19. Pasta et mascara

15 minutes de lecture

Albane

Je quitte mon appartement en panique, en retard, et je déteste ça. S’il paraît que les travailleurs sociaux sont toujours à la bourre, je mets un point d’honneur à ne jamais l’être, pour ma part. Bon, certes, le contexte est différent. On ne peut pas dire que je parte au travail… Quoique. Qu’est-ce qui m’a pris, sérieusement ? Voici quinze jours que je maintiens une distance professionnelle idéale, un comportement normal pour une éduc face à son résident. Pourtant, quand il est venu me voir, hier soir, paniqué parce qu’il avait oublié un cadeau pour Sophie, je lui ai proposé, sans même réfléchir, que nous nous retrouvions au centre commercial pour lui donner un coup de main. Imaginez deux secondes un Papa Ours choisir du maquillage pour sa jeune adolescente ? Vous riez ? Parce que moi oui. Je meurs d’envie de le voir perdu dans le rayon. Pas pour me moquer de lui non, juste pour profiter de son regard perdu, de son côté bougon et de son agacement certain, ce dernier n’étant, pour une fois, pas dirigé contre moi.

Non, ce n’est pas professionnel. Mais l’intention n’est pas d’être en tête à tête avec lui à des fins personnelles. Promis. Qu’importe si notre complicité me manque. Pour le peu de temps où nous l’avons eue, je m’en passerais, pour qu’il garde sa place, et moi mon boulot.

Je me retrouve donc à rejoindre le centre commercial, très certainement archi-bondé étant donné que nous sommes le vingt-quatre décembre, au pas de course. Ou presque. Avec mon sac à main, et un sac à dos dans lequel j’ai glissé ma tenue pour la petite fête de ce soir. Heureusement que je n’ai pas eu la brillante idée de mettre mes talons avant ce soir, j’aurais certainement fêté Noël à l’hôpital sinon !

Julien est adossé au mur près de l’entrée, le nez sur son téléphone, lorsque je me plante devant lui. Julien ? Monsieur Perret ? Papa Ours ? Je ne sais plus quoi choisir. Pic nic douille…?

- Bonjour Julien… Excusez-moi pour le retard, j’ai fait au plus vite…

- Bonjour Albane. Encore merci d’être venue. Vous me sauvez la vie ! Vous voulez manger avant ou après avoir trouvé le maquillage ? Je ne retourne à la librairie qu’à quinze heures.

- Comme vous préférez, c’est vous qui vous êtes levé tôt, personnellement j’ai petit-déjeuné il y a peu.

- Alors, commençons par le plus désagréable. Le shopping. Et à cette heure-ci, il devrait y avoir un peu moins de monde. On pourra se réconforter après en mangeant ensemble. Et je vous invite, bien sûr. C’est la moindre des choses après le service que vous me rendez.

Je lève les yeux au ciel en soufflant. Comme si c’était nécessaire. Je préfère ne pas répondre et le tire à l’intérieur par la manche de son manteau, pressée d’en finir avec la corvée de shopping. Je déteste le shopping, plus que tout je crois. Et un vingt-quatre décembre, c’est juste un cauchemar. Comme je le soupçonnais, tout le monde semble s’être donné rendez-vous pour les cadeaux de dernière minute, et nous mettons un temps fou à gagner le rayon cosmétique bondé.

- Elle veut quoi, exactement, Sophie ? Elle a précisé ? demandé-je en me plantant devant le maquillage.

- Euh… Un mot anglais… Un truc qui… se met sous les yeux ? Ou dessus ? Vous voyez de quoi je veux parler ?

- Absolument pas, ris-je. Eye-liner ? Mascara ? Fard à paupières ?

- Oui, c’est ça ! Eye-liner ! Je ne sais pas du tout ce que c’est. Vous pensez que ça irait pour elle ? Sinon, on lui prend autre chose. Un truc que vous mettriez. Vous avez toujours belle allure et vous êtes toujours bien mignonne, vous devez savoir ce qu’il faut acheter…

Il s’arrête dans ses propos, réalisant ce qu’il vient de dire et rougit immédiatement. Papa Ours est tellement mignon dans ces moments-là…

- Si vous voulez mon avis, dis-je après m’être raclé la gorge pour masquer ma gêne, elle est un peu jeune pour l’eye-liner. Ça sert à faire les traits, comme j’ai sur la paupière, vous voyez ?

