33. Déclaration officielle, déclarations d'amour

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Julia

Lorsque nous entrons dans la petite salle des opérations, un brouhaha pas possible se fait entendre. La pièce est remplie de militaires et je vois Snow me lancer un regard désolé de l’autre côté, alors qu’Eva se fraie un chemin entre les hommes pour venir me prendre dans ses bras.

- Tu aurais pu passer me voir, quand même.

- Pour quoi faire ? ris-je.

- Eh bien, pour me dire que tu vas bien, que le pervers ne t’a pas touchée, que tu es en vie, tout ça, tout ça, quoi.

- Je vais bien, le pervers ne m’a pas touchée et, tu vois, je suis en vie.

- Je vois ça. Et tu as les joues toutes rouges, se moque-t-elle en jetant un œil à Arthur à mes côtés. Bien vivante, la Lieutenant.

Je lève les yeux au ciel alors que le générique du journal télévisé se fait entendre, faisant se taire la plupart des personnes présentes ici.

- Arthur, tu veux bien nous traduire tout ce qui touche au Président et au Général, s’il te plaît ? demande Snow en lui faisant signe de le rejoindre près de l’écran qui diffuse le journal.

- Oui, pas de soucis. J'enverrai la facture à la Lieutenant ! répond-il, joueur.

- On fait comme ça, mais si c’est du paiement en nature, je ne veux pas voir les détails de ta facture, ricane Snow, faisant s’esclaffer l’assemblée.

- On arrête tout de suite ce genre d’allusions, grondé-je, calmant tout le monde.

- Vous avez raison, Lieutenant, excusez-moi.

Si même Snow s’y met, je ne vais pas m’en sortir. Qu’on plaisante ensemble, soit, mais pas devant les hommes. Je ne suis pas prête à ça.

Arthur le rejoint tant bien que mal alors qu’Eva s’adosse au mur à mes côtés. Plusieurs personnes sont rassemblées autour d’une table et blablatent déjà avant que le visage du Général n’apparaisse. Il est installé au bureau du Président, et un frisson me traverse quand je pense que le sol doit encore être taché du sang de son prédécesseur, qu’il a abattu sans sommation et avec le courage d’un hérisson roulé en boule au milieu d’une route de campagne, sans même le regarder dans les yeux.

Ankhov commence à parler et Arthur s’attèle à la tâche de la traduction avec assurance.

- Mes chers compatriotes, amis de la République ou rebelles, j'ai une terrible nouvelle à vous annoncer. Votre Président, Victor Lichtin est mort. Abattu par un soldat de sa garde rapprochée alors qu'il était en train d'essayer de tirer sur tout le monde dans un terrible accès de folie. Terrible. Terrible. Terrible.

Pas très inspiré, le Général, à répéter ce mot encore et encore. Par contre, la traduction par Arthur me donne des frissons. Il y met une telle intensité, mon Bûcheron qui traduit tous les actes héroïques réalisés par le Pervers et qu'égrène Ankhov, visiblement peu à l'aise dans cet exercice de style. Je doute qu’il s’y prenne de la bonne manière pour rallier le peuple. Aller faire passer Lichtin pour un héros après des années de guerre civile, quelle idée !

- La Constitution prévoit normalement que le pouvoir revienne au chef du Parlement. Vous le savez comme moi, en raison de la guerre interne qui déchire notre pays, nous n'avons pas de session en cours. Pour éviter le chaos et le désordre, j'ai accepté de participer à la transition démocratique et d'assurer l'Intérim jusqu'à ce qu'un nouveau Président soit légitimement élu. Je m'engage solennellement devant vous à organiser cette élection dans un délai d'un an maximum. En attendant, j'invite les rebelles, et notamment celle que vous appelez la Gitane, à venir à la table des négociations et à permettre de ramener le calme dans notre si beau pays. Toute nouvelle attaque sera considérée comme une déclaration de guerre et conduira à une terrible répression. Terrible. Terrible.

Il a accepté de participer à la transition démocratique, mon popotin, oui. Il s’est surtout autoproclamé remplaçant. Et sérieusement, il a besoin d’un an pour organiser des élections ? Si j’avais déjà un doute, là je le sens vraiment mal. Un an… Pendant un an, le bras droit de Lichtin, ce terrible personnage, va se retrouver aux commandes du pays.

- Allez, tout le monde retourne à ses tâches, on en a assez entendu, soupiré-je après avoir entendu Arthur traduire un “tout ira bien” peu convaincant de la part du Général.

Les soldats sortent petit à petit de la salle des opérations en commentant ce qu’ils ont entendu. J’entends certains s’extasier de la fin de la guerre, quand d’autres sont davantage dans mon état d’esprit : méfiants et sur la réserve.

- T’en penses quoi, Ju ? me demande Eva, dont j’avais totalement oublié la présence.

- J’en pense que pour avoir rencontré ce Général, j’ai peur qu’on ne sorte pas de cette guerre. On n’est pas le bras droit d’un président fou pendant des années pour rien.

