14. Une Union

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Vanessa s'observa dans la glace. Elle était splendide. Martha et les couturières avaient accompli un travail d'orfèvre. Sa robe en dentelle, d'un blanc pur, épousait parfaitement ses formes et s'évasait à ses pieds, lui donnant presque une allure de... sirène. Tout le tissu était serti de pierres précieuses et d'ornements extrêmement raffinés. Sa traine, magnifique, s'étalait tout le long de la pièce. Elle n'en croyait pas ses yeux. Elle allait se marier.

Le prince lui avait demandé sa main trois semaines après son arrivée à Adriae. Profitant d'un soleil éclatant, ils avaient décidé de se baigner. Éric voulait tester les capacités de sa belle à la nage et il ne fut pas déçu. Ils s'amusaient à faire la course jusqu'à un rocher situé à une cinquantaine de mètres, et repartaient dans la direction opposée. Tous les coups étaient permis : les bousculades, les jets d'eau, les embrassades pour déconcentrer l'adversaire. La muraénienne ne se rappelait pas s'être autant jamais amusée de son existence. Bien sûr, elle laissait son partenaire gagner de temps à autre. Il était loin de deviner à quel point elle pouvait le battre à plates coutures !

Ayant atteint le rocher pour une nouvelle fois crier victoire, elle s'était aperçue qu'Éric ne l'avait pas suivie. Il était resté sur la plage avec Max, son adorable bobtail. Alors qu'elle les rejoignait, le chien creusait dans le sable, puis en avait sorti une minuscule boite. Son maître l'avait récupérée et s'était ensuite posté devant sa dulcinée, avant de poser un genou à terre en révélant son contenu : une bague sertie d'une majestueuse pierre d'améthyste ovale, polie à la perfection.

  • Vanessa, je sais que cela ne fait que quelques semaines que nous nous connaissons. Pourtant je n'ai jamais été aussi sûr de ma vie. Vous êtes la femme de mes rêves, vous me comblez de bonheur, et je suis certain que je peux vous combler, aussi longtemps que mon coeur battra. Alors, pourquoi attendre ? Vanessa, je suis fou de vous, je vous aime, faites de moi votre époux.

À ce souvenir, la princesse sentit son coeur s'emballer. Bertold et Cléa furent si réjouis d'apprendre la nouvelle qu'ils avaient décidé de célébrer le mariage la semaine suivante. La voici donc aujourd'hui, à contempler sa robe immaculée dans la glace. Elle avait mûri sa décision : non, elle ne reviendrait pas en Atlantica. Devenir une humaine à part entière, vieillir avec Éric, fonder une famille et voir grandir ses enfants... cela la tentait. Elle aspirait à la paix, et celle-ci commençait avec cette union.

Vanessa rendait le prince heureux, à l'instar de ses parents et du royaume tout entier, qui bouillonnait à l'approche de leurs noces. Une ambiance effervescente, emplie d'euphorie et d'excitation, se répandait dans chaque pièce du château, dans chaque ruelle d'Adriae. En quoi culpabiliserait-elle d'apporter un peu de magie dans ce bonheur partagé ? Ses sortilèges faisaient le bien, engendraient l'amour et la sérénité chez ces humains. Aujourd'hui, elle assumait pleinement ses pouvoirs. Ils faisaient partie de sa personne. Vanessa était Ursula, Ursula était Vanessa. Bien évidemment, elle s'était promis de ne jamais révéler ses véritables origines à quiconque, elle en connaissait suffisamment les amères conséquences. Cette fois, elle garderait son secret jusqu'à la tombe.

Martha finit de l'habiller. Elle continuait cependant à tirer sur les fils de son corsage en grognant. Cherchait-elle à l'étouffer ? La muraénienne rit intérieurement, elle savait que la dame de compagnie tenait à Éric comme à la prunelle de ses yeux. Alors que le royaume tout entier vénérait sa belle fiancée, la bonne femme s'en méfiait comme de la peste. Soit, cette rivalité la divertirait : Vanessa aimait côtoyer les personnes loyales et sincères, difficilement manipulables. Une pensée pour la petite sirène la traversa alors, lui provoquant un léger pincement au coeur.

Elle espérait que cette dernière la pardonnerait un jour...

" La vie ne se résume pas qu'à une quête d'amour ", cette phrase prononcée par Ursula traduisait pourtant tout ce que la sorcière recherchait depuis toujours, et qu'elle avait enfin trouvé à Adriae. Mais Ariel était si jeune, la vie lui tendait les bras et lui offrirait encore de merveilleuses aventures.

