Exodus

de Image de profil de Violette V.Violette V.

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Mon souffle était erratique, mes membres brûlaient, mes mains tremblaient, mais je continuais de taper le sol bétonné de mes pieds douloureux. Derrière moi les gardes me hurlaient des ordres d'arrêt. Il ne fallait surtout pas qu'ils m'attrapent.

Plusieurs fois j'avais fait des cauchemars où ils me poursuivaient, mais jamais je n'avais réellement pensé que ça arriverait pour de vrai. Pourtant ce n'était qu'une petite faute, une toute petite qui je le savais, allait me coûter la vie ainsi que la fine liberté qu'ils m'accordent jusqu'à présent. Ce n'était qu'une petite erreur que j’avais commise pour aider mon grand-père, cette vieille personne qui ne pouvait même plus me reconnaître à travers toute sa souffrance. Il m'avait oublié dans les méandres de la douleur, il y a bien des années maintenant, seulement obnubilé par les pertes de son tragique passé.

Si les soldats m'attrapaient, Grand-père allait mourir. Il était trop faible, trop dépendant de moi, il ne pouvait même pas descendre de notre minuscule appartement sans que ses frêles membres le lâchent. Il allait mourir et moi j'allais finir sous les barreaux à dix-huit ans ou pire, j'allais être définitivement marqué et envoyé chez les Opulents. C'est avec cette montée de stress et d'adrénaline que je me mis à courir d'autant plus vite. Cette perspective d'un futur construit sur l'assujettissement et le malheur m'apeurait.

Mais rien ne m’aidait à reprendre espoir. Les murs en béton armé que je voyais autour de moi ne me laissaient aucune issue. Les fenêtres des logements ne descendaient pas en dessous des trois mètres et étaient recouvertes de barreaux. Les immeubles étaient serrés, austères et inquiétants, seulement deux mètres les séparaient, ne laissant que peu de place pour ma fuite, semée d'embûches telles que des poubelles, des déchets et quelques Échoués défoncés et cachés entre les détritus. Mon cœur était oppressé par cette sensation d'être toisé par cette taille démesurée qu’avaient ces gratte-ciels. Alors que j'entendais les pas et les voix des soldats se rapprocher, une lueur d’espoir me surpris, à moins de quinze mètres, un carrefour desservait trois issues. Une balle siffla à quelques centimètres de ma tête, raillant un mur de béton, manquant de me faire faire un arrêt cardiaque. Les soldats ne comptaient pas me laisser en vie, je devais impérativement les semer à cet angle.

C’est dans un dernier élan de force, le souffle douloureux et le cœur affolé, que je puisais dans mes dernières forces pour atteindre cette embouchure. Le vent acide et piquant me giflait les joues, mes jambes étaient si tremblantes qu’elles manquaient de me laisser tomber à chaque foulée, ma main gauche se tendit vers l’angle et comme si le temps avait retenu son souffle, je vis ma main arriver au ralenti au contact du mur. Ce fut comme un nouveau souffle de vie quand la froideur de béton fit piqueter mes mains irradiantes de la chaleurs moites caractéristique du stress.

Le temps me paraissait ralenti, chaque seconde était peut-être ma dernière avant qu’une deuxième balle vienne se loger dans mon crâne, je sentais chaque particule de l’air pollué me griffer les joues, le tranchant du mur m’érafler la paume, les détritus sales et l’herbe maladive à mes pieds dégageaient une odeur nauséabonde, l'Échoué allongé entre deux plaques de bois me regardait d’un regard vide, il ne devait d’ailleurs même pas comprendre que j’existais vraiment, que je n’était pas une de ses hallucinations toxiques.

Enfin, mon regard quittais les yeux de l'Échoué et le temps repris une forme normale, ce fut avec brusquerie que mon corps tout entier pivota autour de ce point d’appui. Comme une comète je franchis enfin cet angle. Mon cœur n’eut pas le temps d’exploser de joie avant que ma joue vienne heurter un plastron au dur cuir noir, à l’odeur âcre et à son impassibilité face au choc, je sentis mes derniers espoirs s’évanouir au même moment où mes jambes lâchèrent. Je n’étais pas très sportif, mes seuls efforts physiques ne me demandaient pas de courir régulièrement, ni pendant une longue durée, le stress brûlant de plus mes poumons. C’est pourquoi le bas de mon corps s’effondra, je sentis une main de fer me retenir douloureusement par le bras : ça allait me laisser une marque. Malheureusement je ne réussi pas à me remettre d’aplomb, je me laissa simplement tomber dans les déchets malodorants, sur le sol de goudron salie, le corps seulement retenu par l’un de mes poursuivants dont le regard me paraissait glacial même sous ce casque de plexiglas noir.

Un grésillement en sorti justement avant qu’une voix masculine et un ton si grave que mon estomac vibra d’une peur étrange.

  • Le fugitif a été intercepté par l’unité seize, je répète, le fugitif a été intercepté. Terminé.

Enfin, j’eu le courage de lever les yeux. Mon regard remonta mon bras maintenu par un étau douloureux, dur. Mes iris verts d’eau glissèrent sur une poigne gantée de fer, puis sur un bras aux muscles contractés sous le tissus renforcé, jusqu’à une épaule protégée par une cuirasse où était inscrit “SPCP”, signifiant Soldat de Protection de la Capitale-Planètaire, et le numéro 16. Enfin mon regard tomba sur le casque vitré recouvrant la totalité du visage du soldat. Tous vêtus de noir, les SPCP appartenaient à la Terre, majoritairement volontaires, ils composaient deux pourcents de l’AMT (Armée Mondiale Terrienne). Ces soldats sont réputés par la dureté de leur entraînement, l’objectif est de rendre leur hostilité et leur insensibilité la plus tranchante possible. Ce dur caractère est aiguisé, façonné par des entraîneurs sadiques et très envahissants. Je ne connais que quelques rumeurs qui racontent que les SPCP n’ont plus aucune pudeur, que leur intimité à été si souvent éventrée, si souvent ouverte en grand par les instructeurs.

Je me demandais alors s’ils allaient m’éventrer à leur tour, je me demandais réellement si ce serait préférable au Marquage. Je baissai la tête, intimidé par les reflets que me renvoyaient le casque en plexiglass noir, je sentais le regard de l’homme derrière me dévisager, sans pouvoir distinguer ses traits.

Autour de moi, les soldats échangaient et programmaient mon transport jusqu’à l’Exécutoir, les deux équipes, 16 et 128 qui visiblement se mettaient d’accord sur la prime qu’ils toucheraient pour m’avoir capturé en si peu de temps, j’entendais vaguement des malentendus et une compétition entre les unités de soldats. Il n’y avait vraiment que moi pour me retrouver entre deux escouades de SPCP en compétition… Mon écoute perdis de son intérêt pour les voix amplifiées par les casques quand le soldat qui me tenait jusqu’à présent me manipulait pour me remettre sur mes deux pieds douloureux et tremblants. Sans la moindre délicatesse, je fus menottés, le froid du métal me pinçant les poignets.

Mon soldat, sûrement le chef de l’unité, grogna un :

  • On rentre le mettre au Marquage celui-là, on discutera ensuite avec la direction pour se mettre d’accord sur les primes gagnées.

Le SPCP me tira par le bras, visiblement peu soucieux des problèmes que je pouvais lui causer, pour être honnête, je n’allais en effet pas le provoquer. Il n’y avait plus aucun espoir pour moi.

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