- Toujours aussi optimiste à ce que je vois, Lieutenant, rit-elle.

- Toujours oui. Allez, à demain Eva, je file m’enfermer dans mes quartiers, j’ai encore du boulot.

- Du boulot ? Oh Ju, profite un peu de la vie aussi. Avec un mec comme Arthur, je peux t’assurer que moi je serais en retard dans ma paperasse et qu’en plus, je m’en foutrais royalement !

- Alors heureusement que tu n’as pas un mec comme Arthur, ris-je, je déteste quand les rapports arrivent en retard.

Je lui fais un clin d'œil avant de sortir de la salle des opérations pour regagner mes quartiers. Encore une journée bien folle dans ce pays de dingues. Le Président Lichtin est mort sous mes yeux et je me déteste d’en être satisfaite. J’ai rarement été aussi mal à l’aise avec un homme, et lui me fichait la trouille comme jamais. Dans le genre prédateur sexuel, je pense qu’on pouvait difficilement faire pire.

Un nouveau frisson me traverse et il n’a rien d’agréable. Les images surgissent sans que je puisse les contrôler, et je le vois s’effondrer au sol, le sang se répandre autour de lui. Je me débarrasse rapidement de mes armes et me déshabille alors que j’ai la sensation d’étouffer. Bordel, Lichtin est mort, c’était un fumier de première classe, pourquoi est-ce que ça me met dans cet état ? J’en ai vu, des morts, bien plus que je ne le voudrais d’ailleurs. Je bois un grand verre d’eau et m’appuie sur le rebord du lavabo. La fatigue s’accumule et il m’est de plus en plus difficile de rester de marbre face à tout ce que je vis. C’est normal, je crois, j’ai toujours une phase plus compliquée en mission, mais ça va passer. Pour autant, là, quand je me regarde dans le petit miroir sale au-dessus du lavabo, je me fais moi-même peur. Heureusement que ma mère ne me voit pas à cet instant, livide et le regard hanté, parce qu’elle aussi ferait une crise de panique.

Quelques coups frappés à la porte me font brusquement sursauter et me ramènent à la réalité. Je me tapote les joues pour me redonner des couleurs et m’apprête à me rhabiller quand j’entends Arthur s’annoncer.

- Tu peux entrer, dis-je d’une voix un peu trop tremblante à mon goût.

Mon Bûcheron ne se fait pas prier et referme la porte derrière lui, un sourire en coin plaqué sur le visage en détaillant mon corps quasi nu, mais ses sourcils se froncent lorsque nos yeux se trouvent.

- Julia, ça va ?

- Oui, oui, ça va. C’est rien, un coup de fatigue.

- De fatigue ? On dirait que tu as vu un fantôme, tu veux dire !

- Je vais bien, Arthur, je… C’est juste le petit contrecoup de la journée, j’imagine. J’ai beau être dans l’armée, voir un homme mourir à un mètre de moi à peine, ça… Enfin bref, Lichtin était un pourri, il faut se réjouir de ne plus jamais avoir à le croiser.

- Eh bien… On dirait que l’armure est fendue, Lieutenant. Je comprends mieux pourquoi tu as fui la salle des opérations maintenant, me dit-il en approchant. Je peux t’enlacer ou je vais encore me prendre un coup ?

- Non, prends-moi dans tes bras, s’il te plaît. Et mieux encore, prends-moi tout court.

Je l’attire contre moi et l’embrasse avec fougue tout en déboutonnant son pantalon avec empressement. D’abord immobile, Arthur finit par me repousser doucement et attraper mes mains.

- Hé, t’es sûre que ça va ? Je… Je n’arrive pas à croire que je vais dire ça, mais tu es sûre que c’est une bonne idée ? Tu ne m’as pas l’air en état, Julia.

- Tu plaisantes ? J’en ai envie, et j’en ai besoin. J’ai besoin de toi, Arthur. Tous les jours, et là tout de suite particulièrement. J’ai besoin de nous, de ta passion, de ta fougue, de ton amour. Je veux oublier tout ce qui n’est pas nous. Prends-moi, je t’en prie.

Mon Bûcheron me regarde un moment avant de relâcher mes mains pour me soulever dans ses bras. Sa bouche se presse sur la mienne alors que j’entoure ses hanches de mes jambes et savoure son contact. Il me dépose sur mon bureau et m’enlève mes sous-vêtements avec autant d’empressement que je finis de baisser son pantalon et son boxer sur ses cuisses. Nos bouches se retrouvent pour ne plus se lâcher, et mes mains fébriles ouvrent sa chemise pour la lui retirer alors que je sens sa paume chaude se poser sur mon intimité pour en constater l’humidité.

- Bon sang Julia.

- Prends-moi, Arthur.

