Chapitre 27 - Le Désert des Arbres Murmures (2) - We're still Underground

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— Mais t'es complètement malade, en fait ! Qu'est-ce que ce sera encore ? Tu vas nous dire que le génie est une tare mentale dégénérescente qui te bousille le cerveau ?

Yannis sermonnait copieusement Ugo qui avait l'air d'en avoir marre. Ils étaient à dos de Grazion (une sorte de coléoptère noir-brillant géant) et Yannis sentait son postérieur le lancer à chaque mouvement. Voyager de cette manière était très pratique : ces insectes étaient rapides et impossibles de se perdre avec eux, car ils « sentaient » leur destination. Leurs multiples pattes n'avaient pas de crochets, mais des appendices spéciaux qui adhéraient au sable, s'adaptant à sa dureté. Leurs antennes leur permettaient de détecter des tempêtes de sable à des kilomètres, et ils résistaient des jours aux affres du désert sans boire ni manger. Et, pour couronner le tout, c'était des montures dociles qui adoraient la randonnée et le voyage. À moins qu'elles n'aient des pouvoirs magiques, se dit Yannis, elles sont parfaites !

 Soudain, Yannis appela Kara pour lui partager ses découvertes, mais celle-ci répondit d'un haussement d'épaules. Cette réaction le perturba : d'ordinaire, elle riait de son attitude candide envers ce nouveau monde, et répliquait avec des anecdotes loufoques, qui finissait toujours par des tendres regards et des baisers langoureux.

 Le rêve, quoi.

 Mais ces temps-ci, Kara semblait distante, comme si quelque chose la préoccupait. Plusieurs fois pendant le voyage, Yannis tenta d'amener le sujet dans la conversation, mais Kara exécutait moult pirouettes pour sortir de ses filets. À force, il finit par s'agacer et abandonna ses tentatives pour presser sa bête à avancer plus vite, distançant la jeune mournienne (ou le jeune ? Aucune importance...).

Le voyage pouvait s'apparenter à un vol de croisière : calme et stable. Pour peu qu'il y ait d'éventuels bandits (ce que Yannis redoutait fort peu), il les sèmeraient grâce à leurs montures monstrueuses. Même si leur mode de vie n'impliquait aucune violence, leur aspect était assez intimidant pour dissuader n'importe qui. Les vibrations que l'insecte dégageait en se déplaçant avaient le goût d'une berceuse aux oreilles de Yannis ; il s'assoupit en un instant, pour rouvrir les yeux devant un spectacle époustouflant...

* * *

Il était en chute libre devant un paysage rocambolesque, dont les formes hasardeuses, cherchant à se trouver, s'étiolaient dans un espace infini et perdu. Le ciel, bleu et parsemé de nuages, surplombait des plaines courbées par une déformation imprécise mais profondément émouvante. Des sphères aux coins pointus lévitaient sereinement sous le regard d'un soleil riant.

Plus loin, il voyait une ville. Sous l'effet de la déformation, elle s'était construite sur des fondations dignes de la Tour de Pise. Le plus étrange, c'est que la ville semblait être plongée à la fois dans l'eau et la nuit : les lumières des immeubles vacillaient selon un rythme lent mais sûr, comme la douce mélodie de la mer qui s'efface pour retrouver la lune. La Lune était-là, elle-aussi, aussi pâle que le premier jour où il l'avait vu. Savoir qu'un objet qui semblait aussi simple pouvait avoir une telle influence sur le monde semblait étrange.

Il atterrit à reculons sur le sol chamboulé, ondoyant sous les effets gravitationnels. Immédiatement le sol cessa son mouvement entropique pour gagner de l'ordre, contre l'ordre des choses. Yannis marcha le long du chemin qui se dessinait sous ses pieds, comme par… eh bien, magie, quoi ! Celui-là le menait vers la ville de la nuit, antithèse du paysage verdoyant et fleurissant qui l'entourait. Une fois sur deux, il voyait deux animaux apparaître à partir de rien, et revenir subitement l'un vers l'autre pour s'annihiler. Des vagues se formaient sous cette pression de non-existence, déformant le terrain. Seulement le chemin, lui, restait le même, sauf quand Yannis n'y était plus.