  • Ma Dame, vos parents sont là, lança Martha alors que la princesse se perdait dans ses pensées. Ne discutaillez pas trop longtemps s'il vous plait, je n'ai pas fini d'ajuster la robe.

Vanessa se retourna, et vit Jansen de Muraena accompagné de Getsy, sa femme, au pas de la porte. Elle accourut et les serra dans ses bras. Quand Martha quitta la pièce -non sans leur adresser un dernier coup d'oeil mauvais-, ils éclatèrent de rire. Voir ses fidèles murènes transformées en humains, qui plus est, en ses soi-disant parents, l'amusait follement. D'autant que Getsy, ou plutôt Jetsen, était un mâle, et s'accommodait difficilement de ce corps de reine enguirlandé d'étoffes et de bijoux.

Parler l'humain s'avérait encore plus compliqué pour ses acolytes. Pour parer les questionnements, Vanessa avait précisé à sa belle-famille que les souverains de Muraena ne parlaient pas l'Adrien, contrairement à leur fille qui avait scrupuleusement étudié les langues des différents Royaumes. Tout le monde trouvait ce raisonnement normal, de même que le fait qu'aucun autre muraénien n'avait pu se rendre aux épousailles, par faute de temps et d'éloignement.

Après les derniers ajustements, on lui posa un diadème sur la tête, duquel pendait un long voile. Avant de le rabattre, elle se regarda une dernière fois dans le miroir : son visage parfait respirait la sérénité. Elle était prête.

L'autel se situait au bout de la jetée, face à l'océan. Le ponton en bois était méconnaissable. Une magnifique structure ornée de milliers de roses, soutenue par des colonnes majestueuses, avait été aménagée pour accueillir les voeux du couple. Les invités étaient assis le long de l'allée, bordée elle aussi de fleurs et de rubans qui virevoltaient au gré du vent.

Quand elle fit son entrée, tous la regardèrent avec admiration. Un tapis de pétales la séparait de son prince, vêtu d'un élégant costume blanc flanqué de dorures. Il était encore plus beau qu'à l'habitude : le soleil se reflétait dans ses doux yeux bleus, la brise caressait ses boucles brunes.

Elle vit ensuite Bertold et Cléa, émerveillés, qui la considéraient déjà comme leur propre fille. À leurs côtés se tenaient Jansen et Jetsen - ou plutôt Jansen et Getsy de Muraenia-. L'émotion se lisait dans leurs yeux humains. Ils représentaient les parents qu'elle n'aurait jamais. Non. Ils avaient toujours été ses uniques et vrais parents, leur soutien et leur affection lui étaient indéfectibles. À cette pensée, elle écrasa une larme.

Lorsqu'elle arriva enfin à l'autel, le prince, empreint d'émotion, l'embrassa avant même que Lord Edmure, le maître de cérémonie, ne puisse prononcer un mot. L'assemblée rit de bon coeur, et l'office put commencer.

Après un long discours, Lord Edmure demanda à son protégé de formuler ses voeux :

  • Éric Henry d'Adriae, prince héritier de Bertold II et de Cléa d'Adriae. Désirez-vous prendre pour épouse Vanessa princesse de Muraena, fille de Jansen Le Grand et de Getsy de Muraena, ici présente ?
  • Oui je le veux ! affirma le prince d'un ton clair et décidé, un sourire éblouissant adressé à sa bien-aimée.

Le coeur de Vanessa explosa, les larmes ne s'arrêtèrent plus de ruisseler sur ses joues. Il était désormais son époux. Ils consacreraient le reste de leur existence à faire fructifier leur amour. Il lui appartenait, aujourd'hui et à jamais...

  • Vanessa du royaume de Muraena, fille de Jansen Le Grand et de Getsy de Muraena, souhaitez-vous prendre pour époux le prince Eric d'Adriae ici présent ? enchaina Lord Edmure.
  • Oui je le...

Un bruit sourd se fit soudain entendre, le tonnerre gronda, de violentes bourrasques arrachèrent fleurs et rubans, le ciel se couvrit en un instant, des nuages sombres et menaçants remplacèrent le ciel azur. Des vagues immenses s'écrasèrent contre la jetée, faisant trembler l'autel et le sol tout entier, des éclairs aveuglants disloquèrent les cieux. Dans un incroyable geyser marin, propulsant des flux d'eau à des hauteurs impressionnantes, une fourche gigantesque surgit des profondeurs :

  • URSULA ! URSULA !!! hurla Triton qui apparut alors, furieux, perché sur une vague de dix mètres, les traits abimés par la haine et la douleur.

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