J’enserre sa queue dans ma main et l’attire contre mon sexe qui n’attend plus qu’une chose, le sentir me combler et me faire sienne. Mon Bûcheron ne se fait plus prier et noue mes mains dans mon dos avant de s’enfoncer en moi d’une poussée franche qui me tire un long gémissement. Il s’immobilise au fond de mon corps et m’enjoint à me pencher en arrière, maintenant mes mains sur le bureau alors qu’il picore mon cou et descend jusque sur ma poitrine.

- Arthur, s’il te plaît, l’imploré-je en pressant mon pubis contre le sien.

- Quelle impatience, Julia, rit-il doucement en me donnant un coup de reins qui me fait à nouveau gémir.

Il commence à aller et venir lentement en moi, et s’immobilise lorsque trois coups sont frappés à la porte. Oh non, hors de question, bordel !

- C’est une urgence vitale ? crié-je en resserrant mes jambes autour des hanches d’Arthur pour l’inciter à poursuivre.

- Non, Ju, je voulais voir comment tu allais.

- Je vais bien, Snow, repasse plus tard !

Je retiens de peu un gémissement alors qu’Arthur s’amuse à présent de la situation et s’enfonce en moi plus fort.

- Tu es sûre ?

- Bordel, Snow, je vais bien ! Très bien, même, promis ! On se voit demain, dis-je sans pouvoir contrôler ma voix qui part dans les aigus.

- Oh, je vois, ricane Mathias. Je te laisse ta soirée, je gère le camp, Ju. Bonne soirée les amoureux !

Je pouffe alors qu’Arthur affiche un regard fier qui me donnerait d’ordinaire envie de rabattre le caquet du mec qui l’affiche, mais ses coups de reins s’intensifient et mon cerveau se déconnecte totalement au profit des sensations qu’il me fait ressentir. Lâcher prise au creux de ses bras est sans doute la meilleure idée qui soit, et je savoure ses va-et-vient sans contenir mes gémissements. C’est libérateur, salvateur. Un pur régal que de le voir s’enfoncer en moi.

- Plus fort, s’il te plaît.

Arthur me jauge du regard une seconde avant de lâcher mes mains pour agripper mes hanches et me pilonner plus rudement. Je pourrais noter son endurance, sa capacité à allumer un brasier en moi et à répondre à mes envies avec assurance, mais tout ce à quoi je pense, tout ce que je ressens, là, à cet instant, c’est l’orgasme qui prend naissance au creux de mon ventre, et monte à folle allure. Je ne retiens pas le cri qui sort de ma bouche, je ne contrôle plus rien, je subis avec délice mon corps qui se contracte autour du sien, qui tremble du plaisir ressenti et communie avec son corps. Mon Bûcheron s’immobilise finalement en lâchant un puissant râle, se déversant en moi, me comblant d’un peu de lui.

Nos corps se retrouvent lorsqu’il me serre contre lui, nos bouches fusionnent à nouveau dans un moment plus tendre qui me vrille l’estomac. Je noue mes bras autour de lui et le presse contre moi. Tout mon corps est au contact du sien et je rêverais presque d’une fusion, de pouvoir passer ma vie juste là, au creux de ses bras, loin de la vie réelle. Juste lui et moi, le sexe, la complicité, l’union de deux corps et de deux âmes qui, je crois, ne peuvent plus se passer l’une de l’autre.

- Je t’aime, Beau Bûcheron, Dieu du sexe et de l’amour, ris-je doucement.

- Moi aussi je t'aime, belle Sirène dont les gémissements m'enchantent. C'était… Wow !

- Wow, oui, pouffé-je. Enfin, entre nous, je pourrais dire ça de chacune de nos étreintes ou presque.

- Oui, comme si nous étions faits l'un pour l'autre. Je t'aime, Julia. Plus que je n'ai jamais aimé, murmure-t-il d'une voix un peu rauque en enfouissant sa tête dans mon cou, à la naissance de mes seins toujours bien sensibles.

- La fougue laisse place au romantisme, Beau Bûcheron ? souris-je en caressant sa nuque. Tu te ramollis, Beau gosse.

- J'ai pas l'impression de ramollir, dit-il, espiègle, en me donnant un nouveau coup de reins qui me tire un gémissement. C'est juste qu'avec toi, tout est tellement intense… J'ai l'impression de rêver ma vie.

Moi aussi j’ai cette impression quand je suis là, dans ses bras. Et je rêve un peu trop d’une vie loin de la guerre, plan-plan et ordinaire, où je pourrais revenir juste là tous les soirs et l’embrasser chaque matin alors que nous partons bosser. Je sais que je mets la charrue avant les bœufs, mais c’est la première fois que je me projette réellement dans une relation à aussi long terme, la première fois que j’entrevois ma vie autrement que sur le terrain. Ça me ferait presque flipper, mais Arthur a la bonne idée d’éteindre à nouveau mon cerveau en reprenant lentement ses va-et-vient en moi. On verra plus tard pour la crise d’angoisse.

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