Encore… Les échos de pas ne trahissaient jamais. Un autre venait d’entrer dans son antre. A peine trois jours après la mort du dernier venu…

Elle soupira, se levant de ce trône de pierre sculpté à même le sol pour se diriger entre les statues. Pourquoi venaient-ils tous la déranger dans sa solitude ? Pourquoi venaient-ils tous se livrer à sa malédiction ? Si seulement l’un d’eux était capable de la tuer…

Se stoppant près de l’une de ses plus larges victimes, elle observa le nouveau venu. Il était différent des autres… Il y avait quelque chose de différent… Sa démarche peut-être, hasardeuse et angoissée. Il n’était pas venu la tuer, ou du moins, pas de sa volonté. Il tenait son épée brillante mais courte d’une main pâteuse, certainement rendue moite par la peur. De son autre main il tenait un bouclier de bois. Un bien piètre équipement… Elle n’en avait jamais vu d’aussi imprudent, c’était étrange.

Se collant à la pierre pour qu’il ne puisse pas la voir, elle prit une voix qu’elle voulait douce pour ne pas l’effrayer davantage :

• Pourquoi êtes-vous ici ?

Il sursauta en se tournant vers sa direction, mais bien sûr elle s’était cachée et partait déjà dans l’ombre d’une autre statue.

• Vous n’êtes pas à votre place.

Il se tourna de nouveau, cherchant peut-être à la suivre du regard.

Avalant de travers, le jeune homme se décida à lui répondre :

• On m’a forcé…

Elle se désola du triste sort qui était réservé à ce garçon… Son Antre n’était pas facilement accessible et il était tout aussi difficile d’en sortir. Elle vient derrière une nouvelle statue.

• Désolée pour vous.
• Pourquoi… Vous ne voulez pas me laisser repartir ?
• Ce n’est pas ma volonté, venir jusqu’ici a dû être difficile, repartir le sera encore plus.

Son visage se décomposa un peu plus encore alors qu’il abandonna l’idée de vouloir se tourner vers elle. Ses bras s’allongèrent le long de son corps et il soupira de lassitude.

• Vous allez me tuer ?
• Ça ne dépend que de vous.
• Pourquoi ?

Il semblait vouloir vivre après tout. Alors elle s’avança, lentement, pour se rapprocher de son dos.

• Ne vous retournez pas.

Il s’était raidit. A vrai dire de dos il n’était pas tant impressionnant. Beaucoup plus petit que tous les autres qui lui avaient jusque-là rendu visite, beaucoup moins large également. Il ne l’effrayait pas du tout… elle qui ne s’approchait pourtant jamais.

• Quel est ton nom ?
• Arthur, et vous ?
• Tu devrais le savoir si tu es ici.
• Oui… pardon… Puis-je savoir comment vous… comment vous tuez ?

Elle s’étonna de cette question et eut un léger rire :

• Tu me le demande sérieusement ?
• Bien sûr, pourquoi ?
• La réponse est évidente.
• Pas pour moi.

Cette fois ses sourcils se froncèrent. Comment pouvait-il ignorer les statues autour de lui ? Elle posa une main lente sur son épaule. C’était étrange pour elle… son contact était chaud, c’était différent de ce dont elle avait l’habitude. Lui avait sursauter, il ne s’était pas attendu à ce qu’elle le touche…

• Vous ne les voyez pas ? Autour de vous ?
• Je suis aveugle.