Je ferme les yeux pour lui montrer, à deux doigts de rire devant le comique de la situation. Je le sens qui s’approche pour mieux voir et son souffle chaud me caresse le nez.

- Je vois oui. C’est joli, en fait. Ça vous va très bien. Mais c’est vrai qu’elle est jeune pour ça. On lui prend quoi alors ?

- Je pencherais pour le fard à paupières. En prenant une palette avec plusieurs couleurs, elle pourra faire un peu comme ça, mais ce sera beaucoup plus discret. Pardon, le fard à paupières c’est ça.

J’attrape une petite palette avec diverses couleurs pour la lui montrer.

- Je ne peux pas vous montrer, je n’en mets pas pour le coup, mais pour son âge, c’est bien, si elle n’en met pas trop.

- Je vois. C’est un peu comme une palette de peintre, mais l'œuvre d’art, ce n’est pas la toile, c’est vous, les femmes. Par petites touches, vous enjolivez ce qui est déjà magnifique… Il y a un mode d’emploi avec ?

- Monsieur est poète aujourd’hui, souris-je. Pas de mode d’emploi, mais des tutos sur Internet sans problème. Asma lui montrera sans souci si elle lui demande, d’ailleurs.

- Je ne suis pas sûr de vouloir demander à Asma… Elle me fait déjà assez d’avances comme ça. Vous ne pourriez pas lui montrer, vous ? Même si vous n’en mettez pas, vous devez savoir le faire, non ?

- Asma vous fait des av… Pardon, ça ne me regarde pas… Je… Oui, si elle veut, je lui montrerai, pas de problème.

Je soupire et me tourne vers le rayon pour masquer ma gêne. Le petit élan de jalousie qui m’a pris en l’entendant me dire qu’une femme le drague ne me plaît pas vraiment. Évidemment, j’ai bien vu qu’Asma était sous le charme. Tout comme Irina… Et à peu près toutes les femmes du bâtiment des familles, au moins. Mais savoir qu’il l’a remarqué me contrarie, alors qu’il n’y a pas de raison particulière à cela.

- Cette palette est bien, il y a plusieurs couleurs, pas trop tape à l'œil, assez discrètes. Elle n’est pas très chère.

- Plusieurs couleurs ? Pour des yeux ? Et moi qui pensais que seule la couleur de l’iris comptait… Enfin… Je vous fais totalement confiance sur la question. On l’achète et on va manger. Italien, ça vous irait ?

- Vous ne voulez pas qu’on se prenne un sandwich ? Ou un truc à la cafétéria ?

- Vous êtes pressée ? Je me disais qu’on pouvait passer un peu plus de temps ensemble, aujourd’hui. C’est Noël…

- Je… D’accord, si vous voulez. Ce sera la journée festin et kilos en plus sur la balance.

Quoi ? Encore l’humour ? Oui, je suis mal à l’aise. Parce que j’en ai envie. Parce que je redoute ce moment. Parce qu’on ne devrait pas. Et parce que je m’y engouffre malgré tout. Tous mes efforts sont réduits à néant, bravo Albane, sacrée volonté. Tu ne veux pas l’inviter à manger chez toi, tant qu’on y est ? Ou mieux encore ? Voilà que je pense à tout sauf à manger… Je suis sûre que mon canapé adorerait savoir ce que ça fait d’être utilisé pour autre chose que glander devant la télé ou un bouquin à la main. Quoique, plié, il ne serait pas très confortable.

Je fais demi-tour pour sortir du rayon et me diriger en caisse, me frayant un chemin parmi la foule de dingues qui passent leur jour de Réveillon à courir après les derniers cadeaux. Quelle idée, sérieusement ! Les caisses sont toutes blindées, nous obligeant à patienter, et je n’ose même plus le regarder, patientant devant lui en attendant notre tour. Je recule d’un pas quand la petite mamie devant moi repousse son chariot sans se préoccuper de ma petite personne et me retrouve contre le torse de Julien. Comme dans les films. Parce qu’il n’y a que dans les films que le mec derrière vous à la caisse est canon, genre tout droit sorti d’une Pub Calvin Klein. Je n’ose plus bouger, coincée entre Papa Ours et Mamie qui me colle son chariot dans le ventre. Julien n’a pas l’air gêné par la situation. Il passe ses bras autour des miens afin de me maintenir contre lui, créant ainsi un peu plus d’espace avec la mamie.

