La mariée (était) en noir

Une minute de lecture

On enterrait ce jour le huitième mari d’Hélène Fontenoy. Et pour la huitième fois, elle portait le deuil.

Notez que le noir lui allait plutôt bien au teint. Beaucoup mieux que le blanc virginal, vu qu’elle ne l’était plus depuis longtemps.

Il faut dire aussi que ses mariages successifs faisaient jaser au village, on la surnommait même La Mante Religieuse. Et on brodait souvent autour de son mythe, réinventant dans les chaumières les mille et une manières qu’elle échafaudait en douce d’écorcher vif ses époux après l’ébat. Mais de ces ébats, rien ne naquit d’autre que des enfants de pierre qu’on érigeait au cimetière l’hiver venu. L’Amante non Religieuse ne savait qu’enfanter le marbre de Carrare recouvrant le corps de tous ces hommes défunts de l’avoir trop aimée.

La veuve noire, sous son voile de dentelle, fascinait autant qu’elle effrayait. A l’image de ce manoir étrange et sombre qu’elle habitait. La légende disait qu’un sortilège frappait tout homme qui s’y aventurait, qui y pénétrait en période de deuil, qu’il était condamné à l’honorer avec fougue jusqu’au petit matin, à l’épouser le lendemain, et au seuil de sa nuit de noces avec Madame, à être supplicié par les corneilles qu’elle élevait. Ce n’était qu’une légende, certes, mais nombre de villageois ne pouvait s’empêcher de frissonner à la vue de La Mante caressant l’oiseau figé sur son épaule pendant l’office mortuaire.

La cérémonie toucha à sa fin ; un homme d’âge mur croisa son regard, dévoilé pour recueillir les condoléances. Un mois plus tard, il l’épousa en ignorant le sinistre présage que lui envoyait le ciel au sortir de l’église : les corneilles noires avaient remplacé les blanches colombes. Car la blanche colombe qui paradait depuis lors à son bras n’était qu’un leurre, elle qui, pareille à ses corneilles, préférait se draper d’habits noirs et déployer ses ailes pour s’envoler. Loin de sa tour d’ivoire, des barreaux d’une cage imaginaire…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Aventador ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0