Partie 3 - 1

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 Nous préférions de loin notre espace exigu à bord du Markind. Après avoir été scannés de part en part par le MART-MKD, nous avions été séparés. Pas un seul au revoir n’avait été possible. Le mélange avait savamment été organisé. Les hommes séparés des femmes et aucune décurie au complet. Ils étaient même allés jusqu’à mixer les compétences. Ainsi mes compagnons étaient disséminés à travers tout le camp embryonnaire Alpha. Les habitats correspondaient heureusement aux standards des colonisations. Elles offraient un confort correct. Nous n’avions pas de problème pour nous alimenter en eau et en nourriture. Les synthétiseurs et les recycleurs fonctionnaient à plein régime. Pourtant, nous étions profondément désespérés. Notre quotidien était répétitif au possible. Mes missions se résumaient en l’établissement et la vérification des raccordements énergétiques entre les différentes structures. Chaque sortie se déroulait selon le même protocole : pas plus de deux, chacun en combinaison lourde. Ainsi, ils s’assuraient que nous ne pouvions nous enfuir aisément. De plus, les communications audio étaient unidirectionnelles, seul le centre de contrôle donnait ses ordres. Je ne pouvais pas correspondre avec qui que ce soit. Les premières sorties étaient très difficiles à vivre. Nous portions notre propre prison mobile. Pour s’assurer de notre efficacité, nos sessions de travaux forcés étaient notées. Selon notre notation, nous étions affectés à telle ou telle mission.

 Le retour dans notre tente avait donc un léger goût de liberté. Notre environnement s’arrêtait à la tente elle-même. Pourtant, Ition-g était totalement propice à l’être humain. Une légère phase d’humaniformation avait été nécessaire pour préparer les corps à une gravité un peu plus forte que sur Belgi. La composition de l’atmosphère avait aussi demandé de légères adaptations des capacités respiratoires. Pourtant, nous évoluions à sa surface comme en terrain hostile, avec nos combinaisons lourdes comme boulets. Nous parlions peu entre nous. Nous savions que nous étions écoutés, filmés, scannés en permanence. Seuls notre sommeil et les rares rêves que je faisais me libéraient du joug de nos geôliers. Je les regrettais presque, surtout quand ils éveillaient en moi les désirs humains les plus profonds.

 Malgré tout, l’Homme étant un animal social, la nature reprit le dessus sur la situation. Je ne sais plus qui avait initié le processus, ni comment, et avec quoi, un langage simple et fonctionnel était né. De petits signes, des alignements d’objets. Peu à peu, nous échangions les uns les autres, certes de façon basique. Mais les informations évoluaient : l’humeur du moment, les conditions météorologiques. Par exemple, un de mes compagnons d’infortune exprima une pluie en nous jetant des gouttelettes à partir de son gobelet. Les couverts autour d’une assiette nous donnaient l’idée du nombre de robots tactiques MART-MKD observé dans la journée. Notre imagination était débridée. Cependant, nous restions vigilants. Si nous montrions trop d’affinités, nous serions transférés. Ce fut le cas peu de temps après mon arrivée. Deux hommes devenus rapidement amis avaient été séparés. Le moment avait été un déchirement. 

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