Une journée qui commence mal

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Thornald était allongé dans la salle de banquet de Hjarulf. Le crépitement des flammes de la cheminée le réveilla. Il était seul. Sa mémoire étaient confuse, il n'avait aucun souvenir d'être revenu après la fin du banquet... ni même du banquet. Que faisait-il donc là ?

Soudain, les flammes surgirent de l'âtre et enflammèrent les tables et les bancs. En quelques secondes, la salle entière fut entourée de flammes. Il se précipita vers la sortie, mais à l'extérieur... il n'y avait pas d'extérieur. Il y avait un visage grimaçant qui se moquait de lui. Un visage de femme entourée de flammes.

— Tu ne peux pas t'échapper, Thornald ! ricana la femme de flammes. Tu n'es qu'un jouet entre mes griffes.

Sa hache ! Thornald le savait, seule la hache d'Harold, couverte de runes magiques pouvait venir à bout d'une telle créature. Mais elle était au dessus de la cheminée en flammes. Comme il se précipitait vers elle, une poutre enflammée s'abattit sur lui.

Le rire de la créature couvrait à peine ses cris de douleur.


* * * * *


— Le feu ! rugit Thornald en se redressant.

Une jeune esclave entretenait un feu brûlant dans l'âtre. Elle sursauta en le voyant se redresser. Il était chez lui et tout était normal.

— Pardonnez-moi Maître, fit l'esclave. Je vous ai brûlé ?

— Ou est ma hache ? demanda Thornald.

— Juste là, répondit l'esclave. Vous dormez avec ?

— Oui, on ne sait jamais ce qui peut arriver... Et n'y touche pas ! Si Hjarulf apprenait que j'ai laissé une femme toucher à la hache de son frère, il m'arracherait les yeux. Pourquoi tu entretiens encore le feu ? C'est le matin.

— Dame Svedra a réclamé de l'eau bouillante pour nettoyer les hardes que vous et vos hommes portiez hier. Elle dit que l'eau froide ça ne suffit pas...

— Tu portes ma marque sur ton collier d'esclave, mais je ne me souviens pas de t'avoir acheté. Tu as quel âge ? Ça fait combien de temps que tu es à mon service ?

— J'ai douze ans, j'ai été prise en Bretagne du Nord il y a quatre ans et  depuis, vous n'avez plus fait de raid de ce côté là.

— Ha, oui je me souviens... C'était juste avant de conclure un pacte avec le Duc de Galmor. On a demandé une rançon symbolique pour tous les prisonniers et ton oncle n'a pas voulu te racheter. Parce qu'il estimait stupide de payer pour une bouche inutile de plus. Svedra avait besoin d'aide pour s'occuper d'Helvorg et je t'ai acheté à Helketer pour une bouchée de pain... Tu as eu de la chance, je me demande ce que tu serais devenue s'il t'avait gardée.

— Je voudrais vous poser une question, mais j'ai peur de vous mettre en colère.

— Bah! Vas-y toujours.

— Vous avez violé les servantes de Hjarulf hier ?

— Qui ? Moi ?

— Je veux dire, votre équipage et vous, pendant le banquet...

— Oh zut, ce fichu banquet ! Hjarulf s'est cru malin en demandant à ses servantes d'être aguichantes et pas trop farouches, ça n'aurait jamais dû arriver.

— Alors ? Vous l'avez fait ?

— Surveille ton feu, en silence, et occupe toi de ta lessive !

Thornald se leva et s'installa au bout de la table ou certains de ses hommes se trouvaient déjà. Personne ne fit allusion aux événements de la veille. Hans lui même semblait les avoir totalement oublié. Il échangeait avec Galdlyn et Hicham des propos futiles et étalait de généreuses portions de fromage sur ses tranches de pain gris.

Brynjolf vint s'installer en face de Galdlyn, poursuivi par Helvorg, une fillette de sept ans, et son infatigable babillage.

— Et de toute façon, dit-elle, je n'ai rien à craindre dans la forêt parce qu'il y a un lutin qui surveille les étrangers, même qu'il s'appelle "Histrion". Mais personne ne peut le voir parce qu'il peut se rendre invisible quand il veut et quand il est invisible, il n'y a que les enfants qui peuvent le voir.

— Dis moi Helvorg, fit Galdlyn d'un ton malicieux. Un lutin, c'est tout petit, comment veux tu qu'il te protège ? Et s'il est invisible, comment peux tu le voir ?

— Bah, ce que t'es bête, répondit la fillette. C'est de la magie bien sûr. Quand il se rend invisible, il choisit qui peut le voir ou pas et quand un étranger qui a de mauvaises intentions arrive, il a plein de pouvoirs magiques pour l'éloigner.