- Vraiment désolé de vous faire vivre ça, Albane… Promis, je vous revaudrai ça.

Comme si c’était le bagne… Il y a des lustres qu’un homme ne m’a pas touchée ainsi. Juste, simplement, pris dans ses bras comme s’il cherchait à me protéger. J’ai le palpitant qui s’emballe et juste l’envie soudaine que le temps s’arrête. Laissez-moi ici, je vous en prie, juste là, entre ses bras. C’est doux, c’est chaud, c’est simple, agréable.

- J’ai bien compris que vous me faisiez payer le pull de Noël avec cette sortie aujourd’hui, dis-je en riant doucement.

- Je trouve la punition pas si désagréable que ça, me chuchote-t-il dans l’oreille.

- Ça pourrait être pire, en effet…

Je vous jure que je lutte pour garder le contrôle. J’ai envie, au mieux, de virer mon écharpe et de lui laisser libre accès à mon cou, juste pour sentir son souffle s’y écraser, ses lèvres s’y promener, sa barbe y frotter… Au pire… Je ne suis pas sûre que vous dire que je rêve de lui arracher ses fringues et de le supplier de me prendre sur le tapis de la caisse soit une bonne idée.

Nous finissons par passer en caisse et retrouvons enfin l’air libre, froid et revigorant de l’extérieur.

- Vous avez un restaurant en tête ? Vous connaissez un peu ici ?

- Je ne connais pas trop, non. Mais Tripadvisor m’a donné une bonne adresse. Un endroit un peu discret, cuisine familiale et surtout, le meilleur tiramisu de la ville en dessert ! C’est à deux minutes d’ici.

- D’accord… Vous êtes sûr que ça vous convient ? Je veux dire… La cafétéria me suffit amplement, vous savez.

- J’ai envie de vous faire plaisir, Albane. J’ai envie aussi de me faire plaisir. Rien de tel qu’un bon dessert pour ça ! Et en plus, la vieille libraire m’a donné une prime pour Noël. Il faut bien que je l’utilise à bon escient, non ?

- Oui, sans doute. Allons-y alors.

Je lui souris et l'enjoins à me devancer, mais il passe son bras sous le mien et nous entraîne dans une rue parallèle au magasin jusqu’à s’arrêter devant une petite devanture pittoresque. Il s’agit d’un petit resto dont le nom : La pizza della Famiglia sonne comme une invitation. Il me précède à l’intérieur en donnant son nom pour la réservation et le serveur, un jeune homme d’une vingtaine d'années, nous emmène dans la cave voutée, en pierres. Le décor est romantique à souhait et je commence à regretter d’avoir accepté cette invitation. Comment calmer mes hormones dans un tel cadre ?

J’enlève mon manteau après avoir déposé mes sacs et m’assieds en observant les lieux, décorés à l’occasion des fêtes de fin d’année.

- C’est superbe, je ne connaissais pas.

- J’espère que ça vous plaira. En tous cas, ça me fait plaisir que vous ayez accepté mon invitation. Et je vous propose, pour ce midi, d’oublier que vous êtes mon éduc. Passons juste un bon moment, en tant qu’adultes. Le reste reprendra place après, mais je veux juste profiter du moment… Et de la nourriture qui, je l’espère, sera bonne !

- Je ne sais pas si je suis capable de faire ça, Julien, honnêtement, soupiré-je. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque, mais...

Il pose alors sa main sur la mienne en plongeant son regard bleu dans le mien. Ce contact, en peau à peau, me donne instantanément envie de plus et je réprime une envie certaine de lui sauter dessus. Je ne me reconnais pas, c’est n’importe quoi.

- Ne vous en faites donc pas. Soyez naturelle. Discutons, parlons de tout et de rien. J’ai besoin de cette normalité, Albane. Juste ce midi.

- Vous trouvez ça normal, vous ? Parce que personnellement, je n’ai pas connu les restaurants en tête à tête depuis… Six, sept ans sans doute…

Je détourne les yeux, me morigénant de repenser à cette époque autant que de me dévoiler, ne serait-ce qu’un peu. J’ai l’impression d’être sur un immense terrain miné à cet instant. De quoi va-t-on parler ? Et puis, c’est quoi, la normalité ? La mienne, c’est d’aller bosser, de côtoyer des gens plus en galère que moi, de rentrer retrouver mon chat, de lire, de dormir, et de retourner bosser.