Il passa le rideau de nuit, et le froid, une meute de chiens affamés, le mordit. Le monde autour de lui était gris et bizarrement familier. Ça y est ! Ça lui revenait : une allée quelconque de ville, qu'il avait déjà visitée, n'aurait pas ressemblé à cela ; c'était plutôt une sorte de fusion de toutes les rues qu'il n'aimait pas. Les rues sombres. Les rues sales. Les rues « maladroitement humaines » comme il aimait les appeler. Ces rues-là, pensait-il, sont les pâles reflets d'une humanité en voie d'extinction.

Il entra dans un immeuble. À l'intérieur, c'était lumineux, brillant, éclatant, aveuglant. La lumière des lampes artificielles ne lui firent verser que des larmes de douleur. Il détourna le regard ; autour, une salle de réception, mais sans personnel d'accueil. Tout était propre et entretenu, mais la chaleur humaine avait déserté l'endroit comme si toute vie l'avait quitté. Malgré la pureté apparente et sans odeur, l'endroit empestait la mort, l'oubli, le spleen presque…

Il avait envie de visiter cet endroit, sans savoir pourquoi. Il ne cherchait pas quelque chose, mais quelqu'un. Suivant son instinct, il prit l'ascenseur le plus proche et tapa « 13e étage ». Une voix métallique, sans accent ni chaleur, retentit dans l'occlusion :

« 13e étage. Dernier étage. Destination finale. »

L'ascenseur se mit en branle. Pendant que la pesanteur se faisait dominer, il avait le sentiment qu'il était proche du but. La porte s'ouvrit sans bruit, le faisant tomber dans un couloir sans fond, couvert de chaque côté par des multitudes de portes.

Sur chacune d'entre elles se trouvaient une plaque ornée d'un nom : Julia, Médiana, Audrey, Kenna, Crysis… Et d'autres plus connus : Cléopâtre, Jeanne d'Arc, Morgane, Sémiramis, Eve… Chaque porte avait une merveilleuse petite gravure qui entachait la monotonie de la porte, montrant des scènes horribles mais terriblement réalistes : un assassinat, par meurtre sanglant ou empoisonnement, un adultère, un inceste, un viol, une jalousie brûlante, une haine fulgurante, un désespoir déchirant… Et d'autres scènes qu'il ne pouvait décrire mais seulement ressentir.

Il tomba… Quelque part dans le couloir. Devant la porte. Celle qui portait le nom de « Laura », sans gravure. Tremblant de toutes les fibres de son être, Yannis tendait inexorablement sa main vers la poignée de la porte, comme s'il allait commettre le plus grand péché jamais accompli. Il posa sa main sur la poignée dorée, prenant quelques instants pour palper sa fraîcheur, admirer des mains la courbure parfaite.

Il la tourna.

Un bruit, semblable à un chuintement discret, comme une respiration. La porte s'ouvrit, donnant sur un appartement de tout ce qu'il y avait de plus normal, de plus banal : une armoire, un bureau, un lit et une table basse surmontée d'une lampe. Le mur du fond était une baie vitrée donnant sur une minuscule terrasse, sans plantes. Au loin, un nuage d'orage faisait parler ses éclairs au dessus d'un cratère dévasté. Regardant à travers la baie vitrée, une jeune fille aux longs cheveux argentés et brillants. Du même âge, assurément, que Yannis, elle portait un t-shirt de métalleuse affirmée, un jean bleu-azuréen et des baskets usagées. Elle doit beaucoup marcher, ou courir… Mais à peine il eut franchi le seuil de l'entrée que la jeune fille se retourna. Ce que vit Yannis lui coupa le souffle.

Dans toute sa vie, il avait vu les visages de bien des hommes, de bien des femmes. Certains plus harmonieux que d'autres, chacun avait ce petit quelque-chose qui les démarquait d'entre-tous : un grain de beauté, un bouton, un poil, des sourcils plus gros que nature, une bouche en canard, en cœur, en flûte… Bref, tout pour attirer votre regard, que ce soit plaisant ou non.

