32. L'ours et ses femmes

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Julien

Je me réveille au petit matin, Albane dans mes bras. C’est la deuxième fois que cela m’arrive et je dois avouer que, comme la première fois, je n’ai qu’une envie, c’est de couvrir son corps de baisers et de caresses jusqu’à ce que le désir nous fasse oublier tout ce qui n’est pas nous. Je sens d’ailleurs mon érection matinale logée contre ses fesses et qui essaie de me convaincre que ce ne serait pas une si mauvaise idée que ça de faire glisser un peu plus son petit short pour la réveiller avec une surprise au fond d’elle.

Cependant, si nous avons réussi à ne pas craquer hier soir, ce n’est pas pour le faire ce matin, et surtout par surprise dans son sommeil. Elle a été claire là-dessus. Elle aussi a envie, enfin c’est ce que je crois avoir compris, mais nous sommes dans une situation où rien n’est possible. Et la priorité, ce n’est pas nos deux corps dont les hormones nous font revenir à l’adolescence, mais bien la situation de mes enfants. La mienne aussi, mais ça, ce sera pour plus tard, ou du moins l’un ne va pas sans l’autre. L’urgence est, là, de traiter le problème de ma fille. Elle a fugué hier soir… Je m’en veux de ne pas avoir pu voir les signes de détresse qui devaient exister, trop pris par mes problèmes personnels. J’ai oublié un instant que j’avais une immense responsabilité : assurer l’avenir de mes enfants et leur éducation. Est-ce qu’Albane avait raison lorsqu’elle disait qu’elle s’inquiétait pour ma fille ? Est-ce que, trop buté pour écouter une travailleuse sociale et prendre le risque que l’on me reproche mon incompétence en tant que parent, j’ai mis de côté la souffrance de ma fille ?

Je dégage doucement le bras qui se trouve sous la tête d’Albane en faisant tout pour ne pas la réveiller. Elle bouge un peu dans son sommeil, se retourne pour me faire face et continue sa nuit, paisiblement. Je ne sais pas à quoi elle rêve, mais ça a l’air plaisant vu le sourire qui se dessine sur ses lèvres. Avant de me lever, je l’admire dans la lueur du jour qui vient de se lever. Cette femme est une vraie déesse. Un canon de beauté. On dirait, avec son sein sortant légèrement de son tee-shirt, une représentation de la Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. Je me retiens de céder à mon envie de saisir entre mes lèvres ce téton qui dépasse et pourtant, je suis sûr qu’il durcirait vite sous ma langue… Et puis ses jambes sont un vrai ravissement. Dans un monde parfait, je me mettrais à caresser ses cuisses, à finir de la dévêtir pour commencer cette journée de la plus belle des manières qui soit, mais nous ne sommes pas dans un monde parfait. Je dois maitriser mes émotions et mon excitation et je finis par me lever, essayant de ne plus penser à cette magnifique femme avec qui j’ai passé la nuit. Bien trop chastement à mon goût.

Je me dirige vers la chambre d’Albane pour aller réveiller Sophie. Il ne faut pas qu’on traine trop si on veut être à l’heure à l’école. Il est horriblement tôt, mais il faut que l’on repasse au studio pour que Sophie puisse se préparer. Je m’arrête un instant pour regarder les photos affichées dans la pièce principale. Je sais, ce n’est pas bien de faire son curieux, mais comment résister ? C’est la première fois que je suis dans l’intimité de ma référente, et je ne vais pas me priver de découvrir tout ce que je peux ! Sur les photos, il y en a très peu avec Albane. La plupart montre des enfants en bas âge. Je ne sais pas de qui il s’agit. Sur une des photos, je vois une dame d’une cinquantaine d’années. Vu ses traits, je devine qu’il s’agit de la maman de notre hôte du jour. Si Albane vieillit comme ça, elle restera une femme splendide !

