03 - La méchante sorcière

15 minutes de lecture

32e jour de la saison de la lune 2440 — PDV Azéna


En ce jour, Azéna avait fêté son septième anniversaire. Dès son réveil, elle fut choyée par sa mère, sa grande soeur Argent, son petit frère Gendrel et même son père qui s'était montré distant depuis que Sérus lui avait révélé son adoption. Une sans nom le garçon aîné avait-il dit. Elle ne l'avait pas oublié. Comment pouvait-elle, particulièrement quand l'avalanche d'insultes n'avait cessé depuis ? Et ce caractère de cochon... Bref, Azéna assoiffée d'une sale envie de le frapper, n'avait pas cédé à l'impulsion. Elle encaissait comme un bouclier. Bien qu'elle fût consciente que ses mots insignifiants aux yeux de plusieurs, sa patience se faisait mince. Trois saisons de cette torture constante; s'en était assez. Sa mère ne cessait de lui répéter que lorsqu'il vieillirait, que tout cela s'arrangerait. Azéna éprouvait de la difficulté à le croire. Plus le temps passait, plus il perdait sa bonne volonté. Heureusement, il ne s'était pas manifesté cette journée-là.


Notre fillette aux yeux bleu vif toisait son reflet devant un grand miroir laissé dans l'un des multiples corridors de sa demeure. Ce dernier allait bientôt être déplacé et elle en profitait pour évaluer sa croissance.


— Encore si courte, grogna-t-elle, déçue. Quand vais-je grandir un peu ?


Elle n'arrivait jamais à intimider qui que ce soit et ça l'agaçait, surtout quand Sérus ne faisait que devenir de plus en plus costaud.


— Honnêtement, si père serait -


Elle s'arrêta brusquement alors que la réalisation que Bayrne n'était pas vraiment son père lui envoya un nœud à la gorge. Il avait été si bon avec elle et maintenant, il ne se préoccupait que de Sérus. À son éducation et à son entraînement, réclamait-il. Qu'en était-il de ses autres enfants ? N'étaient-ils pas aussi importants ? Et le chouchou ne manquait pas une occasion de se vanter de son privilège.


Irritée par le développement de sa relation avec son père adoptif et avec son grand frère, Azéna serra les dents et fronça les sourcils. Elle ferma les yeux, rumina pendant un long moment puis, enfin, ses muscles se tendirent. Elle désirait devenir forte et indépendante, mais elle ne savait pas comment y arriver et aucune solution concrète ne se manifestait à elle. Les conseils de sa mère semblaient inadéquats et les plans de Gendrel ne les menaient nulle part. Elle avait besoin de nouvelles connexions, de nouvelles ressources.


C'était décidé. Elle s'échapperait au centre-ville le soir venu, lorsque Kardun retournera chez lui. À ce moment, il y a un bref délai pendant lequel il n'y a pas de garde à l'entrée. Cette fois, personne ne l'arrêterait et Sérus n'en saurait rien, car elle n'allait le répéter à personne.


— J'ai droit à un gâteau d'anniversaire, se dit-elle avec un fier sourire aux lèvres.


Elle se dirigea vers la salle à manger où sa famille l'attendait. La table était bondée de nourriture; un souper qui aurait pu nourrir une vingtaine d'hommes. À chaque fois, il y en avait bien trop et les restants allaient aux domestiques.


Lorsqu'elle s'installa à côté de Gendrel et de sa mère, elle remarqua que cette dernière fit un signe de tête en direction de son époux. Le seigneur ronchonna puis s'efforça de paraitre heureux.


— Ce soir seulement Azéna, tu as la permission de choisir la nourriture que tu désires.


— Gâteau ! s'exclama-t-elle.


— À condition que tu manges ton souper avant ton dessert, continua Bayrne qui plissa les yeux, clairement mécontent de la réaction de sa fille.


Normalement, il était si strict et obligeait tout le monde à dévorer une armée de légumes à chaque repas, ce qu'Azéna détestait. Elle était déjà chanceuse qu'elle pourrait s'en passer et elle ne pouvait pas abuser de la clémence du seigneur.


— La viande est beaucoup plus difficile à produire, rouspétait-il à chaque fois qu'elle se plaignait. Il faut bien la ménager si on ne veut pas en manquer. Vous en avez droit à un peu à chaque repas et c'est bien assez pour vous garder en santé.


Il mentait. Elle en était certaine. Les Kindirah formaient la famille la plus riche et puissante du royaume de Daigorn. Comment pouvait-il avoir un montant si limité de viande ?


— D'accord, d'accord, grogna la fillette. Je prendrais une portion additionnelle de poulet dans ce cas.


