Chapitre 28: Désillusions.

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"Tout chemin aboutit au même point : la désillusion."

- Oscar Wilde.

Une file de paysans devenait grandissante. Celui à la tête s'agenouillait, s'adressait à un individu confortablement installé dans un trône. Celui-ci était en réalité une jeune femme dont le ventre semblait sur le point explosé. Ses longs cheveux noirs encadraient son visage mince et d'une pâleur extrême. Ses yeux bleu glace semblaient analyser en détail l'homme qui venait s'adresser à elle.

— Majesté, je viens vous demander votre bénédiction. En effet, ma femme, Elise, vient de donner naissance à notre fils. Elle aurait aimé vous le présenter mais ils sont affaiblis.

— Je l'accorde, lui répondit-elle avec un grand sourire. Comment se nomme-t-il ?

— Jack, ma reine, dit l'homme avec timidité.

— Longue vie à Jack ! déclara-t-elle avec douceur.

Le paysan se redressa, s'inclina et partit de la salle. Un conseiller vint soudainement et chuchota au creux de l'oreille de la princesse.

— Excusez-moi princesse, je sais que vous remplacez exceptionnellement votre père, mais il se trouve que quelqu'un vous demande dans votre salle.

— A-t-il décliné son identité ? lui demanda-t-elle en fronçant les sourcils, légèrement agacée.

— Oui, princesse. Il s'est présenté en tant qu'un certain Gabriel Eclair, dit le conseiller.

Maëlys fit une moue étonnée. Pourquoi le chef des Elecflabre s'était-il déplacé jusqu'à elle ? Qu'avait-il à lui donner comme mission ? La princesse d'Astramo se leva et s'excusa auprès des paysans, expliquant se sentant mal à cause de son état. Elle sortit de la pièce avec lenteur, son ventre l'empêchant d'aller bien vite. Plus que trois semaines et elle serait libre. Le temps passait si vite, notamment depuis l'accident de Lillian. Par ailleurs, cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas vu son époux. Celui-ci enchaînait les missions pour le compte d'Aaron. Il était devenu fou à son plus grand désespoir. Elle ne le comprenait plus et pourtant, cela ne faisait même pas un an qu'ils étaient mariés. Elle soupira, lasse de toutes ces histoires. En plus de cela, son supérieur souhaitait lui parler. Encore, encore et encore des problèmes.

— Tes obscures pensées envahissent le palais dans son entier, se moqua quelqu'un derrière elle.

Maëlys se retourna et lui dit, essouflée par le peu de marche qu'elle venait de faire.

— Merci de m'avoir rejoins, je n'avais guère le courage de me rendre jusqu'à ma chambre.

— Les joies de la grossesse, lui répondit Gabriel en lui tapant la bise. Veux-tu que j'aille te chercher un fauteuil roulant ? ajouta-t-il d'un ton moqueur.

— Sincèrement, je veux bien, j'ai tellement mal au dos, se plaignit-elle. Je ne serais pas attentive.

Gabriel hocha la tête et alla le chercher. Pendant ce temps, la princesse était plongée dans ses pensées. Elle avait réussi à percer la défense du chef des Elecflabre. Celui-ci était venu lui parler de Lillian et du bébé qu'elle portait. Pourquoi ? Que voulait-il ? Gabriel revint à ce moment là et elle put enfin s'asseoir, lâchant un soupir de soulagement. Tous deux se rendirent dans les jardins afin d'être tranquilles. La princesse d'Astramo lança la discussion.

— Pourquoi es-tu venu ici, Gabriel ? Pourquoi t'être déplacé jusqu'à moi.

— Tu le sais, affirma-t-il. Nous avons besoin de dieux dans notre clan. Ton époux en a beaucoup éliminé. A lui seul, il arrive à nous affaiblir.

— Tu te doutes bien que j'ai essayé de le raisonner, marmonna-t-elle. Il est fou de rage, Aaron le manipule. Echec et mat, ajouta-t-elle avec un long soupir.

— Je sais. Je veux juste que Lillian et ton bébé rejoignent nos rangs, rétorqua Gabriel d'un ton sec.

— Pardon ? s'exclama-t-elle avec colère.

