Episode 17

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Le lendemain j’envoie un message à Jun pour lui demander si je peux venir récupérer le plat. Il me répond qu’il n’y a pas de problèmes au contraire. Alors je ramasse mes affaires et pars en direction de son appart. Environ une demi-heure plus tard je tape à sa porte. J’entends du remu ménage et enfin la porte s’ouvre sur un Jun avec les cheveux totalement en pétard, mais un grand sourire pendu aux lèvres.

- Mélanie ! Je suis content de te voir !

- Ah ?! Tu viens de te réveiller ? Désolée, j’arrive un peu tôt…

- Non, non ! Ne t’inquiète pas ! Tu as mangé ce matin ?

- Non… j’ai juste pris mes affaires et je suis partie. Dis-je avec un sourire gêné.

- Alors viens manger avec nous !

- Mais… ! Non enfin… je ne veux pas m’imposer…

- Tu ne t’impose pas… je t’invite !

Et sans que je ne puisse rajouter quoi que ce soit, il me tire à l’intérieure de l’appartement tout en se retournant vers un couloir qui semble mener aux chambres, en criant.

- Eh ! Les gars ! Mélanie mange avec nous !!

Je n’ai pas le temps de dire ouf que les autres membres du groupe se précipitent hors de leur chambre et me saluent tous avec des grands sourires. Jim Do baisse les yeux et écarquille les yeux. Sa bouche forme un O et avec des yeux rieurs il commence à siffler, les autres membres éclatent de rire. Je ne comprends pas tout de suite pourquoi, jusqu’à ce que je remarque que Jun me tient toujours la main. Je la retire vivement en sentant le rouge me monter aux joues.

- Il était super bon ton gratin ! S’exclame Jim Do et tous les autres acquiescent.

- Merci ! Je le dirais à ma mère ça lui fera plaisir. Dis-je avec un petit sourire.

Je retire mes chaussures et m’avance dans le salon. Jun me suit de près. Je me tourne vers lui.

- Jun, votre manager n’est pas là ?

- Non il est de sortie avec l’équipe pour faire des plans de Paris, ils sont partis à l’aube et ne reviendront que dans la nuit. Tu sais, c’est pour les vidéos que l’on doit faire pour les fans, on en a déjà fait quelques-unes mais on voulait rajouter des plans simples de Paris, sans nous dessus, pour illustrer et compléter les vidéos. La première diffusion aura lieu ce soir ! Tu voudras voir ça avec nous ?

- Je… je ne sais pas si c’est une bonne idée que…

- Tu t’inquiètes pour le manager ?

J’hoche la tête, je ne suis pas inquiète pour mes parents. Depuis la soirée que nous avons passée hier, ils m’ont semblé plus serein à l’idée que je sorte et vive ma vie. J’ai besoin de ça, j’ai besoin de reprendre contact avec la vie, la réalité. Et ce n’est pas en restant enfermé à la maison que je vais pouvoir le faire et tourner la page.

- Ne t’inquiète pas pour lui, il est plus détendu à ce propos depuis que Hae Kuk a parlé de son projet… d’ailleurs tu en as parlé avec tes parents hier ?

- Oui, et ne t’inquiète pas, j’ai tenu ma promesse, mes parents ne sont pas au courant de ce que vous faites réellement. Je leur ai juste parlé d’une entreprise qui voulait se développer en France.

Le regard de Jun s’illumine.

- Je savais que je pouvais te faire confiance ! Merci Méli !

- Méli ?

- Je trouve que ça te va bien. C’est mignon ! J’aime bien… ça ne te dérange pas ?

Je tente de maitriser les couleurs que je sens apparaitre sur mon visage. Depuis que je l’ai rencontré pour de vrai, j’ai l’impression de ne plus me maitriser. Je suis bien avec lui. Et quand je ne suis pas avec lui, il me manque. Comme lorsque je discutais via l’application. Je me sentais bien en lui parlant, mais il me manquait lorsque nous ne parlions pas.

Sauf que cette fois-ci je suis passée à l’étape suivante. Ce ne sont plus des échanges via un téléphone, mais sa présence qu’il me faut pour être heureuse. Mais que se passe-t-il bon sang ?! Ça ne tourne pas rond dans ma tête depuis que je me suis réveillée.

