quelque chose, vite, quelque chose de bien.

– C’est le désordre, je n’ai pas fini de ranger.

Non, pas ça, c’est nul, merde.

– Tu ne ranges jamais, qu’est-ce que tu me caches ?

– Je voulais te faire une surprise pour ce soir, s’il te plaît, je veux juste garder la surprise, je n’ai pas fini de tout installer. Dis-moi juste quelle veste tu veux.

Elle hésite, la main sur la poignée, je la supplie du regard. L’instant semble s’éterniser.

– Tagalom, Clamon, Nowa bradaboum ?

Et merde !

Claire me fusille du regard et enfonce la porte pendant que je me frappe le front de la main. Évidemment Nowa est toujours à poil, elle a même trouvé le moyen de grimper sur le lit ; elle s’y tient debout, dans toute la splendeur de sa nudité. Elle regarde Claire avec curiosité. Claire en rogne, Claire qui va bientôt exploser.

– Putain ! Mais t’es qu’un sale connard. Je te croyais différent. Je t’ai même cru avec ton histoire de surprise.

– Claire, écoute, ce n’est pas ce que tu crois…

– Clamon palom tri kanaw ?

– Putain, et c’est qui cette pute ? Depuis quand t’aimes les blondes, toi ?

Nowa s’approche et, oh non pas ça, elle se tripote les nichons.

– Malawa kitilom Nowa, tagalom Clamon.

Claire me jette un regard de haine et de dégoût qui me brise le cœur.

– Mon amour, ce n’est pas du tout ce que tu crois, il ne s’est rien passé du tout...

– Et pourquoi elle se caresse les boobs en disant ton nom, vas-y ?

– C’est une extraterrestre. Claire non, je te le jure, s’il te plait, s’il te plait, je sais que c’est incroyable, mais je te le jure, je t’ai jamais menti.

– Lâche-moi Clément, tu me fais mal. Tu me dégoûtes.

Elle dévale l’escalier à tout vitesse, m’abandonnant là, sans mots. La porte claque. Je me laisse tomber au sol, sur le parquet. Je m’en veux. Putain, pourquoi j’ai pas simplement appelé les flics ? Ce n’était pas à moi de m’occuper de cette, de cette fille. Justement, comme si elle a deviné que je pensais à elle, Nowa sort de la chambre. Vêtue du peignoir. Je lève les yeux vers elle. C’est maintenant qu’elle décide de s’habiller ?

– Merci pour le peignoir, Clément.

– Quoi ? Tu parles notre langue ?

Elle s’approche et m’ébouriffe les cheveux en souriant.

– T’es mignon. Bon je te laisse, j’ai encore deux couples à détruire, aujourd’hui.

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