Chapitre 32 - Il s'est battu avec un barbecue

4 minutes de lecture

 Lorsque qu'il atteignit enfin le point de rendez-vous, Ugo put constater avec déception l'état de ses coéquipiers: Yannis tenait son bras, celui-ci brisé de manière peu orthodoxe, le visage couvert de larmes. Kara gisait contre un mur, épuisée, tandis qu'Archibald peinait à les soigner. Ugo sourit : quand bien la victoire fut coûteuse, elle était désormais plaisante.

 À peine eut-il approché les blessés qu'Archibald se tourna vers lui: son visage blafard et ses cernes, témoignant sa fatigue, lui donnaient un air de cancéreux sous chimio-thérapie. Son bras, en revanche, était mystérieusement guéri. Il soupira, et lança à Ugo:

— J'espère que tu l'as eu… Je n'ai plus aucune force… Les autres vont bien, ils sont juste blessés.

— Je le vois bien, rétorqua sèchement Ugo avant de s'agenouiller devant Yannis. Alors, le boiteux, tu t'es déboité l'épaule ?

— Ha ha… Argh! (Yannis porta sa main à son épaule en sifflant) Tu sais toujours pas faire dans la dentelle de l'humour, le nain.

 Ugo sourit de toutes ses dents et tapota le bras blessé de son ami. Il avait retenu la puissante bête pendant quelques secondes, en usant d'un pouvoir singulier. Plus étonnant, il n'en semblait nullement épuisé, seulement déchiré par la douleur. Ugo se tourna vers Kara; celle-ci sifflait entre ses lèvres minces et gercées par la chaleur, sa peau jadis si blanche était couverte de suie, et ses vêtements en lambeaux… Huuum… Oh oh ! Elle n'est pas si menue que ça, finalement ?

 Tandis qu'il se rinçait l'œil, Archibald sursauta et plongea sa main dans l'une des poches de sa robe. Il en extirpa une boussole, qu'il ouvrit; une sorte d'hologramme apparut et, Ô surprise, la grosse tête replète de Ludwig remplit tout le volume de la lumière faussement solide. Ses boucles courtes et dorées s'agitèrent quand il prit la parole:

— Salut, comment ça v… Oulà ! Mais il s'est passé quoi durant notre absence ? Vous vous êtes battu avec des barbecues ?

— Je vous raconterais la situation quand nous serons revenus. D'abord, dis à la Grande Inquisitrice que notre mission est un franc-succès…

— Ça marche! Mais on a tout de même réussi à la convaincre de vous ramener rapidement, à dos de Vjra'na.

— Par le Grand Serpent ! Comment diable a-tu réussi ce coup de génie ?

— Oh, vous savez, moi et la négoce… Le transport arrivera dans 2 heures, assurez vous d'être sorti du volcan avant !

 La communication fut coupée et le magicien soupira de soulagement. Quand à Ugo, il était assez curieux de savoir comment Ludwig avait pu persuader l'un des personnages les plus puissants de ce monde. Décidément, pensa-t-il, les choses sont de plus en plus intéressantes

* * *

 Le Voyage à dos de Vjra'na se déroula sans encombres: Yannis et Kara purent récupérer à l'aide de l'équipe médicale de bord, alors que Archibald et Ugo s'étaient installés sur le pont, pour admirer le désert depuis les cieux, au frais.

 Le Vjra'na ressemblait à une sorte de phasme géant, de couleur ocre. Il se déplaçait sur de gigantesques échasses, à l'abri de tout danger. Parfois, il laissait échapper un cri mélodieux, semblable à celui d'une baleine. Ugo regardait la lointaine ville de Barakav, perdue dans les vents magiques et rugissants.

— À quoi penses-tu, jeune homme, lui demanda soudain Archibald alors qu'Ugo se perdait dans ses pensées.

— Au Karnaag, répondit-il en reposant sa tête dans sa main tout en s'accoudant au bastingage. Il n'était pas comme ceux que j'ai pu découvrir dans les livres.

— Tu sais, ce ne sont que des livres de légendes. En aucun cas on aurait pu prévoir ses aptitudes.

— Hum..

— Quoi donc ?

— Je suis sceptique…

— Vraiment ? Ça m'étonne !

— Non, pas comme ça. Plutôt comme un doute. D'habitude, j'ai toujours eu des intuitions justes, des idées qui fusaient, tout ça… Mais là, c'est le trou noir. Rien ne sort de ma tête quand je pense à cette histoire.

— Peut-être as-tu besoin de temps pour digérer ces informations…

— Encore faudrait-il déjà que je comprenne comment on est arrivé ici, et dans quel but ! Je n'ai toujours rien découvert ces derniers mois, et, plus je reste dans ce monde, plus j'ai envie de m'enfuir… Comme si…

— Comme si quoi ?

— Comme s'il y avait un mystère qui s'épaississait de jour en jour, et auquel je serais de plus en plus tenté de répondre.

— Tu parles de votre venue inopinée sur Mourn ?

— Pas seulement. Je pense aussi à la disparition des autres et pas de la notre, à Yannis qui est humain qui peut faire de la magie. À Edward, à Isabella, et tous ceux qui me cachent des trucs. Et à la magie tout court. Au début, je pensais que c'était juste un champ de force propre à cette planète, mais je me suis rendu à l'évidence: elle englobe bien plus de mondes que je ne le croyais. Toutes ces choses nouvelles s'ancrent dans ma tête, me parasitant les idées..

— Ça doit être effrayant.

— C'est surtout très chiant ! À cause de ça, je suis obligé d'en prendre plus…

— Quoi donc ?

— Rien, répondit Ugo en mettant un terme à la conversation.

 Se murant dans un mutisme dérangeant, Ugo laissa Archibald à ses interrogations. Celui-ci, après quelques minutes, annonça d'une voix neutre:

— Nous arrivons dans un quart d'heure.

 Ils admirèrent le paysage silencieusement, gênés par cette conversation. Les dunes étaient alors balayées par une légère brise, qui caressait doucement les sables vers d'autres horizons.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Reydonn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0