Chapitre 63

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Alec ferma les yeux et poussa un long soupir, qui en disait long sur son état… Il n’avait absolument aucune envie d’en parler.

Il savait très bien que c’était Matt, et qu’il allait forcément bien réagir, qu’il n’y aurait aucun souci… Mais là, c’était juste impossible.

— Il m’a menacé pour pas que je le dise.

Matthieu haussa un sourcil. Son expression changea d’un seul coup, ses mâchoires se serrèrent et son regard se planta dans celui d’Alec. Il avait dû comprendre que c’était sérieux.

— Raconte-moi. Je dirais rien.

— Je sais pas, j’ai vraiment pas envie, là…

Matt parut déçu, il afficha sa tête de chien battu et fit la moue en avançant sa lèvre inférieure. Alec ne savait pas s’il était en train de se foutre de sa gueule ou s’il était vraiment sérieux.

— Bon, d’accord, je vais te dire…

— Ouaiiiis ! s’exclama Matt en prenant une voix d’enfant.

— Mais tu me promets que tu diras rien à personne ?

— Ok bitch !

Alec prit une grande inspiration. Il détestait raconter son passé, ça le mettait toujours dans un sale état et ça le déprimait pour le reste de la journée.

— Alors… en gros, ça s’est passé pendant le voyage en Chine. On était dans le car, et je sais plus pourquoi, mais j’avais des doutes sur Jordan à ce moment-là.

— T’étais en crush sur lui ?

Mais c’était pas croyable, ce mec était vraiment capable de lire dans ses pensées, ça en devenait presque insupportable !

Et avec le recul, Alec se rendait compte que ses sentiments pour Jordan étaient vraiment… ridicules, surtout quand il les comparait avec ceux pour Ruben. Il avait presque honte d’avoir eu des vues sur ce gars.

Alors non, Matthieu n’aurait pas la joie d’apprendre qu’Alec avait été en crush sur Jordan, parce qu’il se serait foutu de sa gueule pendant des semaines.

— Mais nan, qu’est-ce que tu racontes ? lança-t-il avec son meilleur jeu d’acteur.

— Nan mais je demande, hein. C’est tout !

Il se mit à sourire malicieusement. Alec était mal à l’aise.

— Bref, j’ai décidé de prendre en photo sa conversation par messages, et je suis tombé sur des trucs croustillants…

Matt avait les yeux qui brillaient. Il adorait apprendre des choses sur les gens, c’était un vrai concierge.

— C’était quoi ?

Alec marqua un temps d’hésitation. Il sentait qu’il était sur le point de faire une grosse connerie, et qu’il allait le regretter…

Mais bon, il n’avait pas vraiment le choix. Il s’était lancé, alors il fallait aller jusqu’au bout.

— En fait, son père est gay.

Matt haussa les sourcils, il le regarda avec des yeux ronds comme des billes.

— Arrête ! Tu m’fais marcher !

— Bah nan, c’est la vérité…

— Jure-moi sur la vie de Ruben.

Alec leva les yeux au ciel.

— Si ça te fait plaisir…

— Dis-le !

Il soupira bruyamment, pour lui faire comprendre qu’il commençait à devenir lourd. De toute façon, il irait en enfer rien que pour le fait d'être gay, alors il pouvait bien jurer autant qu'il le voulait.

— Je jure sur la vie de… Ruben.

— Ah ouais, je m’y attendais pas, là…

— Tu l’avais pas devinée, celle-là, hein ?

— J’avoue, j’avoue. Franchement, je m’attendais pas à ça.

— Sauf que le problème, c’est qu’il m’a cramé en train de l’espionner. Et disons qu’il a trouvé un moyen d’me faire taire…

Matthieu fixa son pote, il était suspendu à ses lèvres.

— Et il a fait quoi ? fit-il, le regard pétillant.

— Ben… Il m’a plaqué contre un mur, et puis il m’a…

Alec eut un blocage, il n’arriva pas à finir sa phrase.

— Frappé ?

Il se mit à grimacer.

— Nan… Pas vraiment frappé, mais je dirais plutôt… frappé, ouais, t’as raison finalement. Et puis il a aussi regardé mon portable, et il a vu ma conversation par messages avec Ruben…

— Donc il te fait du chantage, c’est ça ?

— Bah… c’est pas vraiment gênant, parce que j’ai juste à fermer ma gueule pour que tout se passe bien. Et puis lui non plus ne peut rien dire, parce que je sais des choses sur lui et que je peux le mettre dans la merde si je veux. Alors on a tous les deux intérêt à s’taire.

