Partie 6 - 2

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 L’attente est parfois pire que la fuite. Nous scrutions les cieux, tour à tour, cachés dans un renfoncement d’une montagne d’Ition-g. D’un côté, nous étions chanceux, les conditions météorologiques restaient clémentes, nous avions moins froid et nous avions une vue dégagée sur la zone. En face, un autre versant était éclairé par les rayons de l’étoile Ition, qui faisaient jouer les ombres des nombreux rochers et révélaient de sublimes strates dans un superbe dégradé de gris. En bas, la vallée verdoyante de vie chlorophyllienne cachait en son sein la petite rivière dont nous avions remonté le courant. Puis le gris de la roche reprenait le dessus jusqu’à nous. Quelques animaux-roche avançaient doucement et vaquaient à leur immuable quotidien. Mon tour de garde prendrait bientôt fin. Le cube de ravitaillement n’avait toujours pas percé les rares nuages ni brillé par le reflet des rayons itionnais. J’étais déçu.

 Mon remplaçant commença à s’installer. Son visage ne trompait pas. La fatigue se lisait dans chacun de ses traits. Pourtant, il esquissa un léger sourire en me voyant. Je n’eus pas besoin de lui faire un rapport détaillé, car il se doutait qu’à part le spectacle de la nature, rien ne s’était passé de notable. Quand soudain, il pointa du doigt une suite de gros rochers placés comme des pointillés entre le sommet nous faisant face et reliant la vallée. Tout en m’appuyant sur la paroi, je plissais mes yeux machinalement comme si cela m’aidait à grossir l’image.

 Des colons ! Un petit groupe de cinq ou six individus descendait vers la vallée. Au même moment, le ciel offrit enfin son présent. La minuscule tache noire d’un objet lointain se détachait du fond blanc du ciel itionnais et brillait par intermittence. Les parachutes s’ouvrirent en bout de course, d’un blanc immaculé, ralentissant nettement sa descente avant qu’il ne plonge dans la végétation en contrebas. D’une tape sur l’épaule, mon compagnon m’indiqua qu’il allait prévenir les autres. Il fallait faire vite, d’autres colons avaient repéré la livraison et seraient sur le site du cube de ravitaillement bien avant nous. Dans l’état de désespérance où nous nous trouvions, j’espérais que la raison l’emporte encore sur d’anciennes prédispositions de l’humain à la violence. Mais déjà, j’entendais quelques-uns de mes compagnons déclarer :

 « Ils ne vont pas mettre leurs sales pattes dessus ! C’est notre cube de ravitaillement ! » 

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