Chapitre 24: Vengeance.

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"Il n'y a pas de vengeance là où celui qui se venge souffre."

- Louis Dumur.

Confortablement installé dans son siège, Aaron écoutait d'une oreille distraite les plaintes de ses conseillers. Pourquoi diable avait-il décidé d'organiser son clan ainsi ? 'J'avais ainsi moins de travail' se rappela-t-il. Son système était simple: il était le chef, il avait quelques ministres, quatre pour être précis: un s'occupait de la guerre, l'autre de l'administration, un autre dans la diplomatie et le dernier gérer les relations au sein même des Aqlairre. Pour parfaire ce système, Aaron avait mis en mise en place une réunion hebdomadaire. Il était fier de cette organisation. Il fut interrompu dans ses pensées par le ministre de la guerre.

— Aaron, tu nous écoutes pas !

— J'ai d'autres choses à penser, grommela-t-il. Que me disais-tu de si important ? ajouta-t-il d'un ton ironique.

Son interlocuteur soupira, las. C'était tout Aaron, ça. Néanmoins, dans sa jeunesse, il fut un grand dieu, bon, conciliant... Ah l'amour, ça changeait un homme ! Pour le meilleur comme pour le pire !

Il reprit ce qu'il disait.

— Les dieux des Elecflabre ont mené une récente attaque: nous avons perdu trois hommes.

— Que proposes-tu, Ivy ? demanda Aaron en prenant une cigarette qu'il alluma aussitôt.

La déesse de la diplomatie releva la tête de ses feuilles. Elle fronça des sourcils, songeuse. Elle prit son temps. Elle pianota machinalement sur la table et murmura, l'esprit ailleurs.

— Si nous ne ripostons pas... Nous passerons pour des faibles. Le problème étant que nous n'avons aucune piste: nous ne pouvons attaquer sans perdre des membres du clan. Puis, l'attaque n'étant pas la meilleure des solutions, il nous reste que la parole. Là encore cela est a nuancé: ceux sont des barbares, jamais ils nous écouteront.

— Une vraie diplomate, se moqua Mallory, ministre de l'administration. Je suis étonné que tu lui demandes son avis, Aaron. Elle n'allait pas te répondre clairement.

— Calme toi, lui ordonna Yennefer, conseillère dans les relations.

Aaron prit sa tête dans les mains, agacé. Les dieux sont tellement énervants. On entendait toujours des querelles. Yennefer essayait de les calmer mais cela était difficile. Il devait songer à lui attribuer une augmentation pour ses multiples efforts.

Le chef des Aqlairre fumait avec distraction. Il réfléchissait à un plan pour se venger de Maëlys... Il pensait également à une riposte contre les Elecflabre. Et si... Aaron se redressa et éteignit prestement sa cigarette. Il frappa le poids sur la table, faisant sursauter les conseillers. Le ministre de la guerre, Wazika, se pencha, attentif, tandis que le dirigeant prit la parole d'une voix forte.

— Je pense avoir trouver le moyen de leur faire regretter cela. Nous allons attaquer une personne proche de Maëlys.

— De Maëlys ? reprit Wazika avec stupeur. Elle n'est pas importante parmi les Elecflabre. A quoi cela servirait ?

— Tu es sot, Wazika, commenta Yennefer. Aaron est attiré par cette femme. N'oublions pas que celle-ci est marié à Louis, le dieu des lacs.

Aaron se renfrogna aussitôt. Elle pouvait oublier son augmentation, celle-là ! La ministre des relations vit l'agacement de son chef et reprit aussitôt, les joues rouge de honte.

— N'oublions pas aussi qu'elle est membre des Elecflabre et fait partie de la Prophétie. Elle côtoie aussi des membres assez importants de son clan.

— On pourrait ainsi s'en prendre à elle indirectement, pensa Wazika. Ce n'est pas idiot comme tactique à vrai dire. Tu sembles vouloir te venger d'elle et nous devons nous attaquer à son clan. Il faudrait trouver un de ses proches qui pourrait être la cible idéale. As-tu une idée, Aaron, toi qui semble plutôt bien la connaitre ?

— Par pitié, ne la kidnappe pas encore, ajouta Mallory en grognant. Ça va nous causer que des ennuis.

Aaron souffla du nez. On lui manquait trop de respect, ça n'allait plus tout ça. Il se leva et fit les cent pas, les mains dans le dos. Sur qui pourrait-il se venger ? Il ne fallait pas que cette personne fut trop proche de Maëlys: elle lui en voudrait toute sa vie. Il ne fallait pas que ça soit un simple membre de son clan également: elle s'en moquerait. Il réfléchissait. Il fallait trouver la cible idéale. Soudain, il trouva. Il se tourna vers ses conseillers et leur exposa son main, un rictus étirait ses lèvres, le rendant effrayant.

