Chapitre 8

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Ça y est, le grand jour est arrivé. Le soleil a à peine eut le temps de se lever et de traverser les rideaux de ma chambre que me voilà réveillée par cette envie folle de partir à l’aventure. Mais ce n’est pas qu’une envie ! Dans quelques heures, je serais sous les voiles d’un bateau près à m’emmener loin d’ici, vers une nouvelle vie où je pourrais enfin être qui je suis et découvrir ce monde. Il me tarde d’y être mais malheureusement il n’est que 6 heures du matin et nous partons pour 10 heures donc il me reste encore 4 heures pour me préparer et faire mes adieux à mes parents, les voir pour la dernière fois avant un bon moment. Ils ne savent pas que je pars et ils vont surement avoir un choc lorsqu’ils vont voir la lettre que je leur ai écrite. Mais ils auraient dû s’y attendre, s’ils avaient daigné apprendre à connaître mes besoins et envies avant de me mettre dans leur case, ils seraient au courant de ma façon de voir mon futur.

Je ne regrette pas ma décision, pas du tout. Je crois même que j’aurais dû le faire bien avant mais je n’avais jamais eu l’occasion, ni le courage d’ailleurs. Je me recouvre de ma chemise de nuit en soie et me pose devant la grande fenêtre pour regarder une dernière fois le paysage qu’elle pouvait m’offrir. Je ne peux m’empêcher d’être reconnaissante pour cette nouvelle vie qui s’offre à moi et pour avoir rencontré mon nouveau partenaire de voyage : Kaïs. Une joie très forte remplie mon cœur et me donne des frissons, comme si un nouvel élan venait de naître en moi, une nouvelle partie de moi qui peut enfin sortir de sa cachette. Mon regard se pose sur le levé de soleil qui brille au loin avec ses lueurs jaune/orange. A ce moment précis, je me fais la promesse de ne plus jamais me laisser contrôler et de vivre pour moi-même.

Sur ces belles paroles, je me balade en me dandinant dans la chambre et en chantonnant à tue-tête. Tout en continuant ma danse un peu douteuse, je fini mes valises et me prépare pour être complètement prête le moment de partir discrètement. Heureusement, le sort est avec moi puisque mes parents sont en rendez-vous professionnel toute la matinée donc ils ne me verront pas filer en douce. Une fois totalement prête, je note quelques mots sur une petite lettre que je pose sur mon lit. J’espère que mes parents ne feront pas une crise cardiaque en voyant que je suis partie. Je sors de ma chambre avec mes deux valises et marche doucement jusqu’aux escaliers. Je jette un dernier coup d’œil autour de moi puis descends lentement les escaliers pour ne pas me faire entendre. Une fois en bas, j’entends mes parents qui parlent avec deux autres hommes. La voie est libre. J’enfile mes chaussures, ma veste et mon chapeau et me voilà enfin sortit de cette prison. Je prends alors un taxi qui m’emmène jusqu’au port.

Une fois arrivée là-bas, je vois Kaïs qui m’attend, adossé à un poteau. Je sors de la voiture, récupère mes valises et paie le conducteur. Je prends quelques secondes pour apprécier le vent qui soufflait sur mon visage, le soleil qui me réchauffait autant le cœur que le corps. A ce moment précis, j’étais remplie d’une plénitude inexplicable, comme si j’avais pris la bonne décision. J’étais profondément fière de moi. Au loin, j’aperçois le bateau qui allait me délivrer définitivement de cet endroit. Il était si beau avec ces 3 grands mats et ses longues voiles blanches que le vent prenait en assaut. Après ces quelques secondes de prise de conscience, je me dirige vers mon ami qui semble tirer une tête de 3 mètres de longs. Quel accueil, moi qui suis rayonnante !

- Que se passe-t-il ? Quelque chose ne va pas, Kaïs ?

- Vous savez que nous ne partons pas en croisière ? Il fallait voyager léger !

- Mais c’est léger, je n’ai que quelques affaires de ma penderie. J’ai besoin de tout cela.

