Chapitre 71

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Les jours passèrent tranquillement, rien de nouveau n’arriva. Alec évita Jordan au maximum, et celui-ci ne vint plus lui reparler. Il était quasiment sûr que Jordan avait juste essayé de le perturber, de venir foutre la merde dans sa vie, qu’il avait tenté une sorte de vengeance, parce qu’il considérait que c’était de sa faute si Marion s’était éloignée de lui.

Alec ne savait même pas si les deux avaient rompu ou non, et il n’en avait pas grand chose à foutre. Il considérait que ces histoires ne le concernaient plus.

Sa relation avec Ruben se renforça, ils prirent leurs petites habitudes : se retrouver dans cette petite ruelle chaque jour après les cours, puis se rendre dans ce petit square, où il leur arrivait parfois de commettre quelques… bêtises.

Alec n’osa plus parler à Matthieu de Marion, il avait peur de faire ressurgir Jordan dans toute cette histoire et de s’attirer de nouveaux problèmes, et Matt n’évoqua pas le sujet non plus, comme s’il avait compris qu’Alec préférait oublier ça.

***

— Un mois, déjà…

— Ça passe vite, hein !

Alec se mit à sourire doucement, tout en jouant avec son bracelet, qui ne quittait jamais son poignet.

Et ils fêtèrent ce moment en toute simplicité, avec un baiser passionné et interminable.

Il se sentait bien, là. Il avait déjà l’impression d’être avec Ruben depuis toujours et il ne se voyait plus vivre sans lui. Il était content de revoir Ruben, il en avait vraiment besoin. Ça lui permettait d’oublier ses problèmes pendant un moment.

Il avait l’impression que son coeur se réchauffait lorsqu’il était dans ses bras, que tout son corps se détendait et que son esprit était apaisé. Sa respiration devint plus lente, ses yeux se fermèrent doucement… et il posa ses mains sur les hanches de Ruben.

Le câlin dura longtemps, peut-être une ou deux minutes. Sous le coup de la fatigue, ayant fermé les yeux pendant un long moment, Alec fut ébloui quand il les rouvrit. Ruben s’écarta légèrement de lui, avec des gestes très délicats pour ne pas le brusquer.

— Viens avec moi, susurra-t-il.

Alec releva la tête vers lui, les yeux encore à moitié fermés. Il fronça les sourcils et le regarda, intrigué.

Il se redressa et se mit à le suivre, tenant sa main.

Sa main… elle était assez grande et dure, ses ongles étaient dévastés. Il s’arrêta alors et prit ses doigts pour les observer de plus près, mais Ruben se retira d’un geste brusque.

— Tu te les ronges ?

— J’aime pas quand on regarda ça.

— C’est à cause de qui ?

Ruben mit quelques secondes à répondre. Son regard était fuyant, Alec sut qu’il avait touché une partie sensible en lui.

— De tout. Tout l’monde qui me critique, qui m’prend pour une merde. Ça me fait stresser, même si j’essaye de rien montrer.

— D’accord…

Ils se remirent à marcher, tandis qu’Alec ne pouvait s’empêcher de regarder ces ongles rongés. Ruben le remarqua rapidement et mit ses mains dans ses poches. Il avait l’air gêné, c’était rare de le voir comme ça. Et Alec se sentait coupable d’avoir abordé ce sujet, il se dit qu’il aurait dû deviner que ça le blesserait.

Ils arrivèrent alors dans une sorte de petit square, pas très loin de la gare RER, situé juste à côté d’un grand rond-point où défilaient des dizaines de voitures à la minute.

Alec était complètement crevé et avait besoin de s’asseoir.

— On y va ? lança-t-il.

— Mais tu vas rentrer en retard chez toi, nan ? Tes parents vont pas s’inquiéter ?

— J’leur dirais que y avait un problème sur le RER, ça arrive tout le temps.

— Pas con.

Presque tous les bancs étaient libres, ils en trouvèrent un qui était parfaitement situé, caché par des buissons qui empêchaient les passants de les voir.

Ils se posèrent donc sur ce banc-là, et Alec n’attendit pas pour se blottir à nouveau contre son mec. Il passa une jambe par-dessus celles de Ruben et posa sa tête sur son torse.