La princesse se retourna dans son fauteuil et croisa le regard de son interlocuteur. Celui-ci semblait réellement sérieux. Maëlys n'en revenait pas: comment pouvait-on proposer de faire entrer deux enfants en guerre ? Par définition, une guerre est inhumaine. Néanmoins, de là à vouloir recruter des individus en bas-âges, c'était révoltant ! Scandalisant ! Affligeant ! Bien d'autres mots lui venaient en tête et elle mourait d'envie de tous les dire. A la place, elle resta silencieuse, bouillonnant à l'intérieur d'elle. Elle s'insultait également: elle était faible de ne pas oser lui dire ce qu'elle pensait. Gabriel, après lui avoir laissée le temps de se calmer, lui dit, hésitant.

— Tu peux prendre ton temps pour me donner une réponse, tu sais.

— Tu es aussi abject qu'Aaron, lui répondit-elle avec dégoût. N'as-tu pas de coeur ? Bon sang, Gabriel, on parle de faire entrer des enfants en guerre, dont un n'ayant pas de sang divin et l'autre n'étant pas encore né !

Elle posa ses mains sur le fauteuil roulant et le fit tourner afin d'être face à son chef. Elle le fixa droit dans les yeux et ajouta.

— Vois-tu, je pensais que le clan des Elecflabre étaient de bonnes personnes... Je suis fortement déçue. Au revoir, Gabriel. Ne me raccompagne pas, j'arriverai à me débrouiller toute seule.

Il ouvrit la bouche afin de protester puis se ravisa en croisant le regard farouche de Maëlys. Celle-ci partit en direction du palais. Elle ne se retourna pas afin de montrer davantage son mécontentement. Ce que venait de lui proposer Gabriel fit réfléchir la princesse: devait-elle rester une déesse Elecflabre ? Soudain, elle ressentit des violentes contractions et elle poussa un cri déchirant.

— Maëlys ! s'écria son chef.

Ce dernier se rendit jusqu'à la déesse et se pencha vers elle. Celle-ci semblait souffrir le martyr, à tel point qu'elle n'arrivait pas à parler. Gabriel lui murmura.

— Je vais t'emmener au palais. Je vais appeler notre médecin. Tu dois être entrain d'accoucher mais ne t'inquiètes pas, tout va bien se passer.

Il poussa le fauteuil roulant à toute vitesse, inquiet. Durant le trajet, une question lui revenait sans cesse: l'enfant était censé naître que dans trois semaines, allait-il donc survivre ?

***

— Où a-t-il pu bien le cacher ? s'écria Louis en cherchant quelque chose sur un bureau mal rangé.

L'empereur était fortement agacé: il n'arrivait pas à trouver ce qu'il voulait. Il se trouvait dans l'antre d'Aigle-Voyant. Il savait que ce dernier possédait des informations sur chaque dieu, quelque soit leur clan. Ainsi, il essayait d'en savoir plus sur cette fameuse personne capable d'altérer le temps. Parallèlement, il espérait trouver des renseignements sur Alexandre bien qu'il en doutait. "Avec un peu de chance, peut-être aura-t-il monté un dossier sur lui" pensa Louis avec espoir. "Cela serait tellement plus simple". Il prit une feuille portant le nom de sa femme, un léger sourire aux lèvres. Il observa sa photo. Il posa le dossier puis fronça les sourcils en voyant celui d'en dessous. Il était écrit en lettre capitale "INTERDICTION D'OUVRIR". Rien de mieux pour que tout individu rationnel fut tenté de l'ouvrir. Aussitôt il pensa à ça, aussitôt il commença à analyser le dossier.

INTERDICTION D'OUVRIR.

Ceci est un dossier confidentiel. Tout élément ne doit pas tomber aux mains de vulgaires inconnus.

Elaboré par Aigle-Voyant.

Sujet: Prophétie.

Personnes concernées: Maëlys Black Turin et Louis Turin.

Un terrible combat sans nom se déclenchera.

De nombreuses victimes il fera.

Issu d'un dieu Aqlairre, ayant des origines Onyx, et d'une déesse Elecflabre,

Un hybride prendra parti pris.

Bon dans l'âme et vengeur dans ses actions,

Il faudra lui demander la permission,

De vivre ou de mourir

Car tel un vengeur, il viendra finir

La tâche qu'il a reçu.