Là, c'était mystique : un visage sculpté à la harpe, sans tâche de peinture, à la finition parfaite, tellement parfaite que c'en était irréelle : la bouche était fine mais semblait pleine, le nez fin et les joues pâles qui annonçaient la rougeur, appelant la caresse d'un être aimé. Les yeux en amande, au pourpre soyeux et délicat, les cils légers et les sourcils fins et discrets. Le front dégagé mais pas trop quand même : tout en ce visage respirait ce qui était pour Yannis la perfection. Tout en lui criait de se jeter à ses pieds et de chanter ses louanges, de lui obéir au doigt et à l’œil. Ce sentiment primal de soumission le dégoûtait profondément, mais le fascinait tout autant. Il devait parler, mais sa langue était comme paralysée, et sa gorge aussi sèche que du sable de Médine.

Heureusement, il reprit son sang froid (non sans laisser son chaud lui monter aux joues et aux oreilles), et parla d'une voix qu'il souhaitait contrôlée, mais qui en sortit bêlante :

— Bon-bonjour… Hum hum… Euh… Qu'est-ce-que… Shhh… Je m'appelle Yannis et… Oooh… Désolé, je… Enfin… Comment tu t'appelles ?

— Je suis Laura, répondit l'ange en souriant. Son sourire, si brûlant, fit fondre Yannis comme neige au soleil. Et toi, Yannis, qui es-tu ?

— Eh bien… Cette question, on y cherche tous la réponse, hein ?

— Oui… Mais toi, tu l'as juste oublié.

— De quoi ? La réponse ou la question ?

— Les deux…

Laura se leva, et se dirigea vers son armoire. Elle en sortit deux objets : un livre et une feuille de papier. Elle posa ensuite le livre sur son lit, et entreprit minutieusement de plier la feuille en forme compliquée. Une fois le pliage terminé, elle posa son œuvre sur son lit et une question :

— Si, à action que tu entreprends, tu devais choisir entre apprendre une nouvelle chose ou établir un peu plus d'ordre dans le monde, que choisirais-tu ?

— C'est une question difficile, répondit Yannis en se frottant le menton, pensif. D'après ce que j'ai appris, l'ordre des choses tend vers le désordre, n'est-ce pas ? Et donc, si je choisis la première proposition, je vais contre l'ordre des choses en voulant rajouter de l'ordre... En revanche, continua-t-il, avoir plus de connaissance me permettrait théoriquement de trouver le moyen d''empêcher cette entropie, mais… Savoir me permettrait de comprendre que cela n'en vaudrait peut-être pas la peine. En toute franchise, je préférerais ne pas choisir du tout.

Laura sourit de toutes ses dents, blanches comme le nuage le plus laiteux. Seulement, son sourire était triste et déçu, ce qui toucha le cœur de Yannis en son point le plus faible. Il vacilla ; il voyait la pièce autour de lui tanguer comme sur un bateau, mais le sol se déformait réellement. Il tomba.

Il n'était plus dans la chambre de Laura, mais plutôt dans un paysage désolé. Au mieux, il pu voir que le sol était noir et craquelé, que des cendres tombaient d'un ciel rempli de nuages d'orage, et des arbres noircis et brûlés tenaient encore debout autour de lui. Tordus comme s'ils souffraient, ces arbres avaient perdu la notion d'existence depuis bien longtemps, mais refusaient de sombrer dans l'oubli. L'entropie les gagnaient de seconde en seconde, terrassant de plus en plus leur écorce noircie et leurs branches racornies.

Effrayé par cette vision apocalyptique, Yannis détourna les yeux, en vain ; chaque coin de son regard était envahi par ces décrépitudes. C'était insoutenable, impardonnable. Il se sentait comme une erreur dans ce monde où tout agonisait à l'unisson. Mais se donner la mort n'aurait pas plus de sens, car il n'aurait pas pu ressentir la lente progression du mal qui sévissait ici.

