Chapitre 1 : Partie 1

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J’ai toujours aimé cette douce odeur, vous savez, cette odeur un peu humide, vous gelant l’intérieur des narines et vous brûlant les poumons. J’aimais d’autant plus admirer Manhattan un dimanche matin de mars. Cela faisait bien quarante ans, que je n’avais pas remis un pied dans cette ville. Mais j’avais une raison particulière qui m’avait poussée à revenir, une raison qui peut d’ailleurs paraître bien trop humaine. Je savais que ce petit moment de détente au bord de ma fenêtre ou plutôt de la fenêtre, du salon, de l’appartement, que j’avais gracieusement emprunté, sans impunité, n’allait pas durer. J’entendais au même moment que ma réflexion, un léger tapotement, un peu timide, contre la porte d’entrée. J’interrompis mon bref instant de plaisir où j’admirais par habitude la rosé matinale, pour ouvrir à mon hôte qui n’avait pas prévus que je l’accueille aussi chaleureusements. Me dirigeant d’un pas léger et un brin frivole, j’arborais l’un de mes sourires les plus faux et j’ouvrais d’un coup sec et dramatique, la grande porte en bois faisant guise de porte d’entrée. Il y avait derrière celle-ci, un jeune homme, d’environ dix-sept ans ou peut-être dix-huit, je ne savais pas exactement. Je n’étais pas devin non plus et je ne m’intéressais pas plus que cela à lui. Il me regardait avec de gros yeux, moitié apeuré, moitié en colère, mais plus stressé que jamais. J’arrivais à percevoir la gouttelette de sueur naissante sur le bord de son front, essayant de se frayer son chemin entre les mèches de cheveux rebelles. Ses poings serrés et ses bras tendus le long de son corps montraient une certaine colère, malgré les tremblements parcourant tout son être et qui trahissaient sa peur et un manque total de contrôle. Ses cheveux bruns ébouriffés et ses yeux d’un bleu glacial me fascinaient, j’en avais toujours été amoureuse. Son visage semblait passer par une multitude d’expressions, mais avec beaucoup de frustration. Son sweat-shirt gris délavé, démontrait une carrure grandissante, il n’avait pas l’habitude de s’habiller dans cette taille. La transformation étaient en train d’agir et ses effets étaient déjà visibles, les deux sangs cohabitaient parfaitement. Mon frère avait réussi. Ce jeune homme paraissait aussi désorienté qu’un lion sauvage que l’on aurait mis en cage. Cela m’amusait un peu, j’aimais avoir le contrôle et c’était d’autant plus facile quand vous aviez un QI deux fois supérieur à celui des humains et un sixième sens surdéveloppé.

— Et bien rentre, ne reste pas sur le palier, tu n’es pas venu pour me regarder et suer dessus.

M’écartant du passage et retournant dans le salon pour laisser de l’air à mon invité, je respirais un bon coup avant de compter combien de temps il nous restait avant de devoir nous enfuir. Me retournant vers la porte, je constatais sans grande surprise, le pauvre pétrifié qui n’osait même pas franchir le pas de la porte.

— Bon soit tu rentres demi-démon, soit tu oublis toutes les réponses que tu cherchais en étant venu me voir.

Le sortant de sa torpeur, il entra d’un pas visiblement plus serein et un peu plus en colère qu’auparavant en claquant la porte.

— Je veux des réponses, hurla-t-il en m’irritant presque les tympans. Cette scène n’avait aucun sens pour moi, mais c’était tellement digne d’un humain perdu dans le néant de ses pensées et sentiments.

— Eau, jus de fruits ou sang fraîchement prélevé ? J’ai du lait aussi si tu veux, disais-je d’un ton décontracté en fouillant le frigo de l’appartement.

— Quoi, hurlait-il de nouveau, cette fois avec de la peur uniquement, la gouttelette faisant son chemin jusqu’à sa tempe.

— Qu’est-ce que tu as le héros ? Le lait te fait peur ? disais-je en sortant la tête du frigo avec l’une de mes expressions d’incompréhension habituelle.

Les humains ou dans son cas, nouveau demi-démon, me fatiguais un peu. Toujours à hurler, pleurer, bref dramatiser.

— Je veux bien un jus de fruit, me dit-il un peu timide et aillant peur de me froisser. Vous m’attendiez, me demanda-t-il en s’essayant craintif sur le canapé en cuir d’un blanc immaculé.

— Tu crois avoir réussi à me retrouver seul ?

— Je pensais que…

— Il n’y a bien qu’un humain pour penser qu’il peut retrouver un démon originel en un claquement de doigt !

Je nous servais un verre de jus de fruit et de sang frais pour ma part, puis je vins m’asseoir en face de lui, dans le salon. Je lui tendis le verre de sang, qui manqua de lui faire régurgiter son petit-déjeuné, avant d’inverser de nouveau. Ce qui devenais réellement drôle, était de voir son regard mi-agacé mi-dégoûté ne sachant pas comment il avait le droit de se comporter.

— Comment saviez-vous que j’allais venir, osa me demander le petit poussin effrayé tremblant en prenant son verre et le reniflant pour vérifier que je ne l’avais pas trompé une seconde fois.

— Rassure toi, c’est du cent pour cent jus de fruit. Tu ne croyais tout de même pas qu’après la mort de mon frère, je n’allais pas surveiller son projet de près ?

— Vous me surveillez depuis plusieurs semaines ?

— Bien sûr. Pourquoi serais-je revenue aux États-Unis, au risque de me faire joyeusement exploser le cul par tous les services secrets, si ce n’est pas pour t’aider.

— M’aider ?

— Mon frère est mort pour faire de toi un héros, son projet, c’était sa vie. Même si nous, les démons, ne pleurons pas nos morts, par respect pour lui, je l’aiderai dans son projet.

— Cela signifie que je peux vous faire confiance, me demanda-t-il d’un air suspicieux et méfiant.

— Oh non, mais entre nous, disons que pour le moment, je suis la seule personne qui ne te veuille pas de mal, dis-je d’un ton serein tout en regardant ma montre et en agitant ma tête par mécontentement en voyant l’heure.

Mon petit poussin semblait de nouveau transpirer. Il s’attendait peut-être à une réponse moins franche et un peu plus faux-cul de ma part. Il lui manquait encore beaucoup d’éléments pour comprendre les démons.

— Bon et bien mon frère n’a pas choisi le plus vaillant des humains, mais tu feras l’affaire.

— Je ne comprends tout simplement pas ce qu’il m’arrive !

— Et tu comprendras encore moins ce qu’il risque de t’arriver d’ici quelques instants.

— Comment ça ?

— As-tu parlé à une quelconque personne, qui ressemble de près, comme de loin, à un agent du gouvernement récemment ?

— Oui, mais je suis venu sans eux, je le promets.

— Quel admirable jeune homme, dis-je d’un ton méprisant.

— Vous semblez avoir le même âge que moi, pourquoi me traitez-vous comme un enfant, me demanda-t-il, en ravalant sa salive difficilement.

— J’ai 784 ans mon cher, je ne vieillie juste pas aussi rapidement que les humains, ce qui me donne la vingtaine dans votre monde.

Il chancela à l’évocation de mon âge. C’était un brin vexant tout de même, si j’avais été humaine, je l’aurais probablement giflé. Mais je suis un démon, alors je m’en tape royalement.

— Bon finis vite ton verre, car dans à peu près 30 secondes, tes potes de l’état vont nous mitrailler comme des canards.

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