En attendant je n’ai aucune idée de surnom que je pourrais lui donner. Son nom est déjà court. Jun. Comment voulez-vous que je trouve un diminutif ? Junny ? Non. Ça ne va pas du tout, d’autant que les autres l’appelle déjà Jun-i alors ça n’irait pas. Tant pis ça attendra.

- Non, ça ne me dérange pas. Mais je n’en ai aucun pour toi… Je vais y réfléchir ! Dis-je avec un petit sourire en coin.

- Bien sûr ! Et… du coup pour ce soir ? Et tes parents t’ont dit quoi ? Tu manges quoi le matin d’habitude ? Sucré ou Salé ? Tu veux boire quelque chose ?

Je suis prise au dépourvu par son avalanche de questions, j’éclate de rire. Il penche légèrement la tête sur le côté.

- C’est la première fois que je t’entends rire depuis que l’on se connait.

Je m’arrête net. Il n’a pas tort. Depuis que je me suis réveillée, je n’ai fait que pleurer, angoisser, m’inquiéter ou m’interroger. J’ai souri oui, mais mes sourires n’étaient pas aussi vrais que celui que j’arbore à présent.

- Je vais répondre à tes questions… Pour ce soir… à condition que cela ne dérange personne, cela me ferait très plaisir de rester.

Un grand sourire illumine de nouveau son visage.

- J’en ai parlé à mes parents après avoir fait mes propres recherches, il s’agirait d’une licence dans la communication qui pourrait déboucher après un master sur chargé des relations publiques…

Il hoche la tête et je poursuis.

- … Pour l’instant ils ne sont pas contre, mais ils ne m’ont pas l’air très enthousiaste. Ils trouvent que ça fait un peu tôt pour prendre une décision. Ils veulent que je réfléchisse plus longtemps.

- Mais toi, tu en penses quoi ?

- Moi ? Eh bien… je ne sais pas comment expliquer ça, mais j’ai le sentiment que c’est ce que je dois faire.

- Quoi que tu choisisses, fais ce qu’il te plait, ne prend pas la décision pour me faire plaisir ou faire plaisir à tes parents. Vraiment, c’est important.

Je le regarde avec sérieux. Nous sommes maintenant assis dans le salon pendant que les garçons s’activent dans la cuisine en riant et en se chamaillant. Ce que vient de me dire Jun m’interroge. J’avais toujours cru que les parents coréens avaient une forte influence sur leurs enfants. Je fais pars de mon interrogation à Jun. Il a un faible sourire avant de me répondre.

- Oui, je vois de quoi tu parles. Avant de me lancer dans ma carrière d’Idol, mes parents étaient contre. Ils voulaient que je sois avocat, procureur ou médecin, PDG d’une grande entreprise, que sais-je. Mais je ne voulais pas faire ça. Mon rêve c’était de pouvoir chanter sur scène et danser. A l’époque j’étais trop faible pour les contredire, j’ai donc poursuivi mon rêve en secret tout en suivant les études que mes parents voulaient. Mais…

- Mais ? Dis-je tout doucement pour l’encourager.

- J’étais pas mauvais hein ! dit-il un sourire amère sur le visage.

Son visage s’assombrit en se remémorant ces souvenirs. Je lui prends la main. A ce contact je le sens tressaillir mais il ne me repousse pas. Mais qu’est-ce qu’il me prend ? Jamais je n’ai agi comme ça avant… décidément jouer à la belle au bois dormant durant un mois, ça a provoqué pas mal de changements… il n’empêche que je n’ai pas envie de retirer ma main. Ça fait déjà deux fois en moins de dix minutes que l’on est main dans la main. Non ! Je ne dois pas me faire d’idée. C’est juste pour l’encourager à parler…

- Le rythme était intenable. Un jour je me suis écroulé. J’ai fini à l’hôpital. Je n’y suis pas resté longtemps. Juste une semaine. Mais cela m’a suffi. J’avais fait mon choix. Peu importe ce qu’en dirait mes parents, il était hors de question que je mette en péril mon rêve et ma santé pour les satisfaire. On s’est longuement disputé. Actuellement je suis toujours en froid avec mon père. Ma mère, elle, a fini par accepter ma décision. Aujourd’hui elle me soutient ! Elle a bien vu que c’était ça qui me rendait heureux. Mais ça n’a pas été facile.