— C'est entendu, décida Bayrne.


Quand vint le moment tant attendu: la distribution des parts du gâteau à la citrouille non-cuite, le cuisinier se présenta devant la famille. Il baissa les yeux au sol, entrelaça ses doigts, se tortilla légèrement et paraissait tout petit comparé à d'habitude.


— Qu'y a-t-il ? demanda Bayrne.


— Le gâteau... hum.... elle... , balbutia le domestique en rougissant de honte.


— Parle, insista le seigneur avec irritation.


— Quelqu'un l'a dévoré il y a peu, monseigneur...


Le cuisinier se recroquevilla, Bayrne le fusilla du regard et Sérus pouffa de rire.


— Pas de dessert pour une fausse Kindirah, dit nonchalamment le garçon à la crinière ébène.


— C'était toi ! rugit Azéna dont le visage s'empourprait de rage. Et je ne suis pas une fausse Kindirah !


— Sérus ! s'exclama leur mère, choquée.


— Ingrat ! insulta Gendrel en pointant son grand frère.


Tous sauf Sérus tournèrent leur attention vers Bayrne en attendant une réaction. Azéna espérait qu'enfin c'en était trop pour le seigneur et qu'il allait réprimander son chouchou. Ce fut Rivatha qui s'exprima la première:


— Chéri... Azéna ne mérite pas -


— Prépares-moi un nouveau gâteau et hâtes-toi, ordonna le suzerain au cuisiner apeurer.


C'était tout ? Pas de punition pour ce vilain qui venait d'insulter sa propre fille devant toute leur famille ? Azéna en était à la fois bouche bée et vexée. Non, elle n'en pouvait plus. Elle méritait ses vacances immédiatement. Là-bas, elle pourrait hurler et cogner sur des objets sans se faire disputer. Elle avait besoin d'évacuer sa haine. Au diable les règles et la politesse !


— T-toute de suite monseigneur, répliqua le cuisiner d'une voix légèrement tremblante.


Bayrne hoche de la tête, semblant satisfait. La famille entière fixa le domestique qui fit une révérence et se dirigea vers la sortie de la salle à manger. Il était mince, frêle et portait une si longue chevelure que celle-ci atteignait le bas de son dos. Azéna en désirait une comme la sienne, mais sa mère le lui refusait. L'excuse de cette dernière: qu'elle était une noble ainsi elle devait de montrer propre. De simples gestes la rendaient irascible contrairement à auparavant. Elle détestait ce changement dans sa personnalité, mais cela ne cessait de se produire.


Incapable de se contenir plus longtemps, son choix fut la fuite ou la crise de colère. Elle se leva de table et s'élança vers l'entrée du château, ignorant les implorations de sa mère pour qu'elle reste. En chemin, elle bouscula Serfie qui se préparait à nettoyer une console sur laquelle se trouvaient plusieurs décorations fragiles. La pauvre domestique reçut un vilain coup à la tête et resta sonnée assez longtemps pour permettre à Azéna de s'échapper. La fillette savait qu'elle n'avait pas besoin de trainer en raison de la présence du cuisinier. Libre de culpabilité, elle pouvait se concentrer sur sa destination: le centre-ville.


Toujours dans une charge vers l'entrée de l'enceinte de la demeure de sa famille, Azéna sentit une larme de frustration lutter pour quitter son œil. Elle en avait assez d'être la tâche des Kindirah. Elle n'avait plus envie de faire des efforts pour eux. Elle désirait de la liberté afin de découvrir qui elle pouvait devenir et ça, elle ne le trouverait pas tapi dans ce château dominé par des attentes prédéterminées.


Il faisait sombre. Le deuxième soleil était déjà couché à cette heure. La fillette avait besoin d'un manteau et des bottes si elle ne voulait pas périr sous la morsure rigide de l'hiver. Elle avait beau désirer être robuste; elle savait que son corps frêle n'était pas de taille contre le froid.


Elle se dépêcha vers l'extérieur en empruntant une voie qu'elle et Gendrel utilisaient souvent pour échapper aux domestiques qui tentaient de les discipliner. Personne ne passait par là. C'était négligé et crassé, comme si c'était l'aile oubliée de la demeure. Il n'y avait rien de bien spectaculaire sauf la statue poussiéreuse d'un individu dont Azéna ne connaissait pas. Ce dernier était dépeint comme un homme costaud à la chevelure longue, raide et noire. À première vue, il était charmant, mais plus on fixait ses petits yeux, plus ceux-ci se remplissaient de malice comme s'il désirait vous jouer un mauvais tour. Il portait une armure lourde et étrangement, une vraie cape en fourrure. C'était le seul objet qui ne faisait pas partie de la pierre. Azéna et son frère n'avaient jamais osé le lui retirer. Qui sait ? C'était peut-être la statue d'un dieu, majeur ou mineur. Elle était conscience qu'il ne fallait au grand jamais attirer la colère d'une divinité.