***

— Lillian Gérard Turin ! cria une voix rauque. Revient ici tout de suite !

Louis marchait rapidement dans les couloirs de son palais. Il recherchait son fils. Ce dernier avait eu la brillante idée de faire une petite farce à son père: lui colorer les cheveux en vert fluorescent. Pourquoi diable du vert ? C'était tout bonnement horrible ! A peine rentré dans son palais impérial qu'il faisait déjà des bêtises ! Bon sang, où pouvait être passé ce petit chenapan ?

— Que se passe-t-il ici ? intervint une personne féminine.

L'empereur se tourna et vit sa femme, accoudée contre un mur. Elle semblait amusée. Il descendit son regard et vit Lillian, caché derrière ses jambes. Louis poussa un grognement et s'avança vers lui tout en le menaçant.

— Je vais t'étriper !

— Louis, calme toi, ce n'est que temporaire, dit son épouse les larmes aux yeux.

— Je suis l'empereur de la magie ainsi qu'un dieu, pas un clown, s'offusqua-t-il.

Lillian riait derrière les jambes de sa mère, celle-ci ayant du mal à garder un air sérieux en voyant la tête de son mari. Elle allait répliquer quand elle le vit. Alexandre. Ce dernier s'entretenait avec James. Les deux hommes semblèrent pris dans un débat animé et elle entendit son sauveur dire.

— Je sais ce que je fais, James. Tout va à merveille pour l'instant.

De quoi pouvait-il parler ? Alexandre le salua. Il allait partir quand il remarqua enfin la présence de la famille impériale. Il devint blanc comme un linge. Louis remarqua sa gêne et tenta de briser le malaise.

— Alexandre ! Comment vas-tu ? Approche donc !

Celui-ci vint les rejoindre. Il fronça les sourcils en voyant la chevelure de l'empereur. Ses traits se détendirent et un sourire naquit, comme si cette couleur lui évoquait un doux souvenir. Maëlys posa sa main sur son avant-bras afin de le ramener à eux. Elle lui dit d'une voix chaleureuse.

— Cela faisait longtemps que nous ne t'avons pas vu. Je n'ai jamais eu l'occasion de te remercier pour m'avoir sauver. Tu sais, lors de la bataille qui s'était déroulée lors de ma nomination en tant que déesse.

— C'était tout bonnement naturel, lui répondit Alexandre d'un ton gêné.

— Pourrai-je te parler quelques instants ?, lui demanda-t-elle avec un grand sourire. Je n'ai jamais pris le temps de m'entretenir avec toi, à mon plus grand regret. Nous pourrions y remédier.

Alexandre ne savait pas quoi lui répondre. Il devait s'éloigner de ses parents. Cela ne voulait pas dire qu'il n'essayait plus de changer les choses, au contraire ! Il oeuvrait seulement à distance, cela était bien plus sécurisant pour tout le monde. Néanmoins, sa mère venait de l'implorer. Il mourait d'envie d'accepter: après tout, cela n'était qu'un rapide entretien, n'est-ce pas ? Il pouvait se le permettre. L'homme du futur, après quelques instants de réflexion, accepta sa demande.

— Merveilleux ! s'enthousiasma Maëlys. Cela ne te dérange pas si Lillian nous accompagne ? Je crains que mon époux veuille l'étriper.

— Il y a de quoi, marmonna ce dernier sous l'éclat de rire d'Alexandre.

— Ça te va bien, commenta innocemment Lillian.

— Lillian ! l'apostropha sa mère.

— J'accepte, intervient l'homme du futur afin d'éviter une dispute familiale.

Lillian remercia Alexandre d'un signe de tête, un grand sourire sur le visage. Louis embrassa sa femme, frotta vivement les cheveux de son fils et salua l'hybride. Maëlys prit la main de son fils et tout deux sortirent du palais, suivit aussitôt d'Alexandre. Ce dernier observa avec envie les membres de sa famille. L'impératrice respirait le bonheur: son ventre arrondi accentuait cela. Quant à Lillian, son frère adoptif, il semblait totalement insouciant. "La vie est belle", pensa-t-il.

Les trois individus marchaient depuis une bonne dizaine de minutes. Ils riaient, se taquinaient. Une personne extérieure aurait affirmé voir un magnifique portrait d'une famille unie. Le hic dans l'histoire ? Maëlys et Lillian ignoraient le lien qui les unissait à Alexandre.

Ils arrivèrent devant le lac du palais. Les adultes s'assirent tandis que l'enfant courut jusqu'à la source d'eau où il essaya de pêcher des poissons. Maëlys observait la scène d'un regard aimant. Elle soupira et se tourna vers Alexandre, la joie se transformant en peur.

— Que faisais-tu au château ?