Je ne sais pas s’il en a conscience mais il sert ma main. Jun ne m’avait jamais parlé de ça avant. Je constate à quel point notre relation a évolué pour qu’il se confit de la sorte.

On est interrompu par les garçons qui nous crient de venir manger. Je retire vivement ma main. Il marque une pause mais ne dit rien. Je crois discerner un petit sourire mais il a déjà tourné les talons. Je dois avoir rêvé.

On se dirige tous les deux vers la cuisine, les garçons ont bien travaillé. La table est recouverte de plats en tout genre. Un vrai repas coréen. Qui dit repas coréen dit baguettes et cuillère. La cuillère, ça va, je maitrise, mais les baguettes ?! Je ne les avais jusqu’à présent jamais utilisé. Autant dire que les garçons se sont bien amusés à me regarder galérer pour attraper ma nourriture.

Au point que Jun eu pitié de moi et prit les aliments pour me les poser dans mon bol de riz. J’ai la sensation d’être une enfant nourrit par ses parents… c’est embarrassant.

Une fois le repas terminé, j’aide à débarrasser et Jun me donne un coup de main pour la vaisselle. Pendant que je lave il essuis et range. Les garçons sont retournés dans le salon pour s’amuser. Nous sommes tous les deux. L’ambiance est légère comme lors du petit déjeuner.

Nous discutons joyeusement, jusqu’à ce que tout dérape ! Et ce n’est même pas moi qui ai commencé. Alors que je le taquine à propos d’une broutille, il me donne un coup de torchon sur le bras, en riant. Provoquée ainsi je ne peux que répliquer.

Je récupère une bonne dose de mousse et lui en mets dans les cheveux. Il se fige un instant, me regardant avec stupeur. Je lis parfaitement sur son visage « Tu as osé ?! ». J’éclate de rire. A partir de là, nous ne maitrisons plus rien et la vaisselle devient le cadet de nos soucis. Les moments d’insouciances comme celui-ci m’avait manqué. Avant c’était avec Anna que…

Soudain, une douleur me vrille le crâne et une succession d’images occupe tout mon esprit. Je suis au cimetière, je vois une procession avec mes parents. Je parle avec un jeune homme dans ce même cimetière, il n’a pas l’air content. Je suis dans un avion, puis dans le cockpit de cet avion. Je suis dans une grande ville. Dans un immeuble, je monte un escalier interminable. Je suis dans un hôpital, Jun est allongé dans un lit, inconscient, branché à toute sorte de machine. Je les reconnais, j’avais sensiblement les mêmes en me réveillant. Il est paisible. Soudain tout s’anime. Panique ! Les machines sonnent, les médecins en blouse blanche s’activent. Je le vois, il est là à côté de son lit. Le plus surprenant dans tout ça, il me voit, alors que jusqu’à présent j’étais invisible aux yeux de tous. Noir.

- Méli ! Méli ! Mélanie, ouvre les yeux s’il te plait ! Mélanie tu m’entends ? Mélanie !

J’ouvre les yeux et aussitôt les referme. Je papillonne des paupières le temps de laisser ma vue s’habituer à la luminosité. Je le vois, Jun, le propriétaire de la voix. Je suis allongé par terre, dans ce qui me semble être une cuisine.

Ah oui c’est vrai j’étais en train de faire la vaisselle avec Jun.

- Mélanie, dit-il le visage toujours marqué par l’inquiétude, ça va ? Que s’est-il passé ?

Je me redresse, Jun m’aide. Je vois les garçons dans l’encadrement de la porte, ils m’observent avec le même masque d’inquiétude sur le visage. Je suis assise par terre. Je me sens bien, je n’ai mal nulle part. C’est déjà ça. Mais autre chose me perturbe.

- Je… je me souviens de tout.

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