45. Amères retrouvailles à la mer

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Julia

Je me laisse tomber sur le lit avec un sourire aux lèvres. Évidemment, ce n’est pas pareil sans Mathias, mais retrouver cette petite maison au bord de la mer me fait déjà un bien fou.

- Allez, bouge-moi ton joli cul, enfile ton plus beau bikini et on va aller se faire mater à la piscine du coin, t’as vu le monde qu’il y avait en passant devant ?

Je ne suis pas intéressée, je n’ai pas envie de me faire reluquer, pas envie de draguer et pas non plus envie de voir du monde. Je soupire en me redressant alors que Myriam me montre son maillot rouge qui ne cache rien ou presque. Finalement, ce petit weekend ne va sans doute pas être aussi bénéfique que lorsqu’il est partagé avec Mathias. Lui, au moins, est capable de se retenir quelques jours de choper de la gonzesse, comme il dit. Alors, certes, généralement, on boit plus que de raison et on passe deux jours à débriefer la mission comme si on voulait s’exorciser, mais au moins, j’en ressors plus apaisée. Là, si Myriam passe deux jours à baiser, je ne vois aucune utilité ou presque à ce weekend.

- Allez, arrête de ruminer. Je sais que je suis moins ton genre que Snow, mais si tu veux des câlinoux, je veux bien me dévouer.

- Je n’ai jamais baisé avec Mathias, combien de fois est-ce qu’il va falloir que je te le dise ? bougonné-je.

- C’est parce qu’il s’est toujours refusé à toi ou alors c’est pas ton genre ? Parce qu’il a quand même un sacré cul, le nouveau Lieutenant !

- Honnêtement ? Je crois qu’on a crushé l’un sur l’autre, mais pas au même moment. Et je confirme, il a un sacré cul. Tout blanc, d’ailleurs, ris-je. Mais bon, tu l’as déjà vu, j’imagine. Et pas que ça. J’arrive toujours pas à croire que t’as commencé à lui tailler une pipe juste à côté de moi.

- Ben il est bien monté aussi. Franchement, si je devais un jour me contenter d’un seul mec, ça pourrait être lui. Mais là, je vais m’en trouver un pour le weekend ! Et un pour toi aussi !

- Je n’ai pas besoin de mec, Myriam, soupiré-je. T’as qu’à aller à la piscine, je vais rester là et bouquiner.

- Mais non, viens, tu vas m’aider à chasser, et je garde les deux mecs pour moi. Si tu restes ici, Mathias va me tuer. Tu n’as pas le droit de m’abandonner.

Est-ce que je suis une vilaine amie de penser à cafter à Mat’ pour qu’il s’occupe d’elle ? Elle n’a rien pigé au truc. Enfin, je suis égoïste de ne penser qu’à moi. Myriam se sert du sexe pour soulager ses maux, moi j’ai besoin des mots pour soulager les miens. Enfin… Ou de mon Bûcheron. L’intensité de nos étreintes lorsque j’ai eu besoin d’oublier a été encore plus forte, je crois, que d’ordinaire. Et c’est peu dire.

- Je ne lui dirai rien, promis. Je te jure, Myriam, j’ai vraiment pas envie de sortir et de voir des couples heureux et toi en train de te pavaner. C’est pas contre toi, mais… Mon Bûcheron me manque un peu trop, je crois.

- Julia chérie, ça me ferait vraiment plaisir que tu viennes avec moi. La piscine, toute seule, ce n’est pas pareil. Et tu n’es pas venue pour rester à l’intérieur, si ?

Non, je suis venue pour boire, parler et passer à autre chose. Mais je ne pense pas que ce soit possible en sachant Arthur encore là-bas. Ça me paraît bien compliqué. Je me résigne à accompagner Myriam pour lui faire plaisir. Je n’aurai qu’à prendre mon bouquin et m’installer sur un transat après tout. Le nez dedans, je ne verrai rien ou presque.

J’ouvre ma valise en soupirant quand on frappe à la porte. Sauvée par le gong ?

- Tu crois que c’est le fameux Rémi ?

- Bien possible, souris-je en sortant de la chambre pour aller ouvrir. Tiens donc, voici le propriétaire des lieux !

Effectivement, Rémi est planté face à moi, un sourire aux lèvres. Toujours aussi grand, toujours aussi beau. La version surfer normand, brun et rasé de près, blanc comme le cul de Snow après un hiver sans soleil ou presque. Il me prend dans ses bras et me soulève en riant.

- Salut Beauté ! Alors, on a besoin de s’éloigner de l’armée ? Je suis content de te voir, ça faisait un moment.

- Ça me fait plaisir de te voir aussi, Rémi. Tu vas bien ? Je te présente Myriam. Snow est resté sur place, alors il me fallait une remplaçante.

- Oh ! Miss France est parmi nous ! Vive les remplacements, dis-donc ! Je suis Rémi, Miss, ravi de vous rencontrer.

- Pas autant que moi, minaude Myriam alors que je lève les yeux au ciel, pas sûre d’apprécier autant que lui le changement de colocataire pour le weekend. Entre donc, Beau gosse, tu es chez toi après tout !

- Tu ne voulais pas aller à la piscine ? lui demandé-je, moqueuse.

- Oh non, on ira demain, peut-être… Rien ne presse ! Surtout quand on accueille un si beau spécimen.

- Evidemment… Je vous laisse tout de suite ou je peux rester un peu ?

