Chapitre 74

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Il faisait sombre, terriblement sombre… Alec ouvrit les yeux avec difficulté, il n’arrivait pas à distinguer grand chose. Il avait chaud, son front était en sueur. Il passa sa main dessus pour l’essuyer, mais celui-ci s’humidifia à nouveau en à peine quelques secondes. Il avait l’impression de pouvoir entendre son propre souffle, ainsi que les battements de son coeur. C’était bizarre…

Il ne se souvenait plus trop de ce qui s’était passé, juste qu’il s’était effondré sur un lit, sans même savoir si c’était le sien. Et aussi qu’il avait eu mal à la tête toute la soirée. Et puis mal au ventre, à tel point qu’il s’était plié en deux sur le chemin qui l’avait mené dans la chambre.

Les souvenirs revenaient par bribes, juste des petits instants qui n’avaient duré qu’une fraction de seconde, ou même des images floues. Il n’était même plus sûr de ses souvenirs, peut-être que ça sortait tout droit de son imagination…

Il n’osa pas bouger, tout son corps était brûlant, son t-shirt était trempé de sueur et sa bouche était sèche. Il avait l’impression de flotter, comme si tout cela était irréel. Sûrement l’effet de l’alcool.

Et soudain…

— Tu dors ? lança une voix en chuchotant.

Il sursauta et se redressa d’un coup. Il regarda tout autour de lui, mais ses yeux commençaient à peine à s’habituer à l’obscurité. Il réalisa qu’il était dans une chambre, mais pas n’importe laquelle : la sienne.

Il chercha d’où provenait la voix, mais il était plongé dans un noir quasiment complet.

— C’est qui ? dit-il en commençant à paniquer.

— Bah… moi.

La voix lui était familière, mais il n’arrivait pas à mettre un nom dessus. Et pourtant, il avait l’impression de l’avoir sur le bout de la langue, mais ça lui échappait… c’était insupportable.

— Qu’est-ce que tu fous ici ?

— C’est toi qui m’as invité.

Son bras se dirigea derrière lui, et il saisit le premier truc qui lui passa sous la main : son réveil. Il n’allait pas faire grand chose avec pour se défendre, mais c’était toujours mieux que rien…

— T’es qui bordel ?

— Tu me reconnais pas ?

L’inconnu l’avait dit d’un ton enjoué, comme si tout ça l’amusait de lui faire peur, de jouer avec lui et de lui faire du mal…

— C’est toi Jordan ?

Le nom était sorti tout seul de sa bouche, comme par réflexe. Ou comme s’il avait compris inconsciemment, à travers ses mots, et les frissons qui avaient parcouru le corps d’Alec : seul Jordan lui donnait ce genre de sueurs froides quand il était là, il n’y avait que lui pour le terrifier à ce point, mais en même temps le fasciner...

— Ah enfin ! J’pensais que tu devinerais jamais !

— Tu veux quoi ?

Il avait hurlé cette dernière phrase, espérant réveiller ses parents pour avoir de l’aide. Mais ils semblaient être seuls…

Qu’est-ce qui avait bien pu se passer ?

Jordan se mit à sourire.

— C’est plutôt moi qui devrais te poser la question.

— Je comprends pas…

Jordan sembla bouger, Alec put entendre un léger bruit à l’endroit d’où provenait sa voix. Il serra un peu plus fort son réveil, prêt à le fracasser contre son crâne dès qu’il s’approcherait un peu trop.

— Qu’est-ce que tu veux, toi, Alec ? dit-il.

Il ne pouvait pas le voir, mais il était sûr que Jordan abordait cet habituel sourire en coin, il pouvait le deviner au simple son de sa voix, à son air amusé… Il tressaillit.

— J’veux juste que tu m’foutes la paix ! cria-t-il. J’veux que tu dégages de ma vie et que tu me laisses tranquille !

— T’en es sûr ?