- De quoi voulez-vous parler ? ajouté-je pour éviter tout questionnement sur ma remarque précédente.

- Eh bien, pour commencer, vous préférez quoi ? Pizza ou pâtes ? Et, pour info, je ne bois pas d’alcool, mais n’hésitez pas à prendre un verre de vin si le cœur vous en dit.

- Ma balance me dit de prendre une salade, mais je ne dirais pas non à un bon plat de pâtes. Sans alcool pour moi non plus.

- Votre balance se trompe, croyez-moi ! Prenez donc les pâtes ! Et choisissez bien car je prends la même chose que vous !

- Attendez, vous plaisantez ? ris-je. Vous vous rendez compte de la pression que vous me mettez, là ?

- Bien, je choisis pour vous alors. Comme ça, plus de pression. Les pâtes aux quatre fromages, c’est bon pour vous ?

- Oh là là, vous voulez que je rentre au CHRS en roulant ou quoi ?

- Je suis gourmand, que voulez-vous ? Mais si vous préférez une salade, je m’inclinerai…

- Ah non, pas maintenant que vous m’avez parlé de pâtes aux quatre fromages !

Il éclate de rire et commande avant de continuer la conversation :

- Vous voyez que ce n’est pas si compliqué, la normalité !

- Chacun a sa vision de la normalité… Ceci n’est pas ma normalité, mais je peux m’adapter à la vôtre ce midi.

- Sinon, vous comptez faire quoi pour les fêtes ? Vous avez des congés ?

- Je suis en congés après le premier de l’an. Priorité aux collègues qui ont des enfants, je laisse volontiers ma place.

- Et vous allez retrouver votre famille ?

- Non, il y a bien longtemps que je ne fête plus Noël avec mes proches… Et vous, vous allez partir quelques jours ? Sophie et Gabin parlent souvent de leurs grands-parents…

Oui, j’élude. A quoi bon lui dire que je n’ai quasiment plus aucun contact avec mes proches depuis bientôt trois ans ? Un message par-ci, un appel par-là. Ils ne sont pas au courant que je suis revenue dans le coin. Je ne peux pas leur avouer tout ce qui s’est passé, c’est terriblement honteux et je refuse d’entendre un “je te l’avais dit”.

- Non, ils habitent trop loin. On ira les retrouver une fois que j’aurai mon appartement et que j’aurai de vraies vacances. Là, le contrat à la librairie s’arrête dans une semaine et ensuite, je verrai bien. J’ai proposé qu’on les appelle en visio demain. Et puis, je ne vais pas vous abandonner si vous passez les fêtes seule…

- C’est bien aimable de votre part, souris-je. Ce sont… Vos parents ? Ou les parents de votre femme ? Enfin… Vous n’êtes pas obligé de me répondre, c’est très indiscret…

- Vous pouvez tout vous permettre ce midi, Albane. Et ce sont les parents de ma femme, oui. Je n’ai plus les miens depuis longtemps. A part mes enfants, je n’ai plus vraiment de famille. Mais je réalise que j’ai de la chance de les avoir. Sinon, la solitude serait terrible.

- Sans compter sur la flicaille, n’est-ce pas ?

Je lui fais un clin d'œil, souhaitant alléger l’ambiance. C’est très intime, trop sans doute, pourtant j’ai l’impression qu’il suffirait qu’il me pose les bonnes questions pour que je me livre comme je ne l’ai pas fait depuis des lustres.

- Vous savez, moi, je fricote avec la flicaille, il paraît !

- Il paraît que la flicaille apprécie, profitez-en…

Je le vois qui rougit à nouveau. Qu’il est beau quand il est comme ça, au naturel, sans filtre, sans colère… Et comme je fais n’importe quoi, à cet instant, sans penser au contexte, à ce qu’il ne faut pas faire.

- Et comment se fait-il qu’une jolie femme comme vous ne soit pas en couple ? Enfin, vous l’êtes peut-être, en fait. Désolé de ma maladresse… Je me rends compte que vous connaissez tout de moi et que je ne sais rien de vous…

Julien vise juste niveau questions. Je déteste mentir et ne sais pas comment m’en tirer sans avoir le nez de Pinocchio. Comment lui dire sans lui dévoiler une partie de ma vie qui me hante encore aujourd’hui et à laquelle j’essaie de penser le moins possible ? Comment lui dire que je préfèrerais encore m’enterrer vivante plutôt que de refaire confiance à un homme ? Dit-elle alors qu’elle se laisse draguer et flirte avec un homme… Je ne suis que contradictions.