Mais cette fois Azéna prit le risque. Elle bougonna alors qu'elle tira sur la cape en espérant qu'elle tombe. Ce qu'elle détestait être courte !


Enfin, la cape se détacha sans résistance alors qu'autrefois elle n'avait pas bougé du tout malgré les efforts titanesques de la fillette.


— Étrange, murmura Azéna qui trouvait le phénomène louche.


Elle monta le regard et croisa celui de la statue qui paraissait encore plus intimidante que d'habitude. Elle poussa un cri de surprise et tomba à la renverse, atterrissant sur ses fesses.


— Qui êtes-vous ?


Elle ne s'attendait évidemment pas à une réplique. Elle resta là, songeuse pendant un instant.


Enfin, elle s'enroula dans la cape qui faisait deux fois sa taille. Avec ça, elle n'aurait aucun problème à vaincre les éléments. En revanche, les souliers qu'elle portait n'allaient pas faire l'affaire; elle allait devoir prendre soin de ne pas marcher dans la neige creuse.


Avec un peu de chance, Kardun allait être absent et son remplaçant négligent aussi.


Une fois à l'entrée de l'enceinte, c'était exactement le cas. Clairement, le garde de nuit n'avait pas appris sa leçon la dernière fois. Tant mieux pour Azéna. Son évasion semblait possible.


Alors qu'elle activait le mécanisme de poulie qui ouvrait le portail en fer forgé, elle entendit un cri, un appel à son nom. Elle reconnue Serfie qui, d'après le volume de sa voix, approchait. Le temps s'écoulait rapidement, mais elle avait besoin que d'un espace étroit pour passer. Encore un peu plus d'efforts et elle pourrait se faufiler entre les deux portes.


— Azéna !


Une deuxième voix; celle de son père. Il était encore plus près que la domestique.


— Allez, supplia la fillette dans un murmure.


Un instant passa et la fente fut enfin assez grande. Azéna agrippa fermement le collet de sa cape dont l'extrémité trainait sur la neige fraîche et détala à petites enjambées le plus rapidement possible.


Elle ne savait pas où elle se dirigeait. Il y avait tant de chemins, tant de possibilités, tant de ruelles, tant de virements, mais elle allait apprendre avec l'exploration et plus particulièrement en se perdant. Sa situation la stressait un peu, mais son battement de cœur effréné était principalement dû à son excitation. Enfin, une vraie aventure !


Elle avait déjà été au centre-ville. Elle reconnaissait les maisons propres et bien bâties bien que leur taille ne venait pas à la cheville de sa demeure. Tout de même, elle savait que les habitants ici venaient souvent au château et ils étaient tous polis. C'est pour cela que lorsqu'elle rencontre un homme à la moustache recourbée, elle ne ressentit aucun changement émotionnel. Elle était confortable avec la nouvelle présence.


— Petite Azéna, vous devriez retourner chez vous, conseilla-t-il sur un ton monotone.


— Pourquoi ? questionna la fillette.


— Parce que ceci est un quartier paisible et nous vous prions de ne pas attirer le chaos avec vous ici.


— Je ne suis pas certaine de comprendre.


— Si vous continuez vers le sud, vous retrouverez au centre-ville. Je vous conseille d'y aller jeter un coup d'oeil. Il y a toujours des évènements intéressants.


— Ce n'est pas ici le centre-ville ?


— Oh non ! C'est un quartier de la haute-société ici. Mais trêve de bavardage ! Je ne voudrais pas vous ennuyer. Allez-y, jeune fille !


Cette fois, il semblait plus insistant comme s'il perdait son sang-froid. Soudainement, Azéna sentit un malaise naître en elle, mais elle choisit de faire confiance en l'homme.


— D'accord.


Elle se dirigea vers le sud sans trop y réfléchir. Par contre, plus elle s'enfonçait dans la ville, plus elle remarqua que la qualité des habitations se détériorait. Ses parents n'avaient jamais mis le pied ici avec elle. L'ambiance était oppressante, mais elle adorait que ce fut tout nouveau. Les rats, creusant dans les tas de déchets près des maisons, couinaient par dizaines. Heureusement que le tout était surgelé, car une odeur nauséabonde se serait sûrement propagée un peu partout. L'air était plus lourd qu'elle ne l'aurait imaginé en cause d'un mélange d'humidité et de toxicité. Même le linge qui était accroché aux lignes semblait malpropre alors qu'il venait probablement d'être lavé.


