Raids /1

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Au bout de plusieurs jours de marche supplémentaires, ils avaient largement contourné Bel-Sarm par l'Est, et se trouvaient déjà plus au Nord que la ville du Duc d'Opale, avec une frise sombre de montagnes déchirées en guise d'horizon, au Nord et à l'Est, et toujours des champs à perte de vue.

Au cours d'un après-midi, ils se trouvèrent en haut d'un talus qui surplombait une large voie. Talixan expliqua :

- Cette voie très fréquentée relie Bel-Sarm aux fortins des montagnes, au Nord-Est. Nous allons nous contenter de la traverser, car nous continuons vers Garsal, qui n'est plus qu'à un jour de marche au nord maintenant.

Alors qu'il finissait sa phrase, des frottements lourds se firent entendre, et à un virage de la route, sur leur droite, apparut une petite troupe. Une femme qui disparaissait sous une montagne de sacs et de paniers menait un boeuf, lui-même lourdement chargé, d'un pas lent. Elle était suivie de plusieurs enfants, embarrassés de tout un bric-à-brac, que ce soient des vêtements sur leurs épaules ou des outils trop grands pour eux, sous leurs bras.

Zephyr et ses compagnons s'allongèrent au ras du talus pour observer sans se faire remarquer. Comme la famille dépassait leur cachette, ils découvrirent que le boeuf tirait une civière, où gisait un homme gémissant, torse nu mais enrubanné de linges déchirés. L'image évoqua à Zéphyr sa propre blessure, et la façon dont il avait réussi à l'atténuer au point de la rendre insensible. Aurait-il pu en faire de même pour cet inconnu ? Réussir un sort était si inhabituel qu'il avait appris à ne pas compter sur ses ridicules capacités en la matière. Mais là, il avait peut-être la chance d'aider quelqu'un en reproduisant la magie qu'il avait déjà su faire fonctionner une fois.

- Je peux peut-être le soigner, dit-il à Talixan, allons les voir.

Il se leva, et les deux autres le suivirent avec réticence.

A leur vue, les enfants marquèrent un court arrêt, pour reprendre vite le pas du boeuf et de la mère, qui ne s'arrêtaient pas - Zephyr savait pourquoi. La femme jeta un air interrogateur en sa direction, et il s'approcha en prenant soin de ne pas l'effrayer.

- Madame, dit-il en se calant sur ses pas, je vois que vous avez un blessé. Depuis peu, je maîtrise un sort qui guérit les blessures. Il suffirait que je puisse opérer ce soir à la lune verte.

La femme déviagea Zephyr de haut en bas, s'arrêtant sur ses vêtements crasseux et délavés par l'exposition au soleil. Ronde de formes, elle gardait une certaine prestance au regard de la situation et des sacs amoncelés autour d'elle. C'était visiblement une maîtresse de maison assez aisée, peu habituée à faire de la route sur de grandes distances. Et le genre à se demander pourquoi un gueux sorti de nulle part voudrait lui porter assistance. Mais elle se sentit rattrapée par l'étendue de ses soucis, et acquieça :

- Si vous pouvez soigner mon mari, je vous en serai extrêmement reconnaissante. J'avais prévu de poursuivre jusqu'au prochain hameau, pour y passer la nuit. Mais si ce n'est pas votre chemin, seriez-vous d'accord pour faire halte à cette grange, là-bas, et pour y attendre la nuit ?

Zephyr répondit qu'effectivement, ils ne voulaient pas trop s'écarter de leur route, même si en réalité son souci était plutôt de ne pas se montrer à des miliciens. Talixan et Kanoo les rejoignirent à la tête du petit convoi, et tous se mirent d'accord pour passer la nuit à la grange. La jeune fille marchait d'un pas fier en ignorant les yeux ébahis des plus jeunes. Leur mère ne répondit pas à leurs appels et leurs murmures. Pour elle, cette journée avait dépassé toutes les limites de l'étrange et du supportable. De guerre lasse, elle ne se battrait pas contre des démons qui proposaient leur aide.

Pour la dernière partie du chemin, Zephyr et Talixan prirent sur leurs épaules les deux enfants les plus jeunes, tandis que Kanoo s'emparait de leur chargement. Devant eux, l'homme blessé, d'âge mûr et de forte carrure, poussait un petit cri à chaque cahot un peu violent. Une épée fine était posée contre son flanc, bien qu'il ne soit pas en état de l'utiliser. Son visage pendait sur le côté, mais Zephyr nota que la barbiche grisonnante qui encadrait sa forte machoire était parfaitement taillée - signe supplémentaire d'une famille de bonne condition.

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