— Oui ! Je sais pas pourquoi tu t’amuses autant à jouer avec moi et à essayer d’me faire peur, mais sache que j’en ai plus rien à foutre de toi !

Il l’entendit souffler doucement du nez. Le calme de Jordan ne faisait que faire monter en flèche l’agacement et le stress d’Alec. Il ne tenait plus en place, il était trempé de sueur et tout son corps était tendu. Son coeur battait trop vite, sa respiration était trop forte, trop rapide, trop saccadée…

— Si t’en as vraiment rien à foutre de moi, pourquoi t’es venu la dernière fois ? Rien ne t’empêchait de rester chez toi, t’as pris un risque pour me voir. Et tu l’as pris pour qui, ce risque ?

Le silence s’installa un court instant, le temps était suspendu. Il retint son souffle, chercha des mots, essaya de réfléchir.

Mais Jordan termina sa phrase avant qu’Alec ne puisse réagir :

— Pour moi.

C’en était trop. C’étaient les deux mots qu’il ne fallait pas dire. Alec serra encore plus fort le réveil qu’il tenait dans sa main. Son bras était en train de trembler, tous ses muscles étaient contractés à fond. Il ne pouvait plus tenir en place.

Alors il balança le réveil en direction de Jordan.

Il y mit toute sa force, alimentée par le stress, la haine, les émotions des dernières semaines, tous ces mots qu’il avait gardés en lui, et toutes ces choses sur lesquelles il ne pouvait pas mettre de mots, tous les cris qu’il avait emprisonnés en lui, toutes les pensées qui avaient traversé son esprit.

Un bruit assourdissant suivit. Alec comprit qu’il avait manqué sa cible. Le réveil s’était fracassé contre un mur et s’était cassé en plusieurs morceaux.

Mais quelque chose clochait.

Tout semblait avoir changé, il se sentait différent, comme libéré d’un poids… Les sensations avaient changé, il n’y avait plus cette impression de flotter, peut-être que l’effet l’alcool avait commencé à se dissipe.

Et puis les sentiments étaient différents. Plus de rage, plus de panique, plus de stress. Même l’impression de ne pas être seul avait disparu, c’était comme si Jordan n’était plus là…

Il essaya de se lever, et à sa plus grande surprise, il n’eut pas peur. Il s’avança lentement, dans la pénombre, cherchant le bouton pour allumer la lumière de sa chambre.

Lorsqu’il le trouva enfin, il fut éblouit et ferma les yeux. Il dut attendre quelques secondes afin de s’habituer à la luminosité. Son réveil était bien par terre, cassé en plusieurs morceaux. La porte de sa chambre était fermée.

Il entendit soudain des pas dans les escaliers. Il n’eut pas le temps de réagir que sa mère ouvrit la porte et surgit dans sa chambre, tandis qu’il était debout, les pièces de son réveil dans les mains. Quand elle le vit, elle fronça les sourcils.

— Tout va bien ? J’ai entendu du bruit.

— Euh oui… bredouilla-t-il. J’ai fait tomber mon réveil sans faire exprès. T’inquiète pas.

Elle semblait trop fatiguée pour réagir, alors elle haussa les épaules et repartit dormir, sous les yeux étonnés d’Alec.

Il jeta son défunt réveil à la poubelle, puis programma une alarme sur son portable pour le lendemain matin. Puis il sortit de sa chambre et se mit à descendre les escaliers…

« Pour en avoir le coeur net » pensa-t-il.

Il alluma la lumière du salon : pas de trace de Jordan. Toutes les chambres étaient fermées, ainsi que la salle de bain et les toilettes. Les volets étaient clos, tout comme les fenêtres. Il vérifia que la porte d’entrée était bien verrouillée. Il y avait même cette petite cloche accrochée à la poignée, qui faisait un bruit monumental lorsque la porte s’ouvrait. Toute la maison l’aurait entendu si quelqu’un était parti.

C’était certainement un cauchemar.

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