Épilogue

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 Le soir tombait sur les montagnes dorées. Le vent courbait la tête des herbes hautes, et au milieu du sillon tracé dans la pente marchait une jeune femme blonde. Un panier se balançait sur sa hanche, dans un geste qui révélait une grande habitude, et ses yeux, du bleu glacé d'un lac d'altitude, ne regardaient pas le chemin. Ses pieds chaussés de sabots trouvaient d'instinct la bonne route. Elle cherchait l'horizon, où quelques griffures nuageuses couronnaient l'arête des cimes. Des ombres traversèrent ses pupilles. Puis elle soupira légèrement. Le soleil illuminait sa chevelure, dont les mèches folles s'échappaient d'un fichu de lin. La jeune femme se dirigeait vers un château à trois tourelles de tuiles jaunes que le soir irisait. Une rivière agitée traversait la vallée où se dressait la bâtisse et grondait sous les arches.

 Elle passa la porte d'un pas légèrement plus tendu et pressé que sur le sentier. Elle traversa la cour du château, regarda une dernière fois les teintes vespérales déclinantes, resserra contre elle son panier empli de fleurs et de bouquets d'herbes et entra à l'intérieur. Ses pas claquèrent sur le sol dallé. Elle gravit un escalier à l'architecture raffinée, éclairé par des torches crépitantes tout juste allumées. Au sommet, elle poussa l'une des portes.

  • Messire, voici votre récolte du jour.

 Un vieil homme se retourna, quittant un travail de couture étrange.

  • Merci, mademoiselle.

 Elle posa le panier sur la table dégagée au centre de la pièce. Sa fraîcheur, sa jeunesse paraissaient déplacées dans cette pièce sombre et renfermée. Elle piocha un bouquet de fleurs bleues et sortit en vitesse après une révérence rapide et un « Messire » marmonné. A peine refermait-elle la porte que des pas montèrent l'escalier derrière elle.

  • Colombe !

 Un jeune homme mince aux joues creuses atteignait la cime. Il essaya d'enlacer la cueilleuse mais son regard préoccupé l'en dissuada.

  • Tout s'est bien passé ?

 Elle hocha la tête, distraite, et se mit à marcher le long du couloir, son bouquet à la main.

  • Qu'est-ce que c'est ?
  • C'est pour dame Marianna. Elle exige un bouquet de minevrine bleue chaque fois que j'en trouverai.

 La fleur des messagers. Le jeune homme soupira, passa son bras autour de ses épaules et l'accompagna. Le couple entra dans un salon richement décoré. Une grande femme à la peau mate et aux cheveux noirs faisait face à l'âtre éteint. Elle se tourna en les entendant entrer. Les dernières lueurs passant par les vitraux du salon éclairaient son visage fin.

  • Bonjour, Colombe.
  • J'ai vos fleurs, comtesse.

 Marianna prit les minevrines et les glissa dans le vase posé sur la commode ornementée à sa droite. Elle respira leur parfum.

  • Merci.

 Colombe avança d'un pas, se soustrayant à l'étreinte de son compagnon.

  • Avez-vous des nouvelles de... votre fils, notre seigneur ?
  • De Jal ? Hélas non, toujours pas.

 Colombe s'approcha de la fenêtre à vitraux. Le jeune homme la suivit et appuya son front contre le sien.

  • Tu crois qu'il va bien ? souffla la cueilleuse.
  • Je ne sais pas.
  • Roch... je suis désolée. Ce n'est pas contre toi...
  • Ce n'est rien, soupira-t-il en la serrant contre lui.

 Il la regarda ; elle fixait à nouveau l'horizon assombri, au bout de la vallée. Il contemplait son visage d'ange tendu par des questions insolubles et ne remarqua pas ce qu'elle vit. Il s'aperçut cependant du froncement de ses sourcils et de l'inclinaison de sa tête. Il suivit donc son regard. Une silhouette de cavalier solitaire galopait sur la route en provenance de Dernolune et se dirigeait visiblement vers le château d'Herzhir.

  • Ma comtesse... vous avez de la visite, je crois.

 Marianna Dernéant quitta sa rêverie et rejoignit la fenêtre, sourcils froncés, dominant de sa haute stature les deux jeunes gens. Elle avait posé une main sur l'épaule de Roch, et il grimaçait sous la poigne inattendue de la dame.

  • Allons l'accueillir.

 Elle les lâcha et volta dans sa grande robe violette, alluma d'un mouvement de la main le feu dans la cheminée et disparut par la porte. Colombe rassembla les plis de sa jupe, échangea un regard perplexe avec Roch et fila à sa suite.

 Tout ce petit monde se retrouva en bas, près de la grande porte. Nul ne connaissait cet homme, barbu, imposant, chevauchant un ordimpe auclaire essoufflé par la course. Il mit pied à terre devant la comtesse d'Herzhir.

  • Salutations, dame. Je suis bien au château d'Herzhir ?

 Marianna acquiesça dans toute sa prestance. Colombe avait vu l'écusson de messager sur le torse du visiteur et sa respiration se coupa une seconde. D'où venait-il ? L'inconnu salua.

  • Je suis messager, je dois voir Thierry et Marianna Dernéant.
  • Je suis Marianna Dernéant, comtesse d'Herzhir. Vous avez un message pour moi ?

 Il hocha la tête et ouvrit le couvercle d'un porte-message à sa ceinture.

  • En provenance de Lonn.

 La dame prit le rouleau et le retourna, mains crispées. Le grondement du Rivent sous les arches parut s'amplifier.

  • C'est l'écriture de Jal, souffla-t-elle.

 Colombe leva les yeux, vers le ciel presque noir où la lueur d'une lune apparaissait.

  • Grandes Lunes, merci.

 Roch prit sa main et la serra.

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