— James souhaitait me parler, grimaça-t-il en repensant à leur discussion. Discussion privée, ajouta-t-il en voyant sa mère ouvrir la bouche.

— As-tu des nouvelles des Elecflabre ? préféra-t-elle lui demander.

Alexandre fronça des sourcils. Sa mère faisait partie de ce clan, comment se faisait-il qu'elle l'interrogeait à ce propos ? Il lui répondit d'un ton neutre.

— Non, cela fait longtemps que je n'ai pas reçu de mission. Et toi ?

— De même, soupira-t-elle en arrachant l'herbe en même temps. Je ne comprends pas pourquoi: doutent-ils de ma loyauté ?

— Peut-être veulent-ils protéger ton enfant ? Félicitations d'ailleurs !

Maëlys posa une main sur son ventre et le caressa, un sourire sur les lèvres.

— Merci, Alexandre.

— Maman ! cria soudainement Lillian.

Les deux adultes bondirent sur leurs pieds et ce qu'ils virent leur glaça le sang. Plusieurs étrangers entouraient le petit. Tous portèrent une capuche noire comme l'onyx. Maëlys porta la main sur sa bouche et sanglota. Alexandre gronda de fureur.

— Lâchez-le ! leur ordonna-t-il.

— Seulement si Maëlys vient avec nous, lui répondit un des hommes masqués.

L'impératrice pâlit davantage. Son état l'empêchait d'utiliser ses pouvoirs, elle était inutile ! Alexandre souffla du nez, exaspéré. Il se décida à intervenir. Des poils noirs intenses couvrirent le corps de l'homme. Il sentit tout son corps craquer. Il se mit à quatre pattes et poussa un long hurlement. Ses yeux gris figèrent d'effroi les ravisseurs.

— Un Onyx ! s'écria l'un d'eux.

— Vous avez raison de me craindre, grogna Alexandre ce qui fit dévoiler ses canines.

Personne n'osait attaquer le loup. Tous connaissaient la puissance de ce clan. L'hybride bondit aussitôt, déclenchant la bataille. Celui qui tenait Lillian se mit derrière ses collègues qui se changèrent aussitôt. Des grognements se firent retentir. Alexandre hurlait, mordait, griffait. Du sang scintillait sur son pelage. Il était fou de rage: personne ne devait toucher à un cheveux de sa famille. Sa bestialité lui dictait les moindre mouvements. Il était totalement hors de lui. Soudain, un drame arriva sans qu'Alexandre ne put l'empêcher. L'homme qui tenait Lillian avait mis un couteau sous la gorge de celui-ci. Voyant que le membre des Onyx décimait, il commit un geste désespérait: il souleva la lame et la planta au visage de Lillian qui poussa un hurlement déchirant. Alexandre stoppa ses attaques, chancelant. "Non, cela ne devait pas arriver !" pensa-t-il avec effroi. Maëlys cria.

— Lillian !

Elle s'élança aussitôt sur l'homme qui disparut, le petit corps de l'enfant s'effondra sur le sol. Il gesticulait faiblement, essayant de retirer la lame qui avait transpercé son oeil gauche. L'impératrice s'agenouilla et murmura.

— Ne bouge pas, chéri. Ça va aller, ne t'inquiètes pas.

Elle pleura davantage en entendant son fils lui répondre.

— Je sais. Je n'ai pas mal, maman.

Maëlys releva la tête et observait longuement le loup noir. Ce dernier redevint à l'état d'homme. Il releva la tête et vit plusieurs dieux qui étaient apparus. Trois prirent aussitôt en charge de Lillian et disparurent avec lui. Un s'approcha d'Alexandre, la mine grave.

— Alexandre ?

— Oui, murmura-t-il faiblement.

— Nous vous embarquons. Vous allez passer la nuit dans les cellules des Elecflabre.

— Pourquoi ? protesta-t-il. Je ne suis pas responsable de l'attaque !

— Vous êtes un Onyx. Comme votre clan, vous êtes un menteur et un manipulateur, lui rétorqua l'homme.

Alexandre secoua la tête, ne comprenant pas comment la situation avait-elle pu se transformer ainsi. Il fixa Maëlys dans l'espoir qu'elle lui vint en aide. En vain. Celle-ci semblait partagée entre la colère, la tristesse et la compassion. Elle tourna la tête et se jeta dans les bras de Louis dès son arrivé, ignorant totalement l'hybride.

***

Aaron avait observé toute la scène. Il était ravi: il ne pensait pas inclure Alexandre dans son plan. A dire vrai, il souhaitait seulement que Maëlys allait accuser les hommes masqués d'appartenir aux Onyx. Finalement, le fait que l'homme du futur fut présent rendait la vengeance encore plus savoureuse qu'il avait espéré.

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