Il avait dit tout ce que son pote avait besoin de savoir, c’est-à-dire tout, sauf ce dernier truc, ce petit moment qui s’était déroulé le dernier jour du voyage.

Alec considérait qu’il en avait assez dévoilé, et que ça ne valait pas la peine d’en rajouter une couche. Il garderait ce détail pour lui, et il arriverait à le gérer sans trop de problème…

Matthieu posa ses mains sur son menton imberbe, en imitant les gens dans les films qui se grattaient la barbe pour réfléchir, plissant les yeux et bougeant la tête de haut en bas.

— Je vois, je vois… C’est vraiment un connard, quand même. J’comprends pas c’que Marion lui trouve.

Alec haussa les épaules, pour montrer qu’il était dépassé par les évènements.

— Bah… si elle l’aime, c’est comme ça, hein. Et puis il est loin d’être moche, aussi.

— Ouais mais c’est un enculé quand même. Le physique fait pas tout, il faudrait qu’elle ouvre les yeux, parce qu’elle sera jamais heureuse avec un gars comme lui.

— Je vais essayer de lui parler, elle doit forcément avoir ses raisons.

Mais Matthieu n’en avait pas fini. Il avait l’air en colère contre Jordan, lui qui était si calme d’habitude, qui dédramatisait toutes les situations. C’était rare de le voir s’emporter comme ça.

— Et j’comprends pas pourquoi il veut cacher sa relation ! poursuivit-il. S’il l’aime, pourquoi il l’assume pas ?

— J’pense que c’est pas vraiment le genre de meuf que ses potes valideraient… Elle est pas assez bimbo pour eux.

— Ouais, mais s’il l’aimait vraiment, il devrait pas se cacher.

Alec s’apprêta à dire un truc, mais il se retint au tout dernier moment. Le regard de Matt avait changé, ses yeux ne brillaient plus. Ses traits s’étaient durcis et tout son visage s’était tendu. Là, il avait l’air d’être sérieusement agacé, et ça n’était pas bon signe.

— Matt.

Il l’avait dit avec une voix grave, d’un air presque accusateur. Et il fut lui-même surpris par le ton qu’il avait pris.

— Quoi ?

— T’es jaloux ?

Il baissa la tête, regardant vers le sol. Ses mâchoires se serrèrent, il respirait fort. Il n’était pas dans son état normal.

— Ben… ça fait un moment.

Alec sentait que c’était le moment de lui montrer son soutien, que lui aussi pouvait lui donner des conseils.

Pour une fois, les rôles s’inversaient, et il voulait vraiment l’aider à aller mieux, parce que ça lui fendait le coeur de voir son pote dans cet état-là…

— Ça remonte à quand…?

— Je dirais quelques semaines… Mais au début, c’était rien du tout, je m’en rendais presque pas compte, et je me suis dit que ça passerait. Mais quand il y a eu les vacances, et qu’on s’est pas vu pendant deux semaines, elle m’a énormément manqué, j’lui envoyais des messages tous les jours, mais elle répondait des heures presque jamais, parce qu’elle était en Chine…

— Et c’est là que t’as compris que t’avais des sentiments pour elle ?

— Ouais… Depuis la rentrée, j’essaye de me rapprocher d’elle, mais j’ai bien vu qu’elle traînait de plus en plus avec Jordan. Alors j’ai réussi à faire comme si ça me touchait pas, mais à un moment c’es trop pour moi…

Alec déglutit. Il avait peur de sortir une connerie, il ne savait pas trop quoi lui dire pour le rassurer.

— Je comprends mieux pourquoi t’as tenu tête à Jordan. J’pourrais aller parler à Marion, et essayer de la convaincre…

— Faut pas la forcer, elle fait c’qu’elle veut. J’avais parlé sous le coup de la colère, mais je sais que j’peux rien y changer…

— J’avoue que ça me met un peu sur le cul, là. J’avais rien vu venir…

Matt releva les yeux avec un air de reproche.

— Ben bien sûr que tu t’as rien vu venir ! T’étais tellement obnubilé par ton Ruben que tu m’as oublié !

Matthieu était au bord des larmes, sa voix s’était cassée à la fin de sa phrase.

Alec, lui, avait le souffle coupé. Il était sonné, comme s’il venait de se prendre une gifle en plein visage. Il gardait ses lèvres entrouvertes, sous le choc.

— J’suis désolé, Matt… souffla-t-il.

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