Chapitre 5

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Cette journée me parait interminable, j’ai tourné en rond à la recherche de toutes les questions que j’ai à lui poser en attendant que l’heure passe. J’en avais à la fois plein et en même temps pas du tout. Jamais, on ne m’avait mis autant le doute sur mes connaissances. Peut-être que finalement je ne savais pas tant de chose que ça ou que tout était faux. C’est avec beaucoup d’appréhension que je décide de partir un peu plus tôt vers le lieu du rendez-vous. Je sais que cela ne sert à rien, qu’il va surement être en retard en vue de sa politesse exemplaire. Mais en arrivant devant l’arbre où je m’étais installée, je le remarque. Il était déjà là. Je prends alors quelques secondes pour l’observer car nos rencontres avaient toujours été brèves. Grand, musclé, surement car il travaille beaucoup, cheveux bouclés brun mais surtout une tenue plutôt souillée. Je me demande vraiment si j’ai bien fait de m’attarder sur lui. Peut-être que Rose avait raison : peut-être qu’il est dangereux. Alors que je commence vraiment à trop analyser la situation et que je deviens de plus en plus réticente à l’idée d’être seule avec lui, il se tourne dans ma direction et me repère. Je reprends mes esprits en essayant de ne pas paraitre trop paniquée.

- Vous savez que c’est malpoli d’épier les gens, dit-il.

- Il me semblerait que la politesse ne fasse pas partie de vos compétences de toute façon.

Il lève les yeux au ciel. Peut-être ai-je été trop brusque ? Il ne faut pas que je le braque, sinon cela risque de mal tourner.

- Mais vous êtes en avance donc il semblerait aussi que je me sois trompée sur vous.

Pas de réponse.

Je prends mon courage à deux mains et me rapproche légèrement de lui pour avoir une distance plus raisonnable et aussi peut-être pour l’encourager à me parler. Mais rien. Je romps le silence la première.

- Est-ce que c’est possible de connaître votre nom ?

- Appelez-moi Kaïs.

- Très bien.

Encore un silence… Ce moment devient vraiment gênant. Est-il ici pour me parler ou uniquement faire le mort et n’absolument rien dire. Ou pire, est-il ici pour me tuer ? Mais non…

- Dites-moi, Kaïs, que faisiez-vous ici l’autre soir ?

- Je vous ai vu au loin alors je suis uniquement venu vous prévenir de ne pas rester seule.

- D’accord… Et pourquoi cela ?

- Madame Villente… Vous-

- Appelez-moi Amélia.

- Très bien, Amélia. Vous ne savez rien de ce monde. Je ne sais pas ce qu’on vous apprend dans votre cage dorée mais ça n’est surement pas la réalité. La nature n’a rien de beau ni autre, elle est dangereuse et vous devez vous en méfier.

- Pourquoi ? Comment savez-vous cela ? Quelque chose vous est arrivée dans le passé ?

- Je ne peux pas vous répondre mais vous devez me croire. Faites attention à vous.

- Dites-m’en plus. Je veux connaître ce monde. Je ne veux pas rester dans ma « cage dorée » comme vous dites. Je me sens réellement bien qu’ici.

Soudain je vois qu’il hésite à m’en parler mais quelque chose semble le bloquer, comme-ci c’était pour me protéger, ou se protéger peut-être. Je crois lire une lueur de tristesse mais aussi d’espoir dans ses yeux qui le trahisse. Je décide d’insister en voyant l’opportunité se présenter à moi.

- S’il vous plait, Kaïs.

- J’ai une solution pour vous. Vous ne souhaitez pas rester ici et apprendre à connaître ce monde ? Alors partez le voir, ce monde.

- Vous auriez un moyen ? Il m’est impossible de partir comme ça sans la moindre raison, un moyen de transport, puis seule c’est utopique. Je ne crois pas que ce soit une solution envisageable.

- Vous avez bien un entourage ? Une amie, un compagnon, peu importe !