Je pénètre dans la chambre et je suis tout de suite attendri par le spectacle qui s’offre à moi. Ma fille est lovée contre le chat d’Albane, qui joue très bien le rôle du doudou. Majestueux, l’air de ne pas pouvoir être dérangé par quoi que ce soit, Cravate relève la tête et me regarde, comme si j’étais un serviteur venu déranger le pacha. Elle plisse les yeux et je ne peux m’empêcher de faire de même pour lui montrer que moi aussi, si je veux, je peux prendre l’air du noble que personne ne devrait déranger. J’ai presque envie, aussi, de lui grogner un coup dessus pour bien lui montrer qui est l’homme et qui est l’animal, mais je me retiens. C’est puéril comme attitude. Elle ne fait que vivre sa vie de chat !

Je viens m’asseoir sur le lit et je prononce doucement le nom de ma fille. Je me baisse et lui fais des petits bisous sur le front et sur les joues pour la réveiller. Elle ouvre rapidement les yeux et me serre fort contre elle. Toute cette agitation ne plaît pas au félin à poils longs qui se lève tranquillement et va s’installer près de la fenêtre pour terminer sa nuit. Il a l’air aussi dynamique que sa maîtresse le matin !

- Tu piques, Papa !

Je ris. Ma fille adore ma barbe mais elle m’a dit que quand elle aurait un amoureux, elle en prendrait un sans barbe parce qu’elle n’aime pas quand ça pique. Je m’amuse à frotter ma joue contre la sienne pour la faire rire, car je sais que c’est ce qu’elle aime. J’adore ces instants de complicité, mais ce matin, nous n’avons pas le temps.

- Allez, petite paresseuse. Lève toi. Et surtout, ne fais pas de bruit. Albane dort encore et il ne faut pas la réveiller. On va vite rentrer au centre et tu auras juste le temps de te préparer. Et surtout, ne râle pas. Si tu n’avais pas fait toutes ces folies hier soir, tu pourrais encore rester au lit au moins une demi-heure ! Je te donne cinq minutes pour mettre tes chaussures et venir me retrouver à l’entrée !

Je ressors pour la laisser finir de se réveiller et retrouver son sac et ses chaussures, puis finis de me rhabiller et sors mon petit carnet à dessins qui se trouve toujours sur moi. Je dessine un petit chat rapidement, très sommairement, mais je lui fais quand même un grand sourire sous ses moustaches et j’écris juste au dessus de lui :

Un grand merci à Cravate et sa maîtresse. Bonne journée et merci aussi pour ta gentillesse.

Je décroche la feuille et la pose sur le coussin près de la tête d’Albane. Je ne peux m’empêcher de déposer un tendre baiser sur son front avant de partir avec Sophie. Je rentre au CHRS et dis à Sophie de vraiment se dépêcher avant d’aller frapper à la porte d’Asma.

Elle m’ouvre, vêtue seulement d’une petite nuisette, dévoilant plus que de raison son corps. Je dois vraiment être malade car cette jolie vision n’a aucun effet sur moi. Je ne peux m’empêcher de la comparer à Albane et je n’ai d’envie que pour la jolie éducatrice. Pourquoi favoriser cet amour impossible alors que je pourrais trouver ce qu’il faut juste à la porte d’à côté ?

- Gabin est en train de se préparer pour l’école, Julien. Je vais l’appeler. Tu as retrouvé Sophie ? Elle était où ? Vous avez passé la nuit où ?

J’ai eu le temps de réfléchir sur la route à ce que je pouvais lui dire. Impossible de lui raconter la réalité des choses : Sophie et moi, on a passé la nuit chez Albane et moi dans son lit. En tout bien, tout honneur, hein ? Franchement, ce serait la pire idée de l’année.

- Sophie était partie chez une camarade de classe. Elle n’était vraiment pas bien car elle se fait embêter à l’école. Elle a souhaité dormir là-bas pour avoir de la compagnie. Je n’ai pas osé lui refuser… J’ai dormi dans ma voiture, en bas de chez cette amie pour pouvoir la ramener ici ce matin.

- Oh Julien, il fallait revenir ici et dormir dans ton lit !

- J’aurais dû, Asma. Mais j’étais tellement soulagé de l’avoir retrouvée que je n’ai pas voulu m’éloigner… En tous cas, merci à toi, tu m’as vraiment rendu un bon coup de main hier soir ! Je ne sais pas comment te remercier.