Azéna rencontra un garçon qui semblait un peu plus jeune qu'elle. Celui-ci était enveloppé dans une couverture trouée et grelottait. Elle s'arrêta et se pencha pour être à sa hauteur.


— Pourquoi n'êtes-vous pas à l'intérieur ? demanda-t-elle en tentant de se montrer polie comme sa mère lui avait appris.


— P-pas m-maison, dit-il entre des claquements de dents.


Il semblait avoir de la difficulté à s'exprimer ce qui attrista Azéna. Peut-être n'avait-il pas reçu une éducation; peut-être était-il seul. Il allait mourir dans ce froid; cette couverture mince tombait en lambeaux. Par réflexe, elle voulut lui offrir sa cape, mais elle réalisa qu'elle ne pouvait pas s'en séparer. Le cœur brisé, elle s'éloigna sans trop savoir quoi lui dire.


Elle continua sa tournée du quartier et réalisa que les gens ici ne vivaient pas du tout comme elle. Son aventure n'était pas aussi grandiose qu'elle ne l'avait imaginé.


Un homme à la grosse barbe mal taillée la pointa du doigt depuis la fenêtre de sa maison qui était sur le point de se délabrer.


— Une sorcière ! hurla-t-il, les yeux larmoyants et le teint blafard comme s'il était souffrant. Une sorcière ! Une petite sorcière ! Nous sommes maudits ! Voilà le signe ! Les divinités nous en veulent !


Azéna regarda autour d'elle, certaine qu'il devait parler de quelqu'un d'autre et réalisa qu'elle était la seule dans la rue. Les autres citoyens étaient tous dans leurs habitations et la fixaient par leur fenêtre. Ils semblaient pour la plupart craintifs, mais certains paraissaient colériques. Honnêtement, Azéna n'avait jamais entendu ce terme: sorcière.


— Monsieur ! appela-t-elle au vieillard. Qu'est-ce que vous voulez dire par sorcière ?


— Ne fais pas semblant ! cracha-t-il avec véhémence. Nous allons tous périr ! Va-t'en ! Retourne d'où tu viens !


Azéna ne savait pas trop comment réagir à cela. Elle resta figée, incapable de former une pensée rationnelle. Qu'est-ce qui n'allait pas avec elle ? Était-ce pour cela que Sérus et son père adoptif avaient été si méchants avec elle ?


— Tu as entendu Ethakan, petite fille, beugla un autre homme à l'entrée de sa maisonnette. Files ! Déguerpis !


— Mais je ne comprends pas, dit Azéna avec confusion. Qu'est-ce que j'ai fait ?


— Je vais m'en occuper papa, annonça un garçon d'environs l'âge de Sérus.


Ce dernier sortit de la même habitation et se dirigea les poings et la mâchoire serrés vers l'exploratrice qui commençait à paniquer. Elle recula de quelques pas, mais elle fut stoppée par un mur en pierre. Dernièrement, elle avait toujours peur que Sérus lève la main contre elle, mais il ne l'avait jamais fait. Cependant, ce garçon, ce blondinet au regard gris fer, portait une expression encore plus effrayante que celle de son grand frère: il était neutre, en parfait contrôle de lui-même. Il était déterminé, sans peur.


Azéna voulut hurler, mais son corps ne répondait pas à ses pensées.


Sous le regard des plusieurs citoyens, il la frappa. Personne ne réagit, même que certains semblaient pousser des soupirs de soulagement.


Azéna ne comprenait pas ce qu'elle avait fait pour mériter un tel traitement, mais elle reçut un autre coup; cette fois au ventre. Elle s'écroula lourdement au sol et se recroquevilla en tentant d'atténuer la douleur exorbitante qui la paralysait.


— Sorci -


Le garçon ne termina pas ce qu'il avait voulu dire. Au lieu, il poussa un gémissement et détala. Il était sûrement parti se réfugier dans sa maison. Que c'était-il passé ? Pourquoi avait-il eu si peur ?


— Ça va ? demanda une voix douce et très féminine. Rien de cassé ?


Ces paroles envoyèrent un frisson de réconfort au travers de l'épine dorsale de la blessée. Quelqu'un l'avait défendue; elle était sauvée. Une main chaude vint agripper la sienne et l'aida à se relever. Sa sauveuse était une bonne tête de plus grande qu'elle et était encapuchonnée. Avec sa vision qui se rétablissait lentement, il était impossible de discerner les détails de son visage.


