85. Avancée en terrain ennemi

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Julia

La tête d’Arthur ne me dit rien qui vaille. Qu’est-ce qu’il a ? Qu’est-ce qu’il veut ? Je soupire et lui fais un signe de tête pour lui intimer de parler, mais il semble hésiter un peu.

- Allez, accouche, Zrinkak, on ne va pas rester là pendant une heure, on est exposé de toutes parts, murmuré-je.

- On ne peut pas se sauver sans s’occuper des autres, Julia. Il faut qu’on les aide.

- Ta mère doit attaquer le Palais, elle va s’en charger, Arthur. Il faut qu’on sorte de là.

- Justement, ils vont attaquer et elle n’aura aucune chance. Si on parvient à libérer les otages, on crée un deuxième front ici, à l’intérieur. Et on leur laisse une chance de s’en sortir aussi, comme ça ! me presse-t-il de ses yeux suppliants mais résolus.

- Oh bordel, marmonné-je. T’es pas sérieux, là ? Dis-moi que tu n’es pas sérieux…

Je lui attrape la main et l’entraîne devant la porte suivante, que j’entrouvre doucement pour vérifier qu’il n’y a personne. La pièce est un débarras, on devrait ne pas être dérangés ici et je l’attire à l’intérieur avant de refermer.

- Arthur, tu te rends compte qu’ici ça va tirer de partout à la seconde où les Rebelles vont entrer ?

- Oui, et alors ? Tu veux rester cachée dans une réserve comme ici pendant que nos amis, nos connaissances, se font tirer dessus ? On ne va pas non plus aller se mettre devant les fusils qui tirent, mais on ne peut pas rester sans rien faire !

- On ne fait pas rien ! On a prévenu Snow pour le bombardement, on a sauvé ta sœur, et maintenant on sauve nos culs. C’est pas mal en une journée, non ?

- Tu penses que l’on pourra se regarder en face si on n’essaie pas ? Mon Amour, je te connais. Je sais que tu veux surtout me sauver moi, mais on a une opportunité là. Il faut la saisir. Et promis, s’il y a du grabuge ou si c’est impossible d’aller plus loin, on se barre et on sauve nos fesses. Enfin, surtout les tiennes qui sont si belles.

Je recule de quelques pas et observe Arthur avant de détourner les yeux et de souffler lourdement. Il abuse. Bien sûr que je veux sauver son cul ! Je ne suis pas venue ici pour la Silvanie. Je ne suis pas venue ici pour la Gitane, je ne suis là que pour lui. Les autres… M’importent, oui, mais pas autant que de le savoir en sécurité.

- Vous faites chier, les Zrinkak. C’est pas possible, bougonné-je. Tu crois qu’on peut les retrouver dans ce labyrinthe ? On n’a rien vu dans les pièces sur notre chemin !

- Ils ne doivent pas être loin, Julia. Toutes les pièces sécurisées doivent être dans le coin. Et si on forme un plus grand groupe, on devrait pouvoir augmenter nos chances de nous en sortir !

Il m’a attrapé les mains et les serre fort dans les siennes. Tout son être donne l’impression d’être sous tension et porté par le désir qui le caractérise tant de venir en aide aux autres. Je sais que c’est une connerie, que ça n’a aucun sens militairement parlant. Je sais qu’on m’a appris que dans ces circonstances, soit on se replie dans un endroit sécurisé, soit on fait tout pour évacuer l’endroit. Mais ce que je sais aussi et surtout, c’est que j’aime cet homme et que je l’aime aussi pour cette capacité à se dépasser, à s’oublier, à faire passer les autres avant lui. Et là, c’est ce qu’il me demande. Clairement, j’hésite tellement le risque est important. Mais comment lui résister ?

- Très bien, soupiré-je. Mais je te préviens, si ça chauffe trop, on se met à l’abri. Compris ?

- Compris, ma Chérie, répond-il en m’enlaçant et en me serrant contre son corps chaud. Allons-y, je couvre tes arrières.

Je niche mon nez dans son cou quelques secondes avant de déposer un baiser sur ses lèvres. J’ai l’impression, chaque fois qu’il me prend dans ses bras, que toute l’adrénaline qui me maintient aux aguets et me permet de réfléchir en mode soldate, quitte mon corps, et il faut peut-être éviter ça dans de telles circonstances. Pourtant, je suis bien, là, tout contre lui, et je suis à deux doigts de lui dire qu’on s’en va, juste pour m’assurer de ne pas perdre cette félicité et d’en profiter encore des années.

Je finis par reculer et entrouvre la porte que je referme rapidement et aussi discrètement que possible avant de poser ma main sur sa bouche pour lui signifier de se taire. Il y a du mouvement dans le couloir et ça pue pour nous, vu le nombre de Silvaniens que j’ai aperçus. J’éteins la lumière et m’adosse contre la porte en soupirant alors qu’Arthur tâtonne de ses mains sur moi pour me reprendre dans ses bras.

- Pas de bêtise, Zrinkak, murmuré-je à son oreille. Et surtout pas de bruit. On va attendre une minute que le champ soit libre.

- Tu crois qu’ils t’ont vue ? me murmure-t-il à l’oreille alors que tout son corps est désormais contre le mien.