Venant de l'avenir, il sut

Toutes les horreurs sans nom

Dont il peut dire "non".

Portant le nom d'un grand homme,

Tel que ...

Louis venait de finir de lire le papier. En effet, la fin du dossier était déchirée et il ne pouvait voir le nom de son fils. Ainsi, il venait de lire une grande partie de la Prophétie. Il relit la ligne le concernant. "Issu d'un dieu Aqlairre, ayant des origines Onyx". Si seulement les dieux de l'époque avaient eu connaissance de cette phrase, jamais ils n'auraient cru que Diane était la mère du héros. Ainsi, ils auraient accepté de la protéger du clan des Onyx. "Non, ce n'était pas possible" se rappela-t-il avec douleur. "Ils ignoraient que ma mère était la fille de Hunter Shadow, pourquoi la protéger contre un danger invisible ?". L'empereur serra les poings, sentant les larmes lui montaient. Le fait de n'avoir jamais pu connaître sa mère l'attristait bien plus qu'il ne l'imaginait. Il posa ses mains sur le bureau et baissa la tête. Ses épaules bougèrent et on l'entendit pleurer doucement. Il leva son bras et essuya une énième larme qui coulait le long de son visage. Il le reposa sur une feuille et, machinalement, il y porta son regard. Il fronça les sourcils en voyant une carte. Il se redressa, la prit, et l'analysa, faisant oublier momentanément sa douleur. Celle-ci décrivait toute la région d'Astramo. Il savait qu'il existait plusieurs comtés, néanmoins, il en avait visité que deux. Tout d'abord, celui d'Azbürg, le comté de sa naissance. Il était né dans le palais de son père, situé dans la ville de Backford. D'autres villes l'avoisinaient telles que Zotfr et Jürg. Ensuite, se trouvait le comté de son épouse, le comté de Luy. Trois villes l'en composaient: Dan, là où vivait Max d'Astramo, Ocne et Mervhope. Enfin, ils venaient de découvrir deux autres comtés: Elmon et Bolr. Il ne connaissait guère ces endroits, seul son père en avait une parfaite connaissance puisque qu'en tant qu'empereur, il se devait d'y aller. Néanmoins, Louis ne s'était pas encore rendu et il décida d'y remédier. En effet, il n'avait pas trouver des informations sur ce dieu capable d'altérer le temps, ni sur Alexandre. Il pouvait donc se permettre d'aller découvrir les terres de magie dont il est le responsable.

Il prit les dossiers qu'avaient rédigé Aigle-Voyant, les rangea dans un sac qu'il le fit disparaître chez lui. Il sortit de l'antre de l'homme décédé et partit se rendre en premier lieu dans le comté de Bolr. Le premier mot auquel il pensa en voyant le paysage était "Désert". Cela lui rappela étrangement le moment où il avait tué Milton Duck. Comme quoi, inconsciemment, il s'était à nouveau dirigé vers un lieu où on pouvait voir beaucoup de sable. Contrairement à la dernière fois où il était allé dans un endroit similaire, cette fois-ci, Louis avait l'occasion de pouvoir admirer des montagnes rocailleuses. Celles-ci rendaient le paysage inquiétant. Il n'y avait personne.

— Pourquoi diable mon père allait-il ici ? se demanda-t-il à haute voix.

L'empereur décidé d'explorer un peu plus l'endroit afin d'essayer de trouver une parcelle de vie. Il avait l'impression d'avancer pour rien. Il n'y avait que du sable, des cailloux et quelques montagnes au loin. Pas une chaumière, pas un potager, pas un point d'eau. "C'est quand il y a de l'eau qu'il y a de la vie" pensa-t-il amèrement. "Pourquoi je m'obstine à chercher ?". Son entêtement se vit récompenser d'une manière dont il ne s'attendait pas. Une odeur acre lui parvint aux narines et il reconnut l'odeur entre mille.

— Des Elecflabre sont dans le coin...

Il fit un petit sourire et décida d'aller leur faire une surprise. Cela faisait bien trop longtemps qu'il ne s'était pas battu avec eux. Mais, comme l'on disait, "qui sème le vent récolte la tempête".

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