66. Un bisou ou une coulée

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Julien

Installé sur une serviette de bain, j’observe Albane étaler de la crème solaire sur le dos de Gabin à quelques mètres de là. Moi aussi, j’aimerais bien avoir droit à ses caresses, en version beaucoup moins sage. Sophie a lâché son habituel livre pour se baigner avec nous, mais elle est maintenant plongée dans un bouquin sur l’accompagnement d’enfants en institution. Je crois que je vais devoir me faire à l’idée qu’elle finira du mauvais côté : celui de la flicaille. Heureusement, je ne doute pas qu’elle sera davantage de la trempe d’une Albane, d’une Jamila ou d’une Emmanuelle que de celle d’un Jordan.

Les vacances scolaires ont commencé depuis une semaine, l’été est bien installé, avec le soleil et la bonne humeur. Victorine m’a accordé mon samedi, et nous passons le weekend à Honfleur, tous les quatre. Un petit Airbnb pas cher, deux jours en compagnie de notre éducatrice sexy, en maillot de bain. Ouais, le kif, tout simplement. Satané maillot de bain qui me met à l’étroit dans le mien… Je meurs d’envie de tirer sur le petit nœud entre ses seins pour savoir si cela me permettrait d’ouvrir mon cadeau.

Gabin s’installe sur le bord de ma serviette et entame un château de sable, et Albane vient poser ses jolies petites fesses à mes côtés.

- Je n’ai pas le droit à la crème dans le dos, moi ?

- Tu ne l’as pas demandé, Papa Ours.

Qu’elle est belle, bon sang… Ses cheveux sont attachés haut sur sa tête, son cou est à portée de ma bouche et j’irais volontiers la chauffer rien qu’en l’y embrassant. Elle adore ça. Genre, vraiment beaucoup. Elle frissonne toujours quand je le fais, se love contre moi et gémit de bonheur, de ce doux son qui me fait bander illico. Sa poitrine est engoncée dans un haut de maillot de bain blanc qui lui fait un décolleté à mourir… Le bas, noir, est plus sage avec sa taille haute, mais le tissu moule divinement son joli postérieur à moitié exposé.

- Maintenant, je te le demande…

- Maintenant, c’est trop tard Monsieur Perret.

Albane dépose un rapide baiser sur ma joue en posant sa main sur ma cuisse, avant de s’allonger sur le dos. Je capture sa main alors qu’elle l’enlevait, et noue mes doigts aux siens, entre nous deux. Je ne sais pas si les enfants peuvent le voir, mais ils ne sont pas stupides, ils ont forcément observé notre rapprochement. Sophie, particulièrement, et elle ne s’en est pas cachée puisqu’il lui arrive de faire des réflexions, jamais désagréables heureusement, sur ma tendance à sourire comme une andouille quand Albane est dans les parages. On est bien loin de l’époque où elle faisait la tête à Albane.

C’est un portrait de famille ordinaire que nous offrons aujourd’hui. Bien loin du CHRS, de nos rôles respectifs. Seulement Albane et moi, avec deux enfants qui pourraient être les nôtres, même si le blond de leurs cheveux n’est pas très représentatif du brun des nôtres. Je sais que leur mère manque aux enfants, même si Sophie est davantage capable de comprendre la situation et lui en veut énormément. A son âge, avoir sa maman est essentiel, et je suis heureux qu’elle puisse s’appuyer sur Asma et sur Albane, si besoin. Voir ma fille proche de notre éduc me réjouit, c’est du souci en moins à se faire. Elles ont bien des points en commun, toutes les deux. En revanche, le fait de quitter le CHRS et de me retrouver seul avec les enfants me fait un peu peur. Non pas que je doute de ma capacité à m’occuper d’eux ; je le fais depuis un moment déjà. Mais ces derniers mois, nous avons été très entourés, et cette figure maternelle leur est nécessaire. Je ne suis pas sûr de pouvoir assurer dans le rôle des deux parents. Surtout avec Sophie. Il n’y a qu’à voir sa réaction et ma panique quand elle a eu ses règles pour la première fois ! Je n’ai clairement pas les épaules pour supporter ça. Qu’en sera-t-il lorsqu’elle aura un chéri ? A part sortir le fusil, je ne vois pas trop comment je pourrais lui parler de tout ce qui incombe à un parent dans ce genre de situations. Je ne serai pas à l’aise, et elle non plus.

Je suis perdu dans mes pensées quand Gabin me surprend en se tournant vers moi, les sourcils froncés, pour me poser une question qui fait sourire Albane à mes côtés.

- Dis, Papa, c’est quoi être amoureux ?

- Eh bien ! Quelle grande question ? Pourquoi tu me demandes ça, Poussin ?