- Je ne suis pas en couple, Julien… Disons que je préfère me contenter d’un chat et de mes bouquins après une séparation plutôt compliquée qui m’a fait comprendre que les hommes n’étaient pas faits pour moi…

- Ça ne fait pas les mêmes effets, un chat et des bouquins, rigole-t-il pour faire retomber la pression. En tous cas, je maintiens quand même ce que j’ai dit. Vous êtes superbe.

L’arrivée des pâtes m’empêche de pouvoir répondre et me permet d’apaiser le feu qui naissait sur mes joues. Il y a bien longtemps que je n’ai pas été complimentée de la sorte, et par là j’entends autrement que par des inconnus dans la rue qui lancent un “t’es bonne, bébé” ou autre truc indigeste qui me donne davantage envie de fuir en courant que de me lover contre l’auteur du compliment.

- Bon appétit, murmuré-je en lui souriant alors que je plante déjà ma fourchette dans le plat.

- Bon appétit, Albane, me répond-il en se jetant avec gourmandise sur son plat auquel il rajoute du parmesan.

Un vrai gourmand ! Qui dit mon prénom d’une façon tout à fait appétissante… Il faut vraiment qu’il arrête ça. Ou que, moi, j’arrête de focaliser sur sa voix rauque qui dit mon prénom comme… Comme je ne sais pas quoi, mais cela me fait un effet bœuf.

Regarder Julien manger est un tableau que je voudrais graver dans ma mémoire. Il a les yeux qui pétillent de malice et un sourire satisfait à croquer. Je ne suis pas en reste, si j’en crois la façon dont il m’observe et comme il bloque sur mes lèvres lorsque je pousse un gémissement de contentement. Elles sont fichtrement bonnes, ces pâtes, et non, je n’en rajoute pas.

La discussion se fait plus légère durant le repas, même si nous parlons des enfants, de son travail à la librairie, de ses galères avec Pôle Emploi. J’essaie de ne pas jouer l’éducatrice, d’être simplement à son écoute et de rebondir comme le ferait une amie qui en écoute un autre parler de son quotidien. Je lui confie quelques bribes de ma vie d’adolescente lorsqu’il se plaint de Sophie qui grandit trop vite, qui devient plus féminine, et qui le fait totalement paniquer.

- Alors, tiramisu, hein ?

- Oh oui, tiramisu, me dit-il en s’essuyant la bouche avant de me sourire.

- Je crois bien que je vais me laisser tenter.

- Excellente idée ! S’ils sont aussi bons que les pâtes, nous allons nous régaler !

J’espère bien. Je n’en ai pas mangé depuis une éternité. Ma mère adorait en préparer, et ses tiramisu sont les meilleurs que j’aie jamais dégustés.

Julien a raison, le tiramisu est délicieux, et la situation est bien trop érotique pour ma santé mentale. Vraiment, je dois être bien en manque pour que mon cerveau divague de la sorte. A la façon dont il déguste son dessert, dont il lèche sa foutue cuillère, j’ai presque envie de lui proposer de le manger à-même mon corps. Des images de lui en train de lécher chaque centimètre carré de ma peau s’impriment dans ma rétine et j’ai chaud, très chaud. Il faut que je me calme ou je ne réponds plus de rien.

- Albane, tout va bien ?

Merde, grillée en plus. Je rêve ou son sourire est presque diabolique ? Bon sang, cet homme ! Comment peut-il être froid comme la pierre et si brûlant à la fois ? Comment peut-il à la fois m’agacer et me plaire autant ? Comment est-ce que je vais pouvoir résister ? Je vais craquer, c’est sûr. Je ne sais pas où, je ne sais pas quand, je ne sais pas comment, mais je craquerai. Il me faut une heure d’un déjeuner tout à fait ordinaire, quoi qu’un peu trop romantique pour être normal, pour en avoir la certitude. Ça promet pour la suite.

- Tout va bien oui.

Je lui souris, savourant finalement ce moment de normalité auquel je n’ai pas tant besoin de m’adapter. C’est naturel, simple, sans chichi. Mais ça donne envie de plus, et ça, c’est interdit.

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