- Je sais que je peux compter sur toi, Julien. Si j’ai besoin, je te demanderai.

Et avant que j’ai le temps de réagir, elle se met sur la pointe des pieds et dépose un baiser sur mes lèvres avant de se diriger vers la chambre. Je croise alors le regard de Selma, la fille aînée d’Asma qui a surpris toute la scène. Elle me fait une grimace, visiblement agacée par l’attitude de sa mère. Je hausse les épaules en levant mes mains en l’air, pour lui signifier que je n’y suis pour rien, mais elle se contente de me claquer la porte au nez, me laissant seul dans le couloir.

- Papa ! Papa ! Tu as trouvé Sophie ?

Gabin débarque, Asma sur ses talons. Il est déjà habillé et prêt pour l’école. Il est même coiffé, ce qu’il refuse de faire quand je m’occupe de lui. Asma est vraiment un ange. Comment je pourrais la remercier ? Pas envie de me retrouver à lui faire encore des bisous ! Ce n’est pas qu’elle n’est pas jolie, c’est juste que je ne suis pas prêt pour une nouvelle histoire… Enfin, non… Si je veux être honnête avec moi-même, je suis prêt pour une autre histoire. Mais pas avec ma voisine… Ah si seulement Albane ne travaillait pas ici !

- Oui, poussin, elle est à la maison. Elle se prépare pour aller à l’école. Elle te racontera toutes ses aventures ce soir après l’école ! Parce que là, il ne faut plus traîner ! En route !

Je me tourne vers Asma qui continue de me sourire. J’ai vraiment l’impression qu’elle a envie que je cède à ses avances, mais je me contente de la regarder avec gratitude.

- Encore merci pour tout, Asma. Si tu as besoin de quelque chose, n’hésite pas ! Bonne journée et à plus tard !

Une fois mes enfants déposés à l’école et au collège, je reprends ma voiture et, presque malgré moi, je retourne où Albane habite. Je me gare à proximité sans toutefois me permettre de retourner comme la veille au soir dans sa petite cour. Je meurs d’envie de retourner la voir… J’ai envie d’aller lui parler et d’échanger avec elle sur ce qu’il s’est passé, sur ce qu’il va nous arriver après cette nouvelle nuit. Mais si je repousse cette porte, est-ce que je saurai me contrôler et ne pas la plaquer contre la porte pour l’embrasser avec toute la gourmandise qu’elle m’inspire ? Est ce que je parviendrai à me retenir de lui enlever tous ses vêtements ? Pas sûr du tout… Il vaut mieux que je la laisse tranquille. De toute façon, elle va sûrement me convoquer bientôt à un nouvel entretien. Dans un bureau, on devrait réussir à mieux se contrôler que chez elle ! Quoique… Si elle s’assoit en robe sur le bureau avec un petit air mutin, je ne sais pas comment je vais faire pour ne pas me jeter sur elle. J’ai tellement envie de sa bouche contre la mienne, de sentir son odeur, de laisser mes mains vagabonder sur son corps. Je repense à cette nuit de Noël où nos corps ont fusionné, où elle a gémi sous mes caresses, où nous avons joui dans un moment de communion exceptionnelle. Toutes ces pensées se bousculent dans ma tête et je suis à nouveau tout excité. Je ne peux pas rester comme ça et je sais qu’elle en a autant envie que moi. Il faut que j’aille la voir et tant pis pour les conséquences ! Mais quand je déverrouille ma voiture, le destin vient encore m’empêcher de profiter de la situation. La voilà en effet qui sort de chez elle, habillée d’une petite robe fleurie et de bas noirs, sous son manteau d’hiver. Elle se dirige, à pied, vers le centre-ville. Je l’observe, résigné. Cette femme est splendide mais elle ne sera jamais à moi. Rien n’est possible entre nous, et il faut que je me fasse une raison. Mon coeur saigne à nouveau, mais je dois penser à mes enfants. Je ne peux pas faire comme leur mère et les abandonner juste pour satisfaire mes envies. Tant pis si je dois me sacrifier, c’est pour eux que je vis. C’est à eux que je dois penser.

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