Il soupire et je sens la culpabilité m’envahir quand je remarque qu’il n’a qu’un sac de sport. En ai-je fait trop ? Peut-être n’ai-je pas vraiment besoin de tout ça. A ce moment précis, je me sens vraiment idiote et très différente de lui. Mais, gentil comme il est, il prend mes valises et les monte dans le bateau jusqu’à notre couche. Pardon ? NOTRE couche ? Je n’ai même pas le droit à mon intimité ! Heureusement nos lits sont séparés par un petit meuble pour faire une sorte de limitation. En vue de ma bourde d’hier et de sa tête actuellement, je ne préfère pas rechigner. Lorsque le bateau commence à partir, j’accours jusqu’à l’extérieur pour voir une dernière fois ma ville. Même si j’étais profondément heureuse de partir, au fond de moi, j’étais un peu triste de dire au revoir à ma famille, à mes amies et surtout à ma réputation. Je sais pertinemment qu’à mon retour, rien ne sera comme avant. Cependant, je ne souhaite pas penser au futur pour l’instant.

Au bout de quelques minutes, la ville disparait derrière l’horizon. Je regarde les vagues en gardant un petit sourire sur mon visage. Ce monde me parait si vaste et il n’y a plus aucune once de forme autour de moi, juste des grandes étendues d’eau à s’en noyer rien qu’en regardant. Kaïs me rejoint et s’installe à côté de moi, au bord du bateau. Nous regardons tous les deux l’horizon sans parler, apaisés par le bruit de l’eau qui nous porte et au vent qui souffle dans nos oreilles. Notre silence est rapidement calmé quand une grosse vague vient claquer contre la coque du bateau et nous éclabousser au passage. Je recule en riant, trempée puis me tourne vers Kaïs qui était, lui aussi, imprégné d’eau de mer. Mais lui ne rigole pas vraiment alors je me permets de faire une blague pour détendre l’atmosphère.

- J’imagine que c’est un message de bienvenu ! dis-je en riant.

- Nous sommes bon pour aller nous changer.

Il ne rigolait pas vraiment mais je pu lire un petit sourire sous sa cascade de bouclette. Je lui adresse un nouveau sourire puis descends dans notre chambre pour me changer. Il ne m’avait pas suivi, bien évidemment, pour que je puisse le faire sans sa présence. J’enfile un petit haut à manches bouffantes, un corset marron par-dessus et un pantalon taille haute beige. Cela fera l’affaire. Mes cheveux étant aussi trempés, je les essors et les attache en chignon bas pour ne pas qu’ils me dérangent. Kaïs entre quelques minutes plus tard après avoir attendu mon accord, pour se changer. Alors que je m’apprêtais à sortir pour le laisser seul, il retire son haut devant moi et passe à côté pour atteindre ses affaires. Ne m’y attendant pas du tout, je deviens rouge comme une tomate. D’autant plus qu’il lâche une phrase très gênante au même moment :

- Quoi ? Vous n’avez jamais vu un homme torse nu ?

- Euh… Je… Si si… Parfaitement… Je ne m’y attendais juste pas.

- Vous allez devoir vous y habituer si vous voulez qu’on continue ensemble.

- Comment ça ? répondis-je en détournant le regard pour ne pas voir le reste de son changement.

- Nous n’allons pas toujours voyager dans le confort, vous savez ? Il n’y a pas toujours des hôtels pour vous accueillir.

- J’en suis parfaitement consciente.

- Ah oui ? Vraiment ? dit-il en se mettant à côté de moi.

Je me tourne alors vers lui, déduisant qu’il avait fini de s’habiller.

- Vraiment, Kaïs.

- Malgré tout le respect que je vous dois, bien que vous ne soyez plus personne désormais, je ne pense pas que vous soyez prête.

Je tourne la tête vers lui et croise les bras pour lui montrer que je ne suis pas d’accord même si je ne suis pas spécialement crédible à l’heure actuelle.

- Je ne vous paie pas pour que vous me fassiez peur mais plutôt pour que vous fassiez attention à moi.

- C’est ce que je fais à ce moment précis. Le monde n’est pas tout beau, tout rose comme dans vos livres de conte.

- Je ne lis pas de livre de conte !

- Vous êtes née dans la bourgeoisie, bien sûr que vous lisez des livres de conte.