— Il n'y a plus de pain ? grommela Brynjolf. Regardez moi ce goinfre, il a tout mangé.

Se sentant observé, Hans leva son gobelet.

— Sköll ! fit-il en souriant.

— Clothilde ! ordonna Svedra. Prends trois ou quatre pains à la cuisine et apporte les à ces valeureux guerriers, puisqu'ils sont trop paresseux pour le faire eux même.

La jeune esclave délaissa le feu et s'empressa d'obéir.

— Papa, je pourrai aller à la pêche avec Sven ? demanda Helvorg.

— À la pêche ? fit Thornald. Depuis quand tu vas à la pêche avec Sven ?

— Depuis ta dernière expédition, cria Svedra depuis l'autre bout de la grande salle. C'est une idée de Hjarulf... Mais ne t'inquiète pas, je ne les laisse pas aller seuls, Clothilde les accompagne.

— C'est plus prudent, ajouta Brynjolf. On ne sait jamais avec un fripon comme Sven !

Sur ces mots, il attrapa la jeune esclave pour lui chatouiller le ventre... mais au lieu de trouver le jeu très amusant, la jeune fille prit la fuite en poussant un cri aigu.

— Mais qu'est-ce qu'elle a ? s'exclama Brynjolf.

— Oh, elle est bizarre ces derniers temps, fit Helvorg. Elle saigne des jambes.

— Elle saigne des jambes ? fit Brynjolf dans un hoquet de rire. En voilà une affaire ! Moi je saignais de partout à la dernière bataille, je n'en fais pas toute une affaire.

— Helvorg ! rugit Svedra. On ne parle pas de ça à table !

— Pourquoi ? demanda la fillette.

— Bon, je vais la calmer, fit Thornald en se levant.

Il sortit de la maison et retrouva Clothilde appuyée contre un arbre. il s'approcha précautionneusement et s'assit sur un muret tout proche.

— Clothilde ! fit-il en se raclant la gorge. Il faut que je te dise pour hier soir...

Elle tourna la tête vers lui une fraction de secondes, mais ne répondit pas.

— Personne n'a été violé, reprit-il. Hjarulf a demandé à ses servantes d'être "très gentilles" avec moi et mes hommes. Ils en ont profité bien sûr, et il y a eu du grabuge... mais celles qui ne voulaient pas, ils n'ont pas insisté. Tu comprends ? C'était juste un jeu.

— Pourtant il y a eu une bagarre... Sven et le vieux bonhomme bizarre. Il allaient s'entretuer, ce n'était pas un jeu.

— Ça, c'était un malentendu ! Hans, le vieux bonhomme bizarre, ne connait rien à nos coutumes, il a surpris Sven, il a cru bien faire en intervenant et voilà !

— C'est pas ce qu'on m'a raconté.

— Qu'est ce qu'on t'a raconté ? Et qui ça ?

— Un garçon d'écurie de Hjarulf. Je l'ai croisé en allant cherche de l'eau et il m'a dit de me méfier du vieux bonhomme. Il a entrainé une fille dans les écuries, elle a crié et Sven est arrivé... C'était justement son amie, il lui avait ordonné de quitter la salle.

— Ah ? Ben merde alors ! fit Thornald. Ben c'est bien que tu me le dises.

— Vous avez encore autre chose à me dire Maître ? Je dois reprendre le travail.

— Non... enfin si, deux choses : ce qui s'est passé chez Hjarulf ne se passera jamais chez moi. Jamais ! Et autre chose, tu es toujours une petite fille, et ce n'est pas demain que Brynjolf essaiera de te rouler dans la paille, et si quelqu'un essaie, il aura affaire à moi.

Il se releva et l'embrassa sur le front.

— Maintenant, retourne au travail et ne pense plus à tout ça...

Et c'est à ce moment là qu'il aperçut les trois guerriers.

Le premier portait une chemise de mailles, un casque couvrant la tête et le haut du visage, un grand bouclier et une épée à la main.Le second portait un gambison de cuir cousu de plaques de métal, il avait un grand bouclier sur le dos, une épée à la ceinture et une lance à la main. Le troisième ne portait ni armes ni armure, il tenait un cor à la main.

— C'est Sven ! fit Clothilde.

— Ouais, et on peut dire qu'il a envie de faire les choses dans les règles... Viens, on rentre.

Svedra l'attendait sur le pas de la porte.

— Qu'est ce que vous faisiez, Thornald ? Les servantes de Hjarulf sont trop âgées pour toi ?

— Écarte toi, femme ! fit Thornald dans un soupir. Ce n'est pas le moment de discuter.

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