— C’est confortable pour toi ? souffla-t-il, déjà en train de s’endormir.

— Ouais, j’aime bien que t’es collé contre moi… T’es tout chaud.

En disant ça, Ruben embrassa ses cheveux et caressa sa joue du bout de l’index. Et Alec laissa échapper un petit soupir de bien-être, ses lèvres s’étirèrent en un sourire comme par réflexe. Il ferma complètement les yeux, et cala sa respiration sur celle de Ruben, qui lui prit la main et dessina des petits cercles sur sa paume.

Il savait que c’était naïf de sa part, mais il préférait rester dans cette insouciance et croire à ce genre de choses, ça lui donnait du bonheur.

— D’ailleurs, c’est bientôt ton anniv’, nan ? dit-il.

— Ouais, tu te souviens d’la date ?

— 20 décembre, comment j’peux oublier ?

Ruben ne cacha pas sa satisfaction et se mit à sourire. Il posa délicatement sa main sur la cuisse de son copain et se colla contre lui. Il commençait à faire froid, en ce mois de décembre, et la chaleur de Ruben était la bienvenue pour lui.

— Et toi, dit-il, c’est le 5 janvier !

Alec lui fit un clin d’oeil.

— Exact.

— Ça veut dire que t’as un an de moins ?

Il fronça les sourcils.

— Bah nan, à peine deux semaines.

— Mais j’suis né en 95, et toi en 96. Donc t’es un petit !

Ruben fit alors un petit geste de recul en faisant mine d’être dégoûté. Il allait vraiment le narguer pour deux petites semaines de différence en fin d’année ?

— N’importe quoi, toi…

Il détourna le regard et ne dit plus rien. Mais il avait quand même un grand sourire sur ses lèvres, et il aurait aimé le faire disparaître. Il n’arrivait pas à cacher son bonheur en présence de Ruben, c’était incontrôlable.

— D'ailleurs, comme la date approche, tu vas pouvoir revenir chez moi pour mon anniv !

L’annonce provoqua une véritable explosion dans sa tête. Il repensa soudain à tout ce qui s’était passé lorsqu’ils était allés chez lui : la mère de Ruben, son père, ses frères et soeurs… et puis la dispute avec son père, leur première engueulade en groupe…

Il blêmit.

— T’es sûr que c’est une bonne idée…?

— Mais oui, t’inquiète pas ! Ils sont sympa d’habitude, et puis mon père sera pas là, normalement. Il en a rien à foutre de mon anniv’.

— Donc si ton père est pas là, tu penses ça se passera mieux…?

— Bah ouais, c’est clairement lui le problème !

Alec ne semblait toujours pas convaincu et était encore en train de réfléchir. Il avait plutôt imaginé fêter l’anniversaire de Ruben seul avec lui. Mais ce n’était pas à lui de décider, alors il fallait bien se résigner à se taper sa famille une fois de plus… Et puis sans le père de Ruben, ça allait certainement mieux se passer que la fois d’avant.

— Et y aura qui ?

— Ma mère, mes frères et soeurs, que t’as vus la dernière fois. Et puis ma tante, Valérie, celle qui nous a prêtés sa maison pour qu’on… voilà. Et la mère à Valérie.

Alec n’était pas rassuré, il n’était jamais très à l’aise lors des repas de famille, et il restait toujours à la table des enfants à jouer sur son téléphone avec ses cousins. Mais là, c’était différent, c’était une famille d’une autre culture, il n’y allait sûrement pas avoir de tonton beauf qui ferait des blagues gênantes, mais plutôt une réunion de grandes gueules qui allaient s’en mettre plein la gueule. En tout cas, c’est ce qu’il s’imaginait, ayant déjà eu un petit aperçu de Ruben et ses parents.

Et puis là, il n’allait pas pouvoir s’échapper et devenir invisible, puisqu’il allait être le nouvel invité… Ça voulait dire qu’il allait être mis au centre de l’attention, et il détestait ça.

Ruben sembla remarquer l’inquiétude de son copain, et il lui fit un bisou bien baveux sur la joue pour le réconforter.

— Ça va bien s’passer, t’inquiète pas !

Il posa sa main sur la cuisse d’Alec et se colla contre lui.

— J’espère…


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