Chapitre 59. Le retour de la madeleine.

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Voix off

- Trinity, Trinity !

- Oui Morphéus ?

- Nous avons gagné, dit la voix masculine.

- Et cela n’a pas été facile, relativise la voix féminine.

Dans l’étroit vaisseau spatial, qui glisse à une vitesse proche du dixième de celle de la lumière, un silence se fait. Il ne dure que quelques secondes à l’échelle du vaisseau, bien plus longtemps sur Mars, leur point de départ : subtile mystère de la physique relativiste.

Trinity reprend :

- On va avoir le temps de discuter.

- Combien de temps, demande la voix masculine ?

- En temps relatif trente ans !

- Mais, ils sont vraiment obligés de nous mettre dans ce caisson ?

- Je t’ai déjà expliqué, soupire la voix féminine. Quand nous approcherons du trou noir, tout va aller très vite , et si nous passions notre temps à dormir, cela serait la catastrophe. On serait incapable d’être efficace : le pilotage automatique a ses limites !

- Oui, et de l’autre côté du trou noir, il y a encore des années de voyage, donc la vie au ralenti est nécessaire, je sais, soupire la voix masculine. Mais trente ans, mon dieu trente ans, cela va être long !

Un nouveau silence.

Morphéus reprend :

- Tu n’as pas tort, cela n’a pas été facile.

- Dès le départ Zion nous a mis en garde : l’ennemi avait pris de l’avance, rappelle la voix féminine.

- Mais cette gamine, Sakura, elle était insignifiante, rétorque Morphéus.

- Pas tant que cela, sinon l’ennemi ne l’aurait pas choisie ! Elle fut la première contaminée, insiste Trinity.

- Ils étaient déjà repartis ?

- Bien sûr ! Tu sais comment l’ennemi procède : on diffuse un virus qui crée ou accentue les délires psychotiques, puis on laisse agir.

- Les terriens auraient pu le détecter, objecte la voix masculine ?

- Aucune chance : la notion de virus psychique n’existe pas encore sur terre !

- Heureusement qu’on était là , sans nous…

- Mais non, tu n’y es pas, pouffe la voix féminine ! On était la seule patrouille dans le coin, et Zion avait été pris au dépourvu . Cesse de te prendre pour un héros !

- On a fait tout le boulot, et tout seul, insiste la voix masculine, sans nous…

- Mais n’importe quelle autre patrouille aurait fait l’affaire : tu as fait ton job, et c’est tout !!

Un long , très long silence se fait.

Trinity relance la conversation :

- Tu boudes toujours ?

- Non , je réfléchis ! Dans cette histoire, il y a des trucs qui m’échappent ! Sakura, je ne comprends pas, comment elle a pu contaminer le monde entier.

- C’est simple explique la voix féminine, l’ennemi la repère et elle joue le rôle du patient 0 !

- Et après ?

- Après, le réseau internet diffuse le virus psychique : c’est une attaque classique.

- La première, demande la voix masculine ?

- Non, la dernière avait un siècle, lors des régimes totalitaires, mais avec Internet, tout a été bien plus rapide !

- Et Townsurvival, c’est l’ennemi ?

- Non c’est Sakura, enfin je pense, répond Trinity. Mais je pense aussi qu’elle n’y a vu qu’un moyen de pirater le réseau, elle n’a pas vu ce qui se cachait derrière l’application : un canal de diffusion du virus.

- L’ennemi ne s’est pas fatigué, remarque Morphéus.

- Pour eux, comme pour nous, la Terre est une planète insignifiante : dans une guerre, il faut économiser ses forces !

- Dans l’absolu, nous aussi on a fait service minimum.

Dans un caisson frigorifié, un fou rire télépathique n’est guère audible ! Désolé, chère lectrice, et cher lecteur. Mais revenons à cette conversation qui doit éclairer votre lanterne.

Morphéus relativise :

- On a pris deux, trois personnes, au hasard, c’est tout !

- Tu racontes n’importe quoi, il fallait des fécondateurs compétents, pour les filles de zion ! Des hommes comme toi !

- Ah enfin un compliment !

- Tu as tout fait pour le provoquer, soupire la voix féminine.

- Remarque Zion s’était trompé, en mariant Elaine avec Eric.

- C’est le problème du programme informatique : Philippe et Gustave c’est nous qui les avons repérés !

- Valérie c’était aussi une erreur, remarque la voix masculine.

- Pas vraiment, sans elle on perdait Elaine !

- Bref les hommes sont indispensables !

- Ce sont surtout des idiots utiles, ironise la voix féminine.

Vexé Morphéus se tait.

Trinity reprend :

- Tu ne vas pas te taire pendant 30 ans ?

- Tu n’as pas tort, concède la voix masculine, Monsieur K, n’y a vu que du feu, heureusement que Gustave est plus malin !

- Oui et non : la sœur aînée de Claire part pour Paris, elle rencontre un homme et il met un temps fou à faire les liens !

- Pour Philippe,c’est pire ! On n’a pas cessé de le faire vivre dans un univers électronique artificiel, dans le café, durant les trois mois dans l’abri et il a tout gobé !

- Tu es injuste, rectifie la voix féminine, il a vu Néo, il a perçu nos voix, il a vaincu le virus et il a sauvé Elaine ! C’est pas mal !

- Mais pourquoi sauver les autres, s’étonne la voix masculine ?

- Je t’ai déjà expliqué : nos alliés ont besoin de sang neuf et cela ne nous coûte rien : ils fournissent les vaisseaux. En attendant leur arrivée et le grand exode, ils ont la base martienne, pour la mise en quarantaine des terriens.

Morphéus réfléchit un instant puis remarque :

- Oui, mais importer des millions de terriens contaminés : c’est insensé !

- Mais non, reprend patiemment la voix féminine, loin de la Terre, le virus ne peut pas survivre ! Et tout le monde est vacciné, à présent.

- Le Bien a vaincu le Mal !

- Absurde, pour l’ennemi le Mal c’est nous, rectifie la voix féminine !

- Mais les terriens ne se doutent pas qu’il faudra des siècles pour aller chez nos alliés.

- Aucune importance, il y a des enfants !

- Mais ils vont oublier notre peuple, regrette la voix masculine.

- Non, il y a Elaine et Claire, puis leurs enfants, les enfants de leurs enfants et ainsi de suite : notre peuple va se mélanger avec les terriens.

- Eh bien, conclut la voix masculine, je me mangerais bien une madeleine.

- Désolé il faut attendre trente ans pour un vrai repas. Et, te connaissant, tu seras bien capable de lui trouver un goût de … caoutchouc !

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