- Tu es malade, Julia ? Pas envie de profiter de ton séjour comme la dernière fois ? J’ai pris du poids et ne suis plus à ton goût, Beauté ?

- Son cœur est déjà pris, Beau gosse. Le mien, en revanche, pas du tout, si des fois ça te branche, personnellement je ne cracherai pas sur la marchandise !

- Voilà… Tu es toujours aussi agréable à regarder, Rémi, mais je ne suis pas libre. Faites-vous plaisir, je vous laisse la chambre si vous voulez. Enfin, faites un peu connaissance quand même, non ? J’ai un coup de fil à passer, je reviens.

- On va faire connaissance, ne t’inquiète pas. Et celui qui a pris ton cœur, il a de la chance, j’espère qu’il le sait.

- Espérons, souris-je avant de l’embrasser sur la joue. Amusez-vous bien tous les deux, et sortez couverts.

Je file dans la chambre récupérer mon bouquin et mon ordinateur portable avant de m’installer dans la véranda, face à la mer. Je dois encore attendre une demi-heure avant le rendez-vous que nous nous sommes donné avec Arthur, alors je tente de me concentrer sur ma petite romance, mais ce n’est pas évident, d’autant plus que mon esprit s’envole inévitablement en Silvanie. Voilà plus d’une semaine que je suis rentrée, et c’est quotidiennement que je me dis que j’aurais dû insister auprès du Colonel pour rester. Heureusement, les communications sont revenues il y a deux jours et j’ai reçu les mails qu’Arthur n’avait pas réussi à m’envoyer. J’espère que le Général ne va pas encore faire foirer les choses, parce que c’est déjà suffisamment difficile pour moi.

Bon sang, je m’agace moi-même. Ce n’est pas moi, ça. M’apitoyer sur mon sort, me plaindre… Envoyer bouler tout le monde, un peu quand même, surtout au retour de mission, mais j’ai l’impression que tout est exacerbé par le manque de lui.

Quand mon ordinateur sonne enfin avec quelques minutes de retard, je ne peux retenir le sourire qui s’affiche sur mon visage et décroche pour découvrir Arthur et Lila, tout sourires.

- Mon dieu, enfin, soupiré-je. Qu’est-ce que vous êtes beaux tous les deux. Vous allez bien ?

- Bonjour Julia ! crie une Lila toute excitée.

- Coucou ma Chérie, essaie de se faire entendre mon Bûcheron. On va très bien, comme tu vois. Et toi ? Bien arrivée avec Myriam ?

- Oui, bien arrivée. Ça va… Il fait froid, la mer est agitée, mais là tout de suite, je me sens beaucoup mieux. Tu pourras dire à Snow que son idée de missionner Myriam était très mauvaise ? ris-je. Comment ça se passe sur le camp ? Tout roule ?

- Pourquoi c’était une si mauvaise idée que ça ? Elle t’embête ?

- Non, on n’est juste pas dans le même état d’esprit. Le boulot me manquerait presque, même si les recrues sont insupportables. Alors, Jolie Lila, comment tu vas ? Qu’est-ce qu’il se passe de beau sur le camp ?

- Arthur, il est toujours triste, mais sinon ça va. Il y a un veau qui est né. Et les soldats, ils se font crier dessus par Snow.

- Je paierais cher pour voir ça, ris-je. Tout roule quand même, Arthur ? Ce n’est pas trop le bazar ? Comment vous avez appelé le veau ?

- Collins, c’est Snow qui a choisi, répond Arthur. Tu te demandes pourquoi ? Sinon, oui, ça va. Les nouveaux arrivants se font à la vie du camp, mais Snow galère bien. Il dit tous les jours qu’il ne sait pas comment tu faisais. Ça va, toi ? Tu n’es pas dans le bon état d’esprit, alors, c’est ça ?

- Pourquoi Collins ? ris-je.

- Parce qu’il a dit que le veau avait une tête de cochon. Le comble pour un veau, non ?

- Effectivement ! Pauvre veau, un tel nom, personne ne le mérite, ris-je alors que j’entends la porte de la chambre s’ouvrir.

Je n’ai pas le temps de réagir que Rémi se pointe dans la véranda, en boxer, les cheveux ébouriffés et un sourire aux lèvres.

- Eh, Beauté, dis-moi, tu veux pas… Oh pardon, je savais pas que t’étais occupée.

- Beauté ? demande tout de suite Arthur, les yeux écarquillés. C’est qui ce type ? On va te laisser Julia, je ne pensais pas te déranger.

- Attends, non, c’est pas du tout ce que tu crois ! paniqué-je instantanément.

- Je crois ce que je vois, Julia, me répond-il laconiquement. Bon amusement.

Il coupe la communication dans la seconde, me laissant totalement sur le cul. Je rêve ou il vient de me raccrocher au nez ? Il croit quoi, que je m’en tape un autre alors qu’on a rencard vidéo ? Il me pense si stupide que ça ? Bon sang, ce qu’il m’agace !

- Oups, désolé, je crois que j’ai merdé là.

- T’as pas idée, Rémi. Bordel, tu pouvais pas continuer à baiser et me laisser tranquille ?

Je tente de rappeler Arthur à plusieurs reprises, sans succès, et mon agacement s’accroît à vitesse grand V. Pourquoi faut-il qu’il interprète aussi rapidement les choses et ne me laisse pas l’opportunité de m’expliquer ? Il fait chier, ce satané Bûcheron ! Foutu weekend à la mer, j’aurais mieux fait de rester terrée chez moi avec Joker.

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