- Cessez de me prendre pour une enfant, Kaïs ! Je suis partie en étant consciente du danger et des circonstances actuelles ! Et je vais vous prouvez que je suis parfaitement prête à vivre cette aventure ! répondis-je en haussant la voix.

Sur l’élan de colère qui se réveillait en moi, je récupère une veste et pars vers le café qui se trouvait dans la coque du bateau, espérant ne plus avoir à le revoir avant quelques heures, le temps que mes émotions se calment. Je commande un café au lait au comptoir et m’installe sur une petite table en bois en soupirant. Si tout le voyage se passe comme ça, cela risque d’être long ! Et vu sa capacité à nouer des relations, je ne m’attends pas à ce qu’il vienne me faire des excuses. Ce qu’il peut être ingrat ! Et se déshabiller devant une femme ! Il manque vraiment de pudeur.

A ce moment précis, je regrette d’avoir repoussé la demande de James. Il aurait été meilleur sur tous les points : plus gentil, plus respectueux, plus souriant aussi ! Et surement plus agréable à regarder. Alors que je commençais à rebouillir de l’intérieur, mon café au lait arrive devant moi à l’aide d’un gentil serveur. Je lui adresse un petit sourire et le paie en le remerciant puis commence à boire tranquillement ma boisson pour me calmer. Le bateau tangue et pour boire dans cette mini tasse, il faut limite être acrobate. Mais je réussi à poser la porcelaine sur ma bouche et goute ce bon café. Je sens la chaleur de ce breuvage glisser dans ma gorge et mon corps et cela m’apaise directement. Si délicieux !

Petit à petit, j’entends une mélodie douce, aigue et terriblement belle. Mes pensées criaient si fort dans ma tête que je n’ai pas réussi à les écouter avant. Je recherche alors la source du son. J’en profite pour prendre conscience de la beauté de cet endroit. Tout était en bois au ton très beige et chaleureux, avec quelques tableaux et quelques photos des passagers venu auparavant mais aussi celle de l’équipage. La musique provient d’une petite boite ornée de quelques touches d’or et d’un peu de vert émeraude tenue dans les mains d’un homme qui me parait si triste. Cette boite contient aussi un objet à l’intérieur que je n’arrive pas à voir d’ici. Maintenant que je le vois comme cela, il est vrai que cette musique est pleine de tristesse et en même temps d’innocence.

Une fois mon café terminé, je le dépose sur le comptoir et m’avance vers le vieillard à la boite à musique. C’est à cet instant que je remarque l’objet : une bague. En voyant sa beauté, j’en déduis qu’il s’agissait d’une bague de mariage. Je m’assois doucement en face de lui pour ne pas l’effrayer, lui qui semble si perdu dans ses pensées. En posant mon regard sur la personne en face de moi, je remarque qu’il y a des larmes dans ses yeux rouges.

- Quelle belle mélodie, dis-je en souriant un peu pour lui montrer de l’affection.

- Oui… Cette boite appartenait à ma femme, prononce le vieillard avec difficulté.

- Elle est magnifique.

- C’est un cadeau que je lui avais offert lors de notre mariage… Maintenant c’est la seule chose que je garderai d’elle, annonce-t-il en essuyant une larme.

- Toutes mes condoléances… Je suis sûr qu’elle veuille sur vous en ce moment même à travers cette musique.

- Je n’ai même pas eu le temps de lui dire au revoir… Ma femme adorée…

En voyant les larmes et la détresse de cet homme, je ne peux m’empêcher d’avoir aussi les larmes aux yeux. Il était si touchant mais si… si désemparé. Je prends sa main en souriant pour le rassurer et essayer d’apaiser son chagrin en lui promettant qu’elle veillera toujours sur lui. Mais au fond, son histoire m’avait tellement touché que je pense moi-même à tous ces gens partis trop tôt, à mes parents qui doivent se faire un sang d’encre à l’heure actuelle. Ma vision se brouille à force que je pense et je fini par pleurer à mon tour. Ce vieil homme vient, au travers de son histoire, de me rappeler à juste titre que nous n’avons pas le contrôle sur la mort et que la seule chose que nous pouvons faire c’est profiter de nos proches, leur dire qu’on les aime avant qu’il ne soit trop tard et que l’on finisse seul. Je devrais aller m’excuser auprès de Kaïs.

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