- Je n’espère pas, j’aurais du mal à ne pas faire de morts s’ils débarquent tous ici, dis-je avant qu’on ne les entende parler et passer devant la porte. Est-ce que tu as compris ce qu’ils disaient ? Ils parlent de notre fuite ou pas ?

- Oui, ils sont à notre recherche et le Général est furieux. Ils vont fouiller les pièces, Julia, rajoute-t-il soudain, paniqué.

- Merde… Toi et tes idées humanistes, bon dieu, bougonné-je en le repoussant gentiment pour entrouvrir à nouveau la porte.

N’entendant pas de bruit, j’ouvre doucement et passe la tête pour vérifier qu’il n’y a plus personne.

- On y va, chuchoté-je en attrapant sa main.

Je ne lui laisse pas le temps de répondre et sors de la pièce, l’attirant avec moi dans le sens inverse de la direction prise par les soldats. Nous avançons doucement, mais nous figeons comme un seul homme lorsqu’un Silvanien sort d’une pièce près de nous. Si ça, ce n’est pas la poisse ! Je lève mon arme en direction du soldat alors qu’il ouvre de grands yeux en nous découvrant, et je vois apparaître le canon du pistolet d’Arthur dans mon champ de vision.

- Dis-lui qu’on ne veut pas le tuer, dis-je doucement à Arthur sans lâcher l’homme des yeux alors qu’il lève les mains en l’air. Qu’on veut juste sortir de là.

Arthur lui traduit calmement les choses, mais le regard du Silvanien dévie dans notre dos et je n’ai pas le temps de me retourner que je sens le canon d’une arme se poser sur ma nuque. Arthur et moi nous penchons lentement pour déposer nos armes au sol et levons les mains en l’air.

- Rappelle-moi de t’envoyer chier la prochaine fois que tu as une idée de merde, bougonné-je en jetant un oeil vers lui, qui semble beaucoup moins serein tout à coup. Pas de geste brusque et ça va aller, Chéri.

Le soldat face à nous parle avec son collègue comme si nous n’existions pas, et moi, je réfléchis à comment nous sortir de cette nouvelle galère alors que je ne sais même pas combien ils sont derrière nous. Si j’attaque l’homme qui appuie son canon sur ma nuque, les risques pour que l’autre s’en prenne à Arthur augmentent.

- Le Général arrive, Julia, il vient de l’appeler, m'interpelle mon Bûcheron avant que celui qui me tient en joue ne lui demande de se taire.

Je grimace à l’idée de me retrouver à nouveau face à lui, parce que je n’ai pas de doute sur le fait que, cette fois, il n’hésitera pas à nous tuer. Ou alors, nous allons nous retrouver ligotés et enfermés en cellule et plus aucune évasion ne sera possible.

Le premier soldat que nous avons surpris passe alors derrière nous. L'arme toujours posée sur ma nuque s'éloigne tout à coup et j'entends le bruit d'une chute. Arthur a les yeux écarquillés, paralysé par ce qui est en train de se dérouler sous ses yeux alors que mon entrainement reprend le dessus. En quelques secondes, je bondis et maîtrise le soldat qui vient d'agresser son collègue. Je ne sais pas ce qu'il se passe mais je préfère être du bon côté des fusils.

- C'est quoi, ce bordel ? demande Arthur dont le regard passe du militaire assommé à moi qui attrape les bras de l'autre.

- Ami ! Ami ! s’écrie le Silvanien alors que je le maintiens au sol, les mains derrière le dos.

Je le relâche et me lève en récupérant mon arme pour le mettre en joue tandis qu’il se redresse en se massant les bras.

- Je viens de vous sauver la vie, vous pourriez être moins agressive, non ?

- Je pourrais, mais on se méfie de tout le monde quand on se retrouve ici. Vous pourriez très bien avoir fait ça pour vous attirer la sympathie du Général.

- Tu fais partie de la Rébellion ? l'interroge Arthur.

- Pas exactement… Enfin, pas encore. Mais je suis contre le Général et je veux vous aider à vous évader. Il faut faire vite !

- Avant ça, tu peux nous emmener où sont les autres otages pour les délivrer aussi ? demande mon Bûcheron dont la capacité à croire et faire confiance me surprendra toujours.

- Trop dangereux. Vous devez partir vite ! Le Général arrive !

- Pas sans les otages, soupiré-je en baissant mon armes. Où sont-ils ?

Je le vois hésiter à me répondre avant qu’Arthur ne répète la question. Il soupire et nous fait signe de le suivre en récupérant son arme pour nous devancer. Je ne sais plus en qui croire, moi, avec tous ces Silvaniens potentiellement rebelles ou en devenir. Toujours est-il que plus j’en apprends sur ce Palais et plus je me dis que la Gitane aurait déjà pu intervenir depuis un moment dans cette guerre si elle pense pouvoir le faire par la force, finalement. Comme elle compte le faire aujourd’hui, d’après ce que j’ai compris. Enfin, pour le moment, on ne peut pas dire que nous puissions compter sur elle étant donné qu’aucune attaque n’a semble-t-il commencé et qu’on doit plus ou moins se débrouiller seuls. Avec des Rebelles qu’on ne peut pas identifier tant qu’ils ne nous sauvent pas la peau. J’aimerais bien qu’on ne manque pas de se faire tuer dix fois pour avoir du monde sur qui compter.

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