Au centre du paysage se trouvait une sphère noire d'encre, qui entraînait l'espace-temps et les éclairs dans un ballet sans retour. Le trou noir attirait tout ce qui passait à sa portée, mais, au-delà, on entendait juste un sifflement lent et strident. Regarder ce puits sans fond déclenchait une peur profonde chez Yannis, qui souhaitait pourtant continuer à regarder la noirceur dépourvue de lumière du puits sans fond. Derrière lui, il entendit un rire. Il se retourna et vit Laura, son visage déformé par une moue amusée :

— J'imagine que tu te demandes où est-ce que tu peux bien être, n'est-ce pas ? Elle jeta un œil vers le trou noir, et frissonna : Tu es actuellement dans ta tête, mais, comme ton esprit ne peut pas comprendre ce que dit ton âme, il traduit à sa façon : le monde que tu vois n'est qu'un pâle reflet de la méta-réalité qui t'entoure. Les êtres qui t'observent ici sont si complexes que ton esprit ne peut même pas les matérialiser. Tu tentes de voir les rayons de lumière… Je te plains tellement…

— Je… Quoi ? Mais, toi, tu vois ! Décris moi !

— Je vois un esprit décrépit, rongé par les remords d'un temps qu'il a refusé d'admettre. Ravagé par les souffrances qu'il a donné et reçu en retour, par les épreuves qui, au fur et à mesure, venaient sans arrêt hanter tes cauchemars. Je vois un monstre, Yannis, un monstre qui cherche à refaire surface (elle montra le trou noir derrière lui) et qui veut reprendre ce qu'il a perdu, alors qu'il ne le mérite pas. Je vois aussi une jeune fille perdue, emprisonnée pour un crime que ses ancêtres ont commis, et consumée par la haine qu'elle a envers son bourreau.

— C'est terrible, je… Je suis désolé pour ce qui t'es arrivé… Je ne savais pas.

— Tu n'as pas à t'excuser, rétorqua avec douceur Laura.

Un bruit électrique retentit aux oreilles de Yannis, et ils se retrouvèrent de nouveau dans la chambre. Laura s'assit sur son lit, et invita son invité à s'asseoir sur la chaise tournante du bureau. Il accepta, soulagé de reposer ses jambes endolories et courbaturées : il avait retrouvé son handicap d'autrefois. Il tourna sur lui-même, les yeux clos, se berçant par le mouvement circulaire décéléré. Il s'arrêta.

Laura l'observait sans trahir aucune émotion, si ce n'était que de la curiosité. Voyant que l'attente était longue, Yannis décida de parler le premier :

— Comment tu t'es retrouvé dans ma tête, Laura ? Est-ce que c'est pour ça que je te vois dans mes rêves ?

— Oui… Mais la raison pour laquelle je me retrouve ici ne peut t'être révélée. Sans "Son" autorisation, "Il" ne t'accordera ce secret.

— Très bien… Yannis se renfrogna. Mais est-ce que tu es la seule dans ma tête ? Et Pourquoi ma tête est-elle si… Grande ?

— Ta tête est juste l'immeuble où nous nous trouvons, ainsi que l'espace mort que tu as visité. Les autres bâtisses sont les esprits des gens qui ont subi le même sort que toi, et qui y sont enfermés à jamais. Dehors, c'est le monde des esprits. J'imagine que tu as déjà vu Le Voyage de Chihiro ?

— Oui, mais pourquoi ?

— Vois ce monde comme celui qui est montré dans ce film : des esprits l'habitent, et, si tu restes trop longtemps enfermé ici, tu ferais partis de ce monde et tu les verraient se chambouler entre eux, les habitants de ce monde. Pour l'instant, c'est seulement ton esprit qui habite ton âme, mais, une fois sorti, les effets se feront ressentir. Ton corps s'effacera peu à peu dans un monde pour apparaître progressivement dans l'autre. Tu deviendras un habitant de l'Entre-Monde.

— Donc c'est l'endroit où vont les gens quand ils meurent ?

