21. Intouchables

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Julia

Je profite encore quelques instants de la chaleur du corps d’Arthur avant de l’embrasser tendrement et de m’éloigner pour appeler Mathias. J’ai beau être rassurée que tout ne soit pas entièrement détruit et qu’Arthur et Lila aillent bien, une part de moi s’inquiète pour les réfugiés et mes soldats. Et si l’engin qui nous a bombardés avait repéré le convoi à pied ?

Je n’ai pas le temps de manipuler la bête que je tiens entre mes mains qu’elle sonne, me faisant sursauter.

- Snow ?

- Nom de dieu de bon dieu, Julia Vidal ! Je te jure que je vais t’étriper de mes propres mains !

- Est-ce que tout le monde va bien, Mat’ ? lui demandé-je sans me soucier de son ton coléreux.

- Tout le monde est mort d’inquiétude, tu veux dire ! Non mais tu te rends compte que tu ne nous as même pas répondu ? Que tu ne nous as pas dit ce que tu faisais ? Pas donné signe de vie depuis plus de deux heures ? Est-ce que tu te rends compte de la trouille que tu m’as fichue ?

- Je suis désolée, je n’avais pas le téléphone avec moi, Mathias. Calme toi, je vais bien, Arthur va bien, Lila va bien. Même le camp va plutôt bien. Est-ce que tout le monde est arrivé sain et sauf à la grotte ?

- Oui, même ces emmerdeuses de vaches, bordel ! Y a que toi qui es incapable de ramener ton cul ici, apparemment !

On dirait bien que le petit père s’est inquiété plus que de raison, parce qu’il est presque aussi hystérique que Marina. Je ne sais pas si c’est réellement à cause de moi ou s’il a bien galéré avec nos vaches, mais il est sur les nerfs.

- Tu voulais quoi, Mat’ qu’on laisse Lila ici et qu’on se mette à l’abri ? De toute façon, je n’avais pas prévu d’aller à la grotte, je devais rejoindre le Commandant sur la ligne de défense.

- Je te demande pardon ? Et tu comptais me dire ça quand ? Et… Tu allais te battre sans moi ? Vraiment ?

- Snow, soupiré-je en observant Lila et Arthur qui ont atterri dans le champ des vaches, au pied du cratère laissé par l’une des bombes. Tu sais bien que ce n’est plus pareil maintenant. Tu es mon bras droit, s’il m’arrive quelque chose, tu dois gérer. Et j’allais t’en parler, je n’ai juste pas trouvé le moment. Peu importe, l’essentiel c’est que tout le monde aille bien, non ?

- Ouais, l’essentiel, c’est que tu m’as pas fait confiance, gronde-t-il sans entendre mes arguments. Tu préfères parler à ton Bûcheron qu’à ton collègue militaire, c’est ça ?

- Tu me fais une crise de jalousie, sérieux ?

- Non, je n’aime pas faire le con pendant que tu te réserves tout le fun ! Bon sang, Ju, tu m’as fait une de ces peurs ! Ne recommence plus jamais ou c’est moi qui t’achève !

- Tout le fun ? J’ai failli me prendre une bombe sur le carafon et je me suis encore retrouvée dans une cave. Désolée mais j’aurais préféré la grotte trois étoiles, ris-je. Je te l’ai dit, je suis désolée, mon chou.

- Ouais, n’essaie pas de m’amadouer avec tes jolis surnoms, ma puce. Et je te jure, c’est pas moi qui gère les vaches au retour. A toi de faire la fermière !

- Impossible, mon poussin, je vais devoir gérer belle-maman, déjà !

- Ah non, ne me dis pas que la Gitane ramène son cul aussi ? Si c’est le cas, dis-lui de s’occuper des steaks à pattes. Entre Silvaniennes, elles devraient se comprendre. Mais, j’y pense, tu vas vraiment la laisser rentrer dans le camp ?

- Tu veux quoi, que je la remercie de nous avoir sauvé la vie tout en l’envoyant bouler ?

- C’est une déclaration de guerre contre le Président, ça. Il va dire quoi, le Colonel, quand il va apprendre tout ça ?

- Elle vient voir son fils, et elle vient de nous sauver les miches, bon sang, bougonné-je. Le vrai problème, c’est qu’on ne peut pas faire des allers-retours à la grotte chaque fois que Marina appelle pour nous avertir…

- C’est toi la boss, Ju. Je te fais confiance, mais on n’est pas dans la merde ! Et les vaches, je te jure, si tu t’en occupes pas, ce soir, on fait un barbecue !

- Pas touche aux vaches, Mat’. Demande de l’aide aux Silvaniens, ça va le faire. Je te tiens au courant pour la suite des événements, d’ici là, restez bien planqués.

- Planqués ? C’est un ordre, Lieutenant ?

- Oui, garde tout ce petit monde en sécurité, mon lapin. Je compte sur toi.

- Putain, t’es chiante, Cheffe. Le fun, c’est toujours pour toi. Mais à vos ordres, mon Lieutenant !

- C’est l’avantage d’être celle qui décide, ris-je. Et je t’assure qu’avoir Marina sur le dos, c’est pas si fun que ça ! A plus tard, Matounet !

- A plus tard, Juju !

Je raccroche, le sourire aux lèvres, et rejoins Arthur à grandes enjambées pour littéralement lui sauter au cou. Mon Bûcheron a de bons réflexes parce qu’il m’entoure de ses bras et me maintient contre lui.

- Tout le monde va bien, Arthur. Cette fois on peut le dire : on a réussi !

- Bravo Julia ! C’est en partie grâce à toi ! Tu es folle, mais aussi follement douée !

- Pourquoi est-ce que je suis folle ? ris-je.