Je détourne les yeux de son regard en soupirant. Je sais pertinemment que personne ne partirait avec moi, jamais. Rose a beau être une amie proche dont nous partageons quelques centres d’intérêts, elle a une vie ici et ne partirait pas. Et à mon grand désespoir, à part elle, je n’ai pas d’amis. Après quelques secondes de réflexion, Kaïs reprend la discussion.

- Je dois m’en aller Madame Villente.

- Très bien… Au revoir Kaïs.

Je le regarde alors disparaître au loin en réfléchissant à notre conversation. Rose ne partirait pas avec moi et je suis assez proche de personne pour faire un voyage aussi important. Et mes parents ? Que vont-ils penser ? Ai-je vraiment le droit de partir comme cela ? Jamais je n’ai osé sortir de cette ville, oserai-je partir faire un voyage ? Beaucoup de questions filent dans ma tête suite à cette discussion mais il avait raison, c’est le seul moyen que j’ai de voir le monde et il ne semble pas vouloir me dévoiler ce qu’il sait malheureusement. Pourtant une pulsion très forte me pousse à aller le rattraper et de lui proposer de partir avec moi. Je sais, au fond de moi, que c’est la meilleure décision à prendre. Il faut que je parte d’ici, j’étouffe. Et lui seul peut accepter de partir et même si je n’ai pas vraiment complètement confiance, s’il me veut vraiment du mal, il aurait eu le temps de le faire. Je laisse cette intuition prendre le dessus et commence à courir dans sa direction sans vraiment savoir ce que cela va amener. Mon cœur bat à mille à l’heure, mes poumons ont du mal à se remplir correctement et je sais pertinemment que ce choix changera définitivement ma vie, brisera ma famille, blessera certains mais je me lance, j’ose.

Une fois arrivée dans la ville, je regarde les environs, je ne le vois plus. Les gens marchent tout autour de moi pendant que je regarde dans tous les sens en espérant le reconnaître. Au bout de quelques secondes je crois apercevoir son dos et ses cheveux bouclés. Je me remets alors à courir dans sa direction, bousculant parfois les personnes sur mon chemin. Je ne contrôle plus rien, mon cœur a pris le dessus sur ma raison et je me laisse faire. Une fois arrivée plus proche de lui je l’appelle, cris son nom mais il ne semble pas m’entendre à cause du bruit des voitures, des usines, des personnes. Je continue de courir et réussi à le rattraper. Je m’accroche à sa manche, à bout de souffle, pour le stopper, ce qu’il fait avant de se retourner vers moi, surement surprit de me voir. Mais je suis trop essoufflée pour parler, je lâche sa manche et pose ma main sur mon cœur en espérant vite retrouver mon souffle. Je ne sais pas vraiment ce qu’il vient de se passer et lui doit surement être très stupéfié de me voir le rattraper.

- Madame Villente, tout va bien ? Vous avez vu quelque chose ?

- Amélia… dis-je en me penchant légèrement en avant, espérant que cela m’aide à reprendre mon souffle.

Je me redresse, après quelques secondes de récupération, en replaçant quelques mèches qui s’étaient envolées dans tous les sens dans ma course à la liberté. Je dois vraiment avoir une sale tête mais je m’en fiche.

- Partez avec moi.

- Pardon ?

- Kaïs, partez avec moi.

Il semble sous le choc de ma proposition et je le comprends, moi-même je suis surprise de lui proposer cela mais je l’ai quand même fait. Je lui adresse un sourire pour le rassurer comme quoi ma décision n’est pas prise à la légère mais aussi pour me rassurer moi-même en quelques sorte.

- Partez avec moi. Je n’ai personne avec qui partir et jamais je ne pourrais le faire seule. Vous semblez avoir des connaissances alors que je ne sais rien. S’il vous plait acceptez ma requête.

- Je suis désolé mais je ne peux pas.

- Je vous paierai si là est le problème.

Il semble réfléchir à mon offre pendant quelques temps. J’en profite pour de nouveau calmer ma respiration et aussi mon cœur qui bat toujours à mille à l’heure.

- Très bien. Je vous accompagnerai, je viendrai avec vous.

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