 Yannis ressentait un certain soulagement à l'idée de passer sa non-existence dans un endroit comme l'extérieur de la ville-nuit.

— Non, c'est l'endroit où vont les gens qui ont été tués par magie, ou envoyés ici, tout simplement. Et ils finissent eux aussi par mourir d'ennui, avant de se donner la mort.

Yannis resta silencieux pendant quelques instants, digérant les informations qu'il avait assimilé. Pour lui, il n'y avait rien après la vie, parce que dans chaque modèle, qu'il soit scientifique ou autre, toute chose avait son anti-chose, et donc l'existence, qui pouvait vaguement se traduire par les cinq sens, les émotions, les sentiments et les souvenirs, avait pour opposé la non-existence, le néant, une chose où rien n'était observable, expérimentée, pensée ou même ressentie. Bref, les croyances n'avaient pas de prise sur lui, et il devait donc vivre dans la peur de tout perdre à chaque instant, de sombrer dans un vide infini, sans peur ni joie. Mais, même maintenant, après la découverte de l'Entre-Monde, il ne pourrait jamais se délier de cette peur viscérale depuis qu'il avait vu pour la première fois quelqu'un mourir, se rendant compte que, bientôt, son tour viendrait aussi, sans savoir quand, comment et pourquoi.

Les larmes coulèrent le long de ses joues. Il comprenait parfaitement que la vie éternelle ne serait jamais quelque chose de bien, mais, en même temps, il ne voulait pas mourir. C'est ce sentiment contradictoire qui le maintenait sans arrêt dans cet état d'équilibre instable. Mais, là, il en ressentait un autre, plus profond, qui le tenaillait toujours au même moment : quand il se rendait compte qu'il était seul. Ce n'était qu'avec ses amis, sa famille, ses connaissances, ses proches, et même le plus inconnu des inconnus, qu'il se sentait vivant. Parce qu'il était un humain, profondément humain, et qu'il avait déjà accepté la mort. Mais pas seul. Jamais.

Laura sortit un mouchoir de sa poche, et vint essuyer ses larmes. Yannis se jeta dans ses bras et pleura comme un enfant. Sans surprise et avec la tendresse d'une mère, Laura caressa ses cheveux en fredonnant une mélodie apaisante. Les larmes coulaient, mais c'étaient des larmes de joie. Encore une fois, Yannis avait compris qu'est ce qui était important dans la vie. Il l'oublierait, certes, mais seulement dans sa tête, parce que ça resterait gravé sur son cœur, en lettres de feu :

Une armée d'amis, aveugles dans les ténèbres.

Yannis se releva, les yeux rougis mais le regard embrasé. Il regarda Laura, si fragile et si aimante. Mais elle ne pouvait pas le suivre, il le savait. Il s'approcha d'elle, lui déroba un baiser, sentant une de ses larmes couler dans sa bouche. Il plongea son regard dans le sien, avec toute la volonté de lui transmettre ce message pour lui faire garder courage.

— Je suis si bête… Je me demandais si je te connaissais pas. Mais maintenant, je sais comment tu t'appelles. Tu es…

Laura lâcha tout sa tristesse, tandis que Yannis s'élevait dans la lumière. Celui-ci regardait ces larmes qui entachaient ce si beau visage. Des larmes de souffrance.

— Je te promets de te retrouver, quelque que soit le temps, le lieu…

— Oui… Mais moi, je ne t'attendrais pas… Je te chercherais de mon côté…

— Comme ça, nous nous retrouverons plus vite… Je t'aime, ma Lune.

— Moi aussi, mon Soleil…

Et la lumière termina son œuvre.

* * *

« Réveille toi… Réveille toi… Réveille toi ! »

Ugo grogna, et ouvrit les yeux. Il était allongé au sol, sur une natte. Sa liqueur à la main, il sentait la fraîcheur de la nuit courir sur ses joues. Au dessus de lui se trouvait Archibald, inquiet. Les autres étaient là, aussi, le teint de certains aussi blafard que Edward. Certains pleuraient, d'autres étaient bouleversés. Ugo se releva, courbaturé. Quand il eut fini de s'asseoir, il regarda tour à tour ses compagnons, mais certains manquaient à l'appel :

— Où sont les autres ? Je ne vois ni Ludwig, Hadrian, Éléanora, Jinn ou les autres (hormis Kara).