- Parce que tu ne m’as pas abandonné et que tu es venue avec moi pour retrouver Lila. Merci Julia. Je t’aime.

- Merde, je pensais que tu avais trouvé mon humanité, depuis le temps ! Tu croyais quoi, que j’allais vous laisser là tous les deux, sérieusement ?

- Je ne pensais pas que tu étais aussi attachée que moi à Lila. Et ça me réjouit. Je pense qu’on peut encore faire quelque chose de toi malgré le treillis, sourit-il.

Je l’embrasse avec passion, extériorisant toute ma joie et le soulagement tant attendu. Arthur répond à ma sollicitation, et je sens sa langue venir jouer avec la mienne.

- Oulah, on arrive au mauvais moment, apparemment !

- Maman…. Tu pouvais pas prendre ton temps pour arriver ? râle Arthur sans me relâcher.

- Contente de voir que tu sembles heureux que ta mère te rende visite, Arthur, soupire Marina alors que Lila se jette dans ses jambes.

- Je suis surtout content que tu aies tes informateurs au Palais. Grâce à toi, on a échappé au pire, ici. Pas de grabuge sur le chemin ?

- Non, tout le monde est reparti se terrer au Palais. Pourquoi vous n’étiez pas en sécurité, tous les trois ? Tu voulais te faire la jolie militaire et la gosse s’est mise dans le chemin ?

- Ouais, c’était presque ça, n’est-ce pas Julia ?

- Evidemment ! Prendre son pied sous les bombes, le rêve de tout le monde, j’imagine !

- Ah, enfin vous me comprenez, Julia, rit la Gitane en nous prenant dans ses bras. Purée, les conneries que vous me faites faire en tous cas. Je vais devoir aller jusqu’à la capitale, maintenant, si je veux que vous soyez en sécurité, non ?

- Sans doute… Je vous aiderais bien, mais je suis censée être neutre. C’est pourtant pas l’envie qui me manque de lui faire bouffer ses couilles, à cet enfoiré, lui dis-je.

- Tout de suite les grands mots, Julia, intervient Arthur. N’excite pas ma mère plus qu’elle ne l’est déjà. Je crois que pour elle, tout ça est un jeu. Et c’est toujours le peuple qui souffre derrière.

- Oui enfin, l’idée, là, c’est que ce soit Lichtin qui souffre, personne d’autre, bougonné-je.

- Bon, les jeunes, vous allez faire quoi, maintenant ? Faire rentrer tout le monde ?

- Ça dépend de vos infos, Marina. Il compte faire quoi maintenant, ce dingue ?

- Avec toute l’attention médiatique qu’il va y avoir ici, il devrait vous laisser tranquille. Mais le souci, c’est qu’il a envie de vous mettre dans son lit, Julia. Et je crois qu’il est assez fou pour ne pas se préoccuper de tout ça et continuer à vous embêter tant qu’il n’aura pas ce qu’il veut.

- Il peut toujours rêver, soupiré-je. Je n’arrive pas à croire qu’il soit capable d’en arriver là juste pour… ça. C’est horrible, ce type est dingue.

- Il faut croire que lui et mon fils ont les mêmes goûts, Julia. Je ne sais pas comment ça va se terminer, mais il ne s’arrêtera pas tout seul. Il va falloir qu’on réfléchisse à un truc.

- Un truc autre que lui coller une balle entre les deux yeux, vous voulez dire ?

- Lui couper les couilles, oui, il n’y a que ça qui va le calmer, continue Marina, me faisant presque sourire.

- Bon, les filles, arrêtez de rêver, ça n’arrivera jamais. Ils ont le soutien du monde entier, ils sont intouchables.

- Un accident est si vite arrivé, pourtant, souris-je. Vous restez longtemps Marina ?

- Non, sinon ça va vous attirer encore plus d’ennuis. J’ai vu mon petit chou, tout va bien maintenant. Je pars demain matin, ça vous va ?

- Oui, pas de problème, on fait ça, mais ça ne sera pas le grand confort, je vous préviens… Je vais rappeler Snow pour qu’il rapatrie tout le monde.

- Ouais, parce qu’ils risquent de l'abîmer, notre Grotte sacrée, sinon ! Faut pas exagérer, non plus !

Je lève les yeux au ciel. Ils sont tous dingues avec cette grotte. Je veux bien qu’on respecte les lieux, mais de là à douter du bien fondé d’y cacher des êtres humains en danger, je crois que je ne comprendrai jamais.

- Bien, à plus tard alors. Je vous confie votre fiston, j’ai des coups de fil à passer, dis-je avant d’embrasser Arthur sur la joue. A tout à l’heure.

- A plus tard oui. Et bravo pour l’organisation du camp, Julia. Aucune armée n’avait jamais évacué aussi vite ! se moque-t-elle gentiment.

- Et aucune armée n’avait jamais évacué vaches et poules non plus, j’imagine, dis-je en lui faisant un clin d'œil.

Je tourne les talons et prends le chemin de la grange, heureusement épargnée. C’est clair que ce bombardement n’est pas de qualité, mais nous n’allons pas nous en plaindre. Maintenant, il faut avertir le Colonel de ce qu’il s’est passé, permettre à tout le monde de rentrer, et voir ce qui est faisable pour la partie du campement des Silvaniens qui a été bombardée. Hors de question de les faire dormir dans un trou. Malgré ces nombreuses choses à faire, mon sourire ne me quitte pas. Nous avons réussi, et le Président sera sûrement bien dégoûté quand il l’apprendra. J’ai peur que nous ne fassions qu’exciter et attirer davantage le taureau, mais je ne le laisserai pas faire, j’ai plus d’une corde à mon arc.

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