- Parce que… A l’école, y a Zoé… Et elle veut qu’on soit amoureux.

Je suis rassuré, je pensais qu’il allait me demander des choses plus intimes vis-à-vis d’Albane et moi, alors que cette dernière s’amuse vraiment de mes réponses et de ma gêne.

- Ça veut dire que Zoé t’aime beaucoup et qu’elle tient à toi. Elle aimerait sûrement que tu lui prennes la main ou que tu lui offres de petits dessins. Tu comprends ?

- Oui, dit-il en hochant la tête. Un peu comme toi avec Albane ?

Albane à mes côtés éclate de rire. Je lui jette un regard noir, mais devant son apparent bonheur, je ne peux m’empêcher de fondre. Et ce n’est pas à cause de la chaleur du soleil. Pas du tout ! C’est juste ses yeux plein de joie qui me font croire à un avenir aussi ensoleillé que cette journée. Gabin est lui aussi tout sourire et je lui réponds en l’ébouriffant gentiment :

- Un peu comme moi avec Albane, oui. Je suis curieux de savoir ce qui t’a mis cette idée dans la tête ?

- Ben, réfléchit-il avec une moue adorable avant de lever les doigts au fur et à mesure qu’il énumère, tu rigoles avec elle, tu lui parles plus à elle qu’aux autres filles, tu lui fais des dessins, t’as déjà fait dodo avec elle et puis…

- Et puis, tu ne peux t’empêcher de toujours la toucher et l’embrasser dès que tu penses qu’on a le dos tourné, rajoute sa sœur que le rire d’Albane a sortie de son livre.

Je n’en reviens pas. Moi qui pensais avoir été discret, me voilà entièrement démasqué. Je regarde Albane qui n’a pas l’air plus gênée que ça par la situation. Elle hausse les épaules quand elle voit mon air interrogateur, créant ainsi un léger mouvement de sa poitrine qui exacerbe mon désir. Tout se ligue contre moi pour ne pas m’offrir de porte de sortie.

- Ah, et puis tu la regardes comme Gabin regarde un pot de glace au chocolat, aussi, rit ma fille.

- Ah non, là, je t’arrête, Choupette ! Personne ne peut avoir le même regard que Gabin quand il voit de la glace au chocolat ! Là, tu exagères !

J’essaie de m’en sortir par une pirouette, mais je me dis que cela ne va pas suffire. Et puis, s’ils sont au courant, il y a le risque qu’ils en parlent au CHRS et que nous soyons découverts. Et là, ce serait la catastrophe pour Albane et moi. Il faut que j’arrive à désamorcer la bombe.

- Et d’ailleurs, même si j’étais amoureux d’Albane, est-ce que ce serait un problème ? Ça vous gênerait ?

- Ben non, moi je l’aime bien Albane, dit Gabin avant de faire la moue. Mais c’est pas maman…

- Non, ce n’est pas maman, je soupire. Mais Albane n’est pas là pour remplacer maman, tu sais. Enfin, pas pour toi. Toi, tu auras toujours ta maman. Et j’espère que, quand elle ira mieux, tu pourras la revoir. Moi, j’aime beaucoup Albane, et je trouve qu’elle nous fait du bien à tous, n’est-ce pas Sophie ?

Je jette un regard à Albane qui joue avec ses lunettes de soleil en nous écoutant attentivement. J’ai noté qu’elle avait l’air légèrement plus tendue qu’avant suite à la mention de mon ex-femme. Je lui prends la main pour la rassurer et me tourne vers Sophie qui n’a manqué ni le regard que nous nous sommes échangés, ni mon geste tendre à son égard.

- Moi je veux plus la voir maman. C’est une folle qui ne pense qu’à elle et c’est à cause d’elle si on est dans la merde maintenant. Albane, au moins, elle s’occupe de nous alors qu’elle…

- Sophie ! Ne parle pas comme ça de ta mère devant Gabin ! Tu dois la respecter, même si elle a déconné. Et là, on ne parle pas d’elle, on ne parle pas du passé. On parle de l’avenir. Et je sais que la situation n’est pas facile. Mais les choses s’améliorent. Et avec Albane à mes côtés, j’ai l’impression que ça peut encore être mieux, tu ne crois pas ?

- Arrête, je vais finir par prendre la grosse tête, rit Albane. Je ne remplacerai jamais votre maman, mais j’ai de l’amour à revendre alors n’hésitez pas à en prendre, c’est gratuit, comme les câlins et les bisous.

- Albane, il faut que tu leur fasses une démonstration ! Allez ! Tout le monde vient faire des câlins et des bisous à Albane ! Gabin, Sophie, aidez-moi !

