17. Retour parmi eux

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J’attends quelques secondes avant de signaler ma présence auprès de mes compagnons. Et je suis étonnée de voir que ceux-ci se précipitent tous vers moi. Je suis d’ailleurs percutée par Lucia qui me fonce dessus, et m’enserre la taille entre ses bras. Elle me serre avec force à m’en faire mal, mais je sens bien qu’elle en a besoin pour se rassurer.

— Ils se sont encore battus en ton absence, me susurre-t-elle à l’oreille avant de se décrocher de mon corps.

Elle me sourit et ne dis plus rien, puis elle se faufile dans mon dos pour reprendre place dans le véhicule. Étrange, mais pas tant que ça pour un satyre, elle est du genre sauvage, alors je dois déjà me montrer heureuse d’avoir eu le droit à une accolade. Je l’observe un instant avant de me rendre compte que je suis moi aussi examinée des pieds à la tête.

Je sens son énergie, son aura se déploie autour de moi, ce bleu si représentatif qui m’englobe alors qu’il est de plus en plus proche de moi. Au moment de me retourner, je me retrouve nez à nez avec Louis. Au début, je le pense, énervé, mais une étincelle que je ne lui connais pas éclaire ses pupilles. Une lumière si sincère que ma respiration se coupe.

Pendant un moment, nous restons en silence, tels des chiens de faïence à se regarder sans rien dire. Puis dans un élan d’affection, les bras ferme de mon loup me plaquent contre sa poitrine. J’entends le rythme de son cœur, il est effréné pourtant ce bruit, ce son que j’écoute, une oreille collée contre ses pectoraux me réconforte. C’est comme s’il répondait au mien, comme si j’attendais ce moment depuis longtemps.

Mais cet intermède ne dure qu’un court instant, en effet un grognement guttural provenant du dos de Louis, me fait m’écarter de mon loup, et froncer les sourcils. Je remarque enfin James qui nous fusille du regard. Et l’étincelle de ses yeux est tout le contraire de celle que j’ai aperçu dans celui de Louis, il y a de cela trente secondes.

***

Tu m’as fait peur, K. Où, étais-tu ?

***

Je n’ai pas le temps de répondre au murmure de Louis, James étant trop près de nous. Je les observe l’un après l’autre, et ce n’est que maintenant que j’aperçois que la veste de Louis est en lambeaux. Lorsque je pose le regard sur le visage de James, ce ne sont plus ses yeux que je remarque, mais bien, l’hématome violacé qu’il a sur sa pommette. Ils ne se sont pas loupés.

— J’avais besoin d’évasion. Je suis allée au lac enchanté. J’ai rencontré un jeune homme.

Simple mais efficace, je ne leur laisse pas le temps de dire quoique se soit, que je me retourne, bouscule Louis, et entre dans notre automobile. Le voile est si proche… Nous n’avons plus de temps à perdre. Surtout, si les chasseurs sont encore à nos trousses.

— Préviens-nous la prochaine fois avant de prendre la fuite. Tu as disparu en une seconde, j’ai bien cru qu’il t’avait avalé.

— Arrête avec ça, tu veux ! Je ne voulais pas la blesser !

Les tensions sont encore présentes à ce que je constate. Mais ce n’est pas grave, je ferme la portière pour leur faire passer le message. On poursuivra notre discussion sur le reste de la route. Hugo qui revient seulement de l’orée de la forêt, fait le tour de la poubelle et y grimpe sans poser de questions. Il doit sentir l’énergie qui se dégage de mon corps, car moi-même, je sens une vague de chaleur monter au creux de mon ventre.

***

Tu connaissais déjà l’existence du lac ? interrogé-je Louis dans une pensée.

C’est une légende chez nous, enfin… Il est dit que seules certaines fées ont la possibilité d’y accéder. C’est un privilège que je n’aurais jamais. Qui est-ce que tu as rencontré ?

***

Notre conversation silencieuse dure depuis plus de deux minutes, lorsque Louis se décide enfin à démarrer la voiture. James, assis juste derrière moi grogne une fois de plus. Alors je tourne la tête dans sa direction pour tenter de capter son attention. Mais je le vois, crispé, les poings serrés. Ce n’est plus de la jalousie qui sort de ses pores… J’ai l’impression d’entrevoir de la haine.

Je secoue la tête à cette idée, je dois me tromper. Un froncement de sourcils me prend avant que je ne redirige mes yeux vers l’avant. Juste à temps pour pouvoir observer le voile glisser sur le parechoc de la poubelle. Tel un nuage de fumée blanche, le voile, nous engloutis, d’abord doucement puis il s’incruste et se faufile dans chaque recoin de notre transport.

Je me demande comment fait Louis pour avancer, avant de comprendre que ce n’est plus lui qui guide le véhicule, mais bien la fumée, ce nuage qui maintenant qu’il nous a submergé, se dissipe aussi rapidement qu’il nous a avalé. Et le premier élément que nous avons la chance d’observer est une énorme étendue de verdure.

Une étendue verte et immense, traverser par un chemin, un seul chemin qui traverse et grimpe jusqu’au pied d’un immense château. Je le pensais plus loin de la barrière, éloigné du monde des hommes, aussi loin du danger que possible. Sauf qu’en vérité, il est là, à portée de main. Grand, majestueux, cette magnifique bâtisse fait référence aux plus beaux palais de la renaissance.

Il surplombe tout le paysage, sublimé par des nuages gris et blancs qui cachent ci et là, des parcelles de la structure. Une nuée de corbeaux croassent au-dessus des diverses tours du palais, ils tournent et virevoltent, comme s’ils savaient. Je les entends, leurs cris percutent mon âme, qui ne demande qu’à être projetée vers ce qui semble être ma maison.

— Bienvenue chez toi, princesse, souffle James me surprenant.

Chez moi. Vraiment ? C’est difficile à croire, pourtant, je le sens au plus profond de mon être. Mes cellules frémissent, s’agitent et sentent toute l’énergie qui se dégage du sol. Des particules de lumière pénètrent de mes pieds pour remonter vers mon cœur. Et dans un battement, des milliers de faisceaux colorés s’échappent de mon corps pour se fondre dans le décor.

Ce moment ressemble à une cérémonie, comme une nouvelle naissance ou plutôt une renaissance. La terre qui reprend contact avec sa fille, sa princesse, cette fée aux pouvoirs dont elle ne connaît pas encore l’ampleur. Cette enfant qui fut autrefois perdue. Et même si je reconnais que tout ça me fait couler sous une immensité d’énergie, deux questions flottent dans ma tête.

Vont-ils me reconnaître ?

Mais surtout, vont-ils m’aimer ?

Ça paraît enfantin dit comme ça, sauf que je n’ai aucun souvenir de ceux qu’on dit être mes parents. Alors, je ne sais pas à quoi m’attendre, je ne sais pas s’ils vont vraiment m’accepter. Moi, la jeune fille, élevée au sein du cercle, moi, la princesse prenant seulement conscience de l’importance de son statut.

— Te sens-tu prêtes, Kiera ? Ce monde devant toi est le tien, regarde autour de toi. Les étincelles de ton pouvoir captent l’essence de ta terre natale. Tu rayonnes.

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