— Elle a ensorcelé la petite de Lyran ! s'exclama le dénommé Ethakan. Allez le prévenir ! Vite avant qu'elle ne soit perdue !


— Peux-tu me faire le plaisir de te taire Ethakan ?!?! cracha la demoiselle à la chevelure ondulée et aux yeux noisette.


Elle serra fortement la main d'Azéna et l'entraîna avec elle au travers du labyrinthe de ruelles. Durant ce temps, la Kindirah reprit ses esprits et réalisa qu'elle était en danger.


— Je dois retourner chez moi.


— Où ? demanda la brunette.


— Le château.


Son interlocutrice s'arrêta brusquement, tourna le regard doucement vers elle et sa lèvre inférieure trembla. Elle était nerveuse, elle qui semblait si confiante il y avait un instant.


— Es-tu... Enfin... Je suppose que tu es une domestique de la famille Kindirah ?


Azéna pouffa faiblement et hocha négativement la tête.


— Tu ne peux pas être...? continua la roturière avec hésitation.


— Je suis la fille de Seigneur Kindirah, confirma la noble.


— C'est pas vrai... Ummm...


Elle relâcha la main d'Azéna et joua avec l'une des mèches de sa longue crinière. Ses joues étaient roses, sûrement en cause de la température glaciale, mais peut-être aussi en cause qu'elle était timide. C'était si étrange; elle avait été si brave, un instant plus tôt.


— Je ne peux pas te parler, expliqua-t-elle.


— Pourquoi pas ? questionna Azéna avec légère irritation. Je ne suis pas comme les autres nobles.


Elle commençait à en avoir assez de se faire juger. Cette fille semblait gentille et elle désirait se faire des nouveaux amis, particulièrement en dehors du cercle de sa famille. Elle détestait les introductions. Elle ne savait jamais comment y procéder, particulièrement avec un roturier. Normalement, ses parents l'empêchaient d'avoir contact avec eux.


— Je m'appelle Azéna et je... ermmm... Merci de m'avoir sauvée...


Son propre embarras sembla aider la brunette qui eut un sourire en coin et reprit un peu de ses couleurs naturelles. D'ailleurs, ses taches de rousseurs parurent plus visibles. Ça lui donnait une allure sympathique.


— Bentrh — le mec qui t'a attaqué — et sa bande sont des idiots, expliqua-t-elle. C'est toujours mon père qui leur donne une raclée lorsqu'ils m'embêtent. Malheureusement, il n'était pas dans le coin donc j'ai dû improviser. Je n'ai jamais frapper quelqu'un auparavant.


Elle s'examina la main et remarqua que ses jointures étaient légèrement enflées.


— Maman va être tellement fâchée.


Azéna l'écouta tout simplement en silence. Cette fille, elle s'exprimait tellement naturellement, contraire à tout ce que la Kindirah avait connu dans sa vie. Après tout, elle avait été entourée de nobles et non de roturiers.


— Oh ! s'exclama la brunette alors que ses joues s'enflammèrent à nouveau. Excuse-moi ! Umm... Je suis Fayne de la famille Litfow. Tu connais ?


Azéna remarqua que Fayne la tutoyait ce qui était considéré extrêmement impoli lorsqu'on s'adressait à quelqu'un avec qui on n'était pas familier. C'était un rare privilège, mais ici, cela semblait complètement normal. La noble sourit, heureuse de ne pas devoir se préoccuper de toutes ces formalités.


— Je t'ai offensée ? dit Fayne avec nervosité.


Azéna réalisa qu'elle avait été muette pendant un moment.


— Pas du tout, pas du tout ! Je suis comblée par cette rencontre inattendue.


La mâchoire de Fayne ainsi que sa posture se détendirent.


— C'est bien, c'est bien. Je peux te raccompagner jusqu'au château. Je connais cette ville comme le fond de ma poche.


Malgré la situation maladroite, Azéna appréciait cette fille. Elle semblait bonne vivante et surtout, honnête et aimable. Elle voulait lui proposer qu'elles deviennent amies, mais elle ne savait pas comment aborder ce sujet. Un noble et un roturier ne devaient pas interagir selon ses parents. Elle entrecroisa ses doigts, cherchant la bonne formulation.


— Aimerais-tu qu'on deviennent amies ? lança tout simplement Fayne.


— J'essayais justement de te le suggérer, dit la plus jeune fille, comblée que la brunette lui eût enlevé les mots de la bouche.


Elles se mirent en route vers le château. Décidément, cet anniversaire n'était pas complètement ruiné.

Annotations

Vous aimez lire DarkOctober ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0