— Ils sont revenus vers Barakav : à part nous, tous les autres sont tombés malades quand on a traversé le Désert des Arbres-Murmures, et Archibald désigna la vallée en contrebas, couverte d'une brume épaisse. Toi et tes quatre amis étaient tombés dans un drôle de sommeil, plus ou moins agité. On a eu très peur pour vous, mais vous vous êtes réveillé quand on est sorti. Ça va aller pour toi, tu peux te lever ?

— Oui, rétorqua Ugo en suivant son affirmation. Mais ça veut dire qu'on est plus que quatre pour l'expédition… On ne risque rien ?

— Pas vraiment, lança Kara qui soutenait un Yannis chancelant. Notre travail consiste à faire du repérage, rien de plus. Régler le problème serait juste un bonus, apparemment. Les autres se portent garants de notre marché avec la Grande Inquisitrice.

— Nous avons reçu son message, ajouta Archibald en soulevant Ugo. Nous avons manifestement réussi son test, et nous avons le choix de continuer ou de rebrousser chemin ; elle ne souhaite pas de morts inutiles. C'est toi, d'après elle, qui décide de la marche à suivre.

Ugo réfléchit quelques instants. Pour lui, c'était sûr à 100 % que son esprit n'avait aucune séquelle, mais quand n'était-il de Yannis ? Peut-être devraient-ils revenir… Mais Ugo avait fait la promesse au Sous-Gouverneur : régler ce problème. Et Ugo était certes un connard, un salaud ou une ordure, mais en aucun cas un parjure. Une promesse faite à un homme d'honneur est une promesse tenue. Il acquiesça pour montrer qu'il fallait continuer, et fit un effort pour remonter sur son coléoptère. Quand le groupe eut fini ses préparatifs (il ne leur restait plus que 3 montures et des vivres pour 4 jours), ils se mirent en marche (enfin, les coléoptères…).

La nuit était parfaite, fraîche et éclairée par les lunes. Ugo observait Yannis se faisant bichonner par Kara. Sur Terre, il avait autant de succès qu'un raton laveur dans un poulailler, surtout auprès de cette Aurélie, qu'il lui avait sorti la totale : resto-ciné-ballade sous les étoiles, pour ensuite lui sortir l'habituel « Tu veux sortir avec moi » avant de se faire renflouer comme pas deux ! Et, pour couronner le tout, c'était la première dans toute la vie de Aurélie qu'un mec l'invitait au resto et au cinéma ! Bref, niveau amour, c'était pas de chance pour Yannis, surtout que Ugo, malgré le fait qu'il arrêtait pas de le bisquer sur cette histoire, pensait que son ami méritait de l'amour, parce que, mêmes s'il n'était pas aussi parfait que lui ou le prof de SVT (faut pas déconner avec ça !), il avait cette partie de lui qui forçait le respect et qui (il en rajoute!) méritait qu'on lui accorde quand même un peu d'attention.

Évoquer de tels souvenirs le fit sourire, mais regarder Yannis trouver le grand amour avec Kara lui fit chaud au cœur. Si lui, on pouvait l'appeler Casanova, il n'avait pas le « plan de l'amour long et chiant » que Yannis montrait à tort et à travers. Vous savez, le genre d'amour qui dure parce que vous et votre partenaire vous entendez super bien, comme si vous jongliez entre la friendzone et le sexfriend… Ouais, non, il n'y comprenait rien, c'est certain. En tout cas, ça sautait aux yeux : Ugo les observait se dire des secrets et des blagues en se retenant de rire, et leurs auras positives galvanisaient le groupe. Un peu plus et tout le monde serait en train de danser une gigue.

Après quelques heures de voyage, ils arrivèrent au pied du titan de pierre et de feu. J'espère que cette fois, les ennuis vont pas venir en trompette et tambour…

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