Et je me précipite sur elle pour la pousser contre le sable. Ma bouche vient lui faire plein de bisous sur les jambes pendant que Gabin qui m’a suivi se jette dans ses bras et lui fait un énorme câlin. Même Sophie se joint à nous et vient se jeter en riant sur notre amas de corps. C’est la fête, la joie, alors que l’on était parti sur de mauvaises bases. Albane nous illumine de son rire, de ses mots, de sa présence. Avec elle, la vie est magnifique. Elle nous apporte le bonheur, et je crois que mes enfants s’en rendent compte autant que moi.

- Allez, tout le monde à l’eau ! Le dernier à l’eau est une poule mouillée !

Je me relève et profite de ma position pour me lancer le premier vers la mer qui nous attend.

- Aïe ! Julien, attends ! Je me suis tordu la cheville, bon sang !

Je laisse les enfants courir vers l’eau et abandonne la victoire qui m’était promise pour revenir vers Albane. Je me penche vers elle pour l’aider à se relever.

- Ça va ? Tu t’es vraiment fait mal ou c’est juste pour que je vienne te faire un petit massage de la cheville ?

- Non, j’ai super mal arrête, grimace-t-elle. Regarde, je crois que ça bleuit déjà…

Je me penche vers elle et saisis sa jambe entre mes mains. Je me montre aussi délicat que possible et je vois en effet qu’elle s’est fait un peu mal. Pourtant, je me retrouve sur les fesses en un rien de temps quand elle se sert de son pied pour me pousser, avant de partir en courant vers l’eau en riant. Pas si douloureuse que ça, finalement, sa cheville, même si elle boitille légèrement.

Je me relève sous le regard hilare de mes enfants et d’Albane qui les a rejoints. Je les entends se moquer de moi alors que je me rapproche lentement, tel un ours blessé. Dans son amour propre, mais blessé quand même.

- Papa a perdu ! Papa a perdu ! C’est lui la poule mouillée !

- C’est honteux cette triche manifeste ! Je demande un gage pour la tricheuse !

- Je n’ai pas triché, me répond-elle dans un sourire. J’ai utilisé mon intelligence et ton petit cœur sensible pour retourner une situation qui était à mon désavantage !

Elle est tellement craquante avec son petit minois que je me rapproche d’elle et l’enlace, puis d’un petit air malicieux, je lui lance :

- Pour me venger, je vais te jeter à l’eau !

- Non, non non ! Fais pas ça, j’ai peur de l’eau je te rappelle !

- Un baiser ou une coulée ! Je te laisse le choix !

Albane regarde les enfants à nos côtés et semble hésiter. Pour la décider, je me mets à balancer son corps au-dessus de l’eau.

- Décide vite !

- Arrête, arrête ! C’est du chantage, Perret ! Je ne te félicite pas !

Tant pis, elle l’aura voulu. Alors que je prends mon élan pour la mettre dans l’eau, je sens tout à coup sa bouche se poser sur ma joue, furtivement, ce qui me stoppe dans mon mouvement.

- C’est tout ce dont tu es capable ?

- Pas devant les enfants, Monsieur Perret, murmure-t-elle en rougissant légèrement.

Vu ce que les enfants ont dit, je ne pense pas qu’ils seraient choqués par un baiser. En plus, j’en meurs d’envie. La sentir tout contre moi, collée à mon corps, ça me rappelle trop notre dernière étreinte où nous avons fait l’amour debout, dans ma salle de bains. Sans un regard pour ma progéniture qui s’amuse à s’éclabousser, je saisis doucement les lèvres d’Albane et les embrasse tendrement.

- Un bisou !!! Un bisou !

Albane me repousse tout de suite et se tourne, un peu gênée, vers Sophie qui vient de nous griller en train de nous embrasser. Elle reste néanmoins enlacée dans mes bras avant de rétorquer à ma fille :

- Viens-là, que je t’en fasse plein, des bisous !

- Seulement si c’est pas sur la bouche !

- Ah oui, non, rit Albane, promis !

Ma fille vient nous rejoindre et elle colle son corps tout froid contre le nôtre. Je redépose Albane dans l’eau et elle vient déposer un doux bisou sur la joue de ma fille en lui souriant alors que Gabin demande lui aussi son baiser.

Le reste du weekend est de la même trempe. Nous profitons tous les quatre, dans la joie et la bonne humeur. Et, une fois les enfants au lit, Albane et moi profitons l’un de l’autre. Quand elle s’endort, nue dans mes bras, je ne peux m’empêcher de l’admirer, la contempler. Quelle joie c’est de passer tous ces moments avec elle ! Quel bonheur je ressens de vivre avec elle ! J’ai bien eu mon baiser tout à l’heure, sur la plage, mais je crois que je suis quand même en train de couler. Au cœur d’un puits d’amour tellement profond que